orientation scolaire et professionnelle
Question de :
Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste
La désaffection de nos jeunes pour entreprendre des études scientifiques se vérifierait depuis quelques années. Alors que le nombre d'étudiants aurait augmenté entre 1989 et 2003 de 86 %, on constaterait que le nombre de docteurs ès sciences n'aurait augmenté, lui, que de 2 %. Les DEUG auraient perdu 25 % de leurs étudiants, 46 % même pour le DEUG de physique. Les écoles d'ingénieurs et les écoles de commerce commenceraient aussi à exercer une moins grande attractivité. La reconnaissance sociale de ces professions a beaucoup diminué. Le chercheur du secteur public est maintenant connu comme un « semi-miséreux », qui se bat pour obtenir des moyens de travailler, et dont la reconnaissance sur le plan international a beaucoup diminué. En résumé, un prestige en berne, sévère, pour des salaires maigrichons. L'ingénieur du privé est toujours bien payé, et reste un des professionnels prestigieux et reconnus dans la société française. Il est en revanche soumis maintenant à l'insécurité de sa position, dans un monde où les fins de carrière deviennent délicates. Un des secteurs les plus touchés par la désaffection des étudiants est celui de l'industrie chimique. Nul doute que l'on comprend pourquoi... Les diplômés des grandes écoles de commerce ont un rôle moins reconnu socialement que celui de l'ingénieur. C'est celui du « commercial », méprisé très souvent en France et dans d'autres pays, et incompris, assimilé qu'il est à un petit commerçant. Par contre, au fil des ans, ses possibilités de promotion et de salaire ont fortement augmenté dans les entreprises, au point qu'il commence à prendre le pas sur l'ingénieur. Il a donc, et il le sait, un avenir brillant devant lui, d'autant plus que la palette de postes qu'il peut occuper est beaucoup plus large que celle d'un ingénieur, et, donc, il est moins sensible aux restructurations. Vendre des petits pois, de l'informatique, de la banque ou des voitures, relève en fin de compte de la même technique. Par ailleurs, le regard de la société a beaucoup changé, en trente ans, sur l'activité des hommes, son importance pour la collectivité. Enfin, la France n'aime plus son industrie. Ses étudiants, logiquement, s'en détournent... Compte tenu de cette regrettable situation, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande désormais à M. le Premier ministre de lui indiquer la teneur de la stratégie de reconquête qu'il entend mener au sujet de ce dossier. - Question transmise à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Réponse publiée le 17 janvier 2006
Les filières scientifiques en premier cycle connaissent une lente érosion du nombre d'inscrits en première année de licence. À la rentrée 2004, avec 31 705 nouveaux inscrits en 1re année de licence dans la filière sciences, les effectifs des nouveaux entrant à l'université ont continué de baisser comme les six rentrées précédentes (- 23 % par rapport aux 40 756 nouveaux inscrits en 2003). Cette tendance qui ne s'infléchit pas affecte la plupart des pays européens. Il convient néanmoins de nuancer cette désaffection en sachant que l'attractivité des formations des grandes écoles demeure, en particulier celles conduisant au titre d'ingénieur. Toutefois, on ne peut pas nier le fait qu'un effort considérable doit être fait pour attirer les jeunes vers les filières universitaires scientifiques afin notamment de pourvoir aux métiers de l'enseignement dans les matières scientifiques et pour maintenir la qualité de la recherche en France dans les années à venir. Dès la fin des années quatre-vingt-dix, des mesures ont été mises en oeuvre pour remédier à cette désaffection des filières scientifiques universitaires parmi lesquelles figure la rénovation des DEUG scientifiques, pour laquelle un accompagnement financier a été attribué aux universités concernées depuis 1998. Cette rénovation a donné des résultats encourageants puisque, dans tous les DEUG rénovés, une diminution des taux d'abandon et d'absentéisme aux examens et une augmentation sensible des taux de réussite ont pu être constatées. À partir de 2001, d'autres formes d'actions ont été initiées et portées par la mission qui a été confiée à M. Maurice Porchet, professeur à l'université Lille-I. Cette mission a donné lieu à la production de trois rapports remis en avril 2002, mars 2003 et janvier 2004 qui s'articulent autour des sept propositions suivantes : faire émerger un nouvel enseignement des sciences reposant sur de nouvelles méthodes d'apprentissage, une meilleure lisibilité du dispositif de formation permettant notamment de cerner les incohérences éventuelles entre les enseignements et l'acquisition de nouvelles compétences ; créer des commissions de réflexion sur l'enseignement des sciences afin de mieux articuler les enseignements universitaires avec les savoirs acquis au lycée. Elles auront pour mission de comparer les programmes et permettre ainsi de mieux organiser le premier semestre de la licence dans le cadre du LMD ; généraliser la nomination des chargés de mission académiques pour les sciences ; donner une autre image de l'université par une meilleure information et une communication plus grande autour de l'enseignement, des métiers et des débouchés professionnels ; mutualiser et évaluer toutes les pratiques pédagogiques innovantes en créant un site national unique ; former les enseignants-chercheurs à la pédagogie et réhabiliter la fonction d'enseignant ; repenser profondément les TP et les TD. Depuis l'année 2003/2004, le dispositif des chargés de mission académique aux sciences est généralisé et un chargé de mission est à présent nommé dans chaque académie. Il est apparu en effet que le travail mené dans les huit académies pilotes a donné des résultats très encourageants. Une première rencontre, réunissant l'ensemble des chargés de mission, a été organisée en janvier 2004 afin de les guider dans leur programme d'action et d'envisager les moyens d'une mutualisation de cette action. Le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a finalisé en 2005 un site internet afin de mieux faire connaître les actions menées au sein de chaque académie et de favoriser la communication dans un esprit de valorisation et de mutualisation. En outre, le ministère s'attache à la mise en oeuvre d'autres actions visant à améliorer l'attractivité des filières scientifiques en : mutualisant les expériences pédagogiques réussies ; repensant le processus d'orientation de la 3e à bac + 2 ; prenant en charge le néo-bachelier en début de cursus universitaire ; introduisant des enseignements plus technologiques (pratiques, projets, stages), base d'une démarche expérimentale ; formant les étudiants aux réalités professionnelles ; formant les universitaires à la fonction enseignante. En effet, la lutte contre la désaffection des filières scientifiques implique une évolution dans les pratiques pédagogiques des enseignants-chercheurs qui nécessite de repenser leur formation. Dans ce contexte, les centres d'initiation à l'enseignement supérieur (CIES) ont un rôle primordial à jouer, notamment pour sensibiliser les futurs enseignants-chercheurs à ces nouvelles problématiques. Par ailleurs, la capacité d'innovation des universités dans les disciplines scientifiques trouve aujourd'hui toute sa place dans l'assouplissement de l'organisation des formations qu'autorise désormais le dispositif licence-mastère-doctorat, en ce qui concerne notamment la mise en place de parcours pluridisciplinaires permettant à l'étudiant une orientation progressive au fur et à mesure que s'affine son projet personnel et professionnel. De cette façon, l'étudiant devient un véritable acteur de sa formation, ce qui est un facteur primordial pour sa réussite. Toutes ces actions seront évaluées dans le cadre des contrats quadriennaux des universités et des indicateurs mis en oeuvre à l'occasion de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui permettront en particulier de mesurer l'efficacité des formations, à travers notamment les taux de réussite des étudiants.
Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enseignement supérieur
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : éducation nationale
Dates :
Question publiée le 13 décembre 2005
Réponse publiée le 17 janvier 2006