Question écrite n° 84096 :
Nouvelle-Calédonie

12e Législature

Question de : M. Dominique Strauss-Kahn
Val-d'Oise (8e circonscription) - Socialiste

M. Dominique Strauss-Kahn interroge M. le ministre de l'outre-mer sur les conditions et les conséquences éventuelles de l'échange de titres concernant le massif minier du Koniombo en Nouvelle-Calédonie survenu fin 2005. Il rappelle que l'accord du 1er février 1998 dit « de Bercy », qui est intervenu entre l'État, les représentants des intérêts de la province Nord de Nouvelle-Calédonie et la société ERAMET/SLN, préalable faisant politiquement partie intégrante de l'accord de Nouméa, qui, signé par le Premier ministre Lionel Jospin le 5 mai 1998, et ayant aujourd'hui valeur constitutionnelle, a organisé, pour les vingt années suivantes, le processus d'évolution de la Nouvelle-Calédonie, avait pour objet de permettre la construction, dans la province Nord, par la Société métallurgique du Sud Pacifique (SMSP), contrôlée par la province Nord, en partenariat avec un opérateur industriel métallurgique, d'une usine de production pyrométallurgique de nickel d'une capacité annuelle de 54 000 tonnes. Cette construction devait contribuer de manière décisive au rééquilibrage économique entre le nord et le sud de la Nouvelle-Calédonie par le développement économique et la création d'emplois. L'accord de Bercy a été conclu avec un soutien financier important de l'État, qui a versé une soulte d'environ 150 millions d'euros à ERAMET/SLN, compensant la différence de valeur des massifs échangés. L'accord de Bercy avait prévu une condition suspensive préalable au transfert des titres miniers permettant l'exploitation du massif du Koniambo à une société ad hoc support juridique de la future usine, portée à 51 % par la société de développement de la province Nord et à 49 % par la société canadienne Falconbridge, qui a adhéré au protocole le 23 avril 1998, en tant que futur opérateur industriel, choisi par la SMSP. Il était nécessaire d'avoir la certitude de la capacité technique et financière du partenaire industriel, Falconbridge, à mener à bien le projet ; que ce partenaire ait marqué sa volonté de réaliser le projet en ayant engagé pour celui-ci des dépenses spécifiques à hauteur d'au moins 100 millions d'euros ; que l'opérateur industriel ait pris l'engagement irrévocable de le mener à bien. Le respect de ces conditions était placé sous la triple surveillance d'une structure indépendante des parties dénommée « l'Entité », chargée de valider les différentes phases ainsi que des représentants de la province Nord et de l'État. De nombreux retards et informations contradictoires ont fait douter, notamment en 2005, de la capacité et de la volonté de Falconbridge de mener à bien ce projet. En particulier, son conseil d'administration s'est refusé à publier une délibération d'engagement « irrévocable » de réalisation du projet. Par ailleurs, des interrogations ont été soulevées sur des questions techniques, et aucun plan de la fusion de Falconbridge et de sa maison mère Noranda, puis par l'offre « amicale » de rachat public en cours par l'autre grand producteur de nickel canadien, la société INCO. Récemment, le TGI de Paris, saisi en référé sur ces points par ERAMET, a, par ordonnance du 28 décembre 2005, statué qu'il n'y avait pas lieu à suspendre en référé l'opération de transfert en relevant notamment dans ses attendus que « L'Entité » avait considéré que « l'étude de faisabilité technique avait été validée par lui le 27 mai 2005 » et que l'examen des contrats soumis par Falconbridge permettait de considérer qu'ils étaient conformes au protocole de Bercy. Bien plus, dans son ordonnance, le tribunal « constate [...] en particulier l'engagement irrévocable de la société Falconbridge de construire l'usine du Nord de traitement du minerai de nickel du massif du Konambo exprimé à l'audience », constatation qui résulte de ce que ; « dans ses écritures et à l'audience, la société Falconbridge a confirmé le caractère irrévocable de la décision de construire l'usine du Nord que, dans ses écritures, elle affirme avoir reçu l'agrément exprès de son actionnaire majoritaire dont l'offre publique d'achat de ses titres est en cours » (c'est-à-dire INCO, auteur de l'OPA). Cependant, par un communiqué officiel publié le 28 décembre 2005 à Toronto, cette société commente la décision du TGI, en omettant toute référence à une éventuelle décision irrévocable de construire l'usine, se contentant d'évoquer avec des réserves la possibilité de débuter les travaux en 2007, pour mise en service au plus tôt en 2009 mais en précisant explicitement qu'il ne s'agit pas d'un engagement. Au-delà de ces débats juridiques, l'OPA lancée sur Falconbridge par INCO, société qui porte par ailleurs un important projet industriel sur une usine de nickel dans la province Sud, renforce le besoin de clarification dans la mesure où INCO n'a jamais exprimé de position sur sa volonté de mener à bien le projet du Nord s'il prend effectivement le contrôle de l'ensemble du groupe. Dans ces conditions, et compte tenu des graves incertitudes tant sur la détermination de l'opérateur canadien actuel que sur la position de l'actionnaire futur éventuel, il souhaite obtenir de lui des garanties sur les moyens que l'État envisage de mettre en oeuvre pour s'assurer que le transfert des titres permettant la mise en valeur de l'un des derniers grands gisements mondiaux de nickel encore inexploité serve bien exclusivement à permettre la mise en service rapide d'une usine de production métallurgique dans le Nord de la Nouvelle-Calélonie, et non à une éventuelle opération de stérilisation spéculative ou d'amélioration de la rentabilité financière d'une opération de restructuratio, de groupes industriels canadiens. Il lui rappelle l'importance absolue de ce projet pour le rééquilibrage entre les provinces Sud et nord de la Nouvelle-Calédonie, l'engagement constant de l'État sur ce point, confirmé par M. le Président de la République sur place le 25 juillet dernier, et le très fort soutien des populations du Nord, comme de l'ensemble des responsables de la Nouvelle-Calédonie, ainsi que les risques majeurs que ferait courir un échec éventuel de ce projet dans de telles conditions.

Réponse publiée le 16 mai 2006

L'honorable parlementaire est particulièrement au fait de ces sujets, puisqu'il a signé lui-même en tant que ministre de l'économie et des finances le 1er février 1998 le protocole d'accord de Bercy. Il connaît donc parfaitement et rappelle très justement la complexité du dispositif adopté pour le rééquilibrage économique en faveur de la province du Nord, qui constituait le « préalable minier » aux accords de Nouméa. Ce dispositif a été strictement respecté fin 2005, ainsi que l'exposé de sa question le mentionne. Les engagements pris à ce titre devront naturellement être tenus par les partenaires du projet Koniambo qui est détenu à 51 % par la filiale de la province du Nord, la SMSP (Société minière du Sud-Pacifique), et à 49 % par l'opérateur canadien, Falconbridge. La société Falconbridge fait effectivement l'objet d'une offre publique d'achat amicale de la société INCO, dont l'issue vient d'être repoussée au 30 juin 2006. Cela ne doit pas remettre en cause les décisions déjà prises par Falconbridge, société de plein exercice et responsable du respect de celles-ci. Le Gouvernement y restera attentif. Les ministères de l'outre-mer et de l'économie, des finances et de l'industrie ont, depuis avril 2003, voulu un suivi rigoureux du déroulement des grands projets miniers et métallurgiques portant sur le nickel en Nouvelle-Calédonie, grâce à la désignation d'une mission qui rend compte régulièrement de leur avancement et formule à tout moment les recommandations utiles à l'État pour remplir les engagements pris en 1998 vis-à-vis de la Nouvelle-Calédonie. Ce suivi s'effectue en liaison étroite avec les élus intéressés. Sous l'égide du ministère de l'outre-mer, est réuni chaque année le Comité des signataires des accords de Nouméa, qui permet de vérifier les progrès accomplis dans le sens de l'accord, que le Gouvernement entend respecter. Lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie, au mois de mars 2006, le ministre de l'outre-mer a pu constater le fort soutien des populations et des élus de Nouvelle-Calédonie à la réalisation du projet du Nord et il se réjouit des décisions récentes le concernant. Ainsi, au-delà du suivi des administrations compétentes dont c'est le rôle, les projets métallurgiques du secteur du nickel en Nouvelle-Calédonie bénéficient d'une attention toute particulière tant du Gouvernement que du plus haut niveau de l'État, comme en témoignent les déclarations effectuées sur place en juillet 2003 par le Président de la République.

Données clés

Auteur : M. Dominique Strauss-Kahn

Type de question : Question écrite

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : outre-mer

Ministère répondant : outre-mer

Dates :
Question publiée le 31 janvier 2006
Réponse publiée le 16 mai 2006

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