Question écrite n° 84799 :
Turquie

12e Législature

Question de : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste

Empêtré dans l'affaire Orhan Pamuk, le célèbre écrivain turc poursuivi en justice pour avoir évoqué le massacre des Arméniens, le Gouvernement d'Ankara cherche à gagner du temps. A l'issue d'une longue réunion du conseil des ministres, le garde des sceaux, Cemil Cicek, a annoncé mi-décembre 2005 que son ministère allait « examiner le dossier dans les meilleurs délais ». D'un côté, il y a les pressions des Européens qui dénoncent une atteinte inacceptable à la liberté d'expression. De l'autre, celles d'une opinion publique turque au nationalisme ombrageux. Coincé entre ces forces contradictoires, le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan tente laborieusement de sauver la face. Le romancier Orhan Pamuk est jugé pour « insulte à la nation turque », après une interview donnée à un journal suisse où il évoquait les massacres d'un million d'Arméniens sous l'Empire ottoman et de 30 000 Kurdes. Saisis par une plainte d'un écrivain nationaliste au nom de l'article 301 du nouveau code pénal, les juges d'Istanbul avaient estimé, le 16 décembre 2005, qu'ils ne pouvaient poursuivre la procédure « sans une claire injonction » du gouvernement. La prochaine audience est prévue pour le 7 février 2006. Mme Chantal Robin-Rodrigo demande désormais à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes de lui indiquer si elle entend agir de façon ferme auprès du Gouvernement turc afin d'obtenir dans les meilleurs délais, et ceci au titre du respect de la liberté d'expression et des droits de l'homme, la relaxe de l'intéressé.

Réponse publiée le 21 mars 2006

Dans l'affaire Orhan Pamuk, le procureur du tribunal correctionnel de Sisli avait saisi le ministre de la justice, se prévalant de ce que les faits reprochés à M. Pamuk ayant eu lieu lorsque l'ancien code pénal était encore en vigueur l'autorisation du ministre était nécessaire dans ce cas de poursuite judiciaire pour « insulte à l'identité turque ». Le ministre, qui soutenait au contraire la thèse selon laquelle rien n'empêchait la cour d'appliquer le nouveau code pénal même si le délit avait été commis avant son adoption, a répondu le 13 janvier par écrit au procureur de Sisli qu'il n'était pas habilité à se prononcer dans l'affaire Pamuk. La cour a donc abandonné les charges contre l'écrivain. Cette issue heureuse fait bien entendu suite aux prises de position européennes très fermes en faveur du respect de la liberté d'expression en Turquie dans le cadre de la demande d'adhésion de ce pays. En ce sens, le ministre des affaires étrangères, lors de sa visite à Ankara les 1er et 2 février dernier, n'a pas manqué d'évoquer la préoccupation des opinions publiques européennes au sujet des poursuites engagées sur la base de l'article 301, pas seulement contre M. Pamuk, mais également contre MM. Kaboglu et Oran, dont le procès ouvert le 15 février 2006 a été suspendu sur la base de l'article 301, selon la même procédure que pour M. Pamuk, mais se poursuit sur la base de l'article 216. Le ministre a d'ailleurs rencontré à cette occasion M. Kaboglu et divers représentants de la société civile. Il a souligné le tort que ces procès causaient à l'image de la Turquie et souhaité que les autorités turques puissent assurer le respect des libertés et des droits de l'homme comme elles s'y sont engagées.

Données clés

Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires européennes

Ministère répondant : affaires européennes

Dates :
Question publiée le 7 février 2006
Réponse publiée le 21 mars 2006

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