maladies professionnelles
Question de :
Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste
« Autant on a su tirer les conséquences d'une affaire comme le sang contaminé, autant on n'a pas encore tiré les leçons de l'amiante en matière de santé au travail. » Epidémiologiste à l'INSERM, Marcel Goldberg n'a pas mâché ses mots, le 14 septembre 2005, devant la mission d'information parlementaire sur l'amiante. Selon lui, compte tenu des carences dans la prévention des risques professionnels en France, la même catastrophe sanitaire peut se reproduire avec un autre produit toxique. Une affirmation alarmante au vu des résultats de l'enquête Sumer. Pilotée par le ministère en charge du travail et menée par des médecins du travail auprès de 50 000 salariés en 2002-2003, elle montre que 3,5 millions de salariés en France sont exposés à des produits cancérigènes. Un risque inégalitaire : 70 % des salariés exposés sont des ouvriers. L'enquête souligne que « plus d'un quart de la population exposée l'est de façon importante soit du fait du long temps d'exposition, soit de l'insuffisance des protections collectives ». Principaux produits impliqués : « les gaz d'échappement diesel, les goudrons de houille, la silice cristalline, les poussières de bois, les fumées de vulcanisation et celles dégagées par les procédés de métallurgie ». Les connaissances épidémiologiques sur les cancers professionnels sont hélas insuffisantes. Et la plupart des travailleurs exposés l'ignorent alors que le système de réparation des maladies professionnelles est basé sur la déclaration volontaire des victimes. Devant la mission amiante, Marcel Goldberg a confirmé que 50 000 à 100 000 décès dus à cette fibre étaient attendus d'ici à 2030, et qu'ensuite « la mortalité dépendra de la qualité des mesures de prévention mises en oeuvre aujourd'hui ». En conséquence, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande à M. le ministre de la santé et des solidarités de lui indiquer sa position et ses intentions au sujet de ce dossier. - Question transmise à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
Réponse publiée le 18 avril 2006
L'attention du Gouvernement a été appelée sur le nombre de salariés exposés en France à des produits toxiques ainsi que sur les mesures de prévention mises en place à cet égard. D'après l'enquête SUMER 2002-2003 conduite par les services du ministère du travail, 366 000 salariés au total, soit 2 % des salariés, sont en effet exposés à des produits mutagènes ou toxiques pour la reproduction, à des degrés divers (la moitié des expositions durent moins de deux heures par semaine). Le risque chimique est un sujet majeur de préoccupation en matière de santé au travail et le Gouvernement y est particulièrement attentif. Les mesures de protection des travailleurs existent d'ores et déjà, elles figurent dans des réglementations, elles-mêmes issues de directives européennes. Elles reposent sur la responsabilité des employeurs, qui doivent respecter les dispositions générales de prévention et - selon les cas - celles spécifiques au risque chimique dans son ensemble ou bien celles visant plus particulièrement les agents chimiques cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR). Ces dispositions ont été insérées dans le code du travail par deux décrets : le décret n° 2001-97 du 1er février 2001 fixant les règles applicables aux agents CMR de catégories 1 et 2 et le décret n° 2003-1254 du 23 décembre 2003 relatif à la prévention du risque chimique, fixant les règles relatives aux agents chimiques dangereux (ACD). Ces réglementations visent à systématiser - sous la responsabilité de chaque employeur - l'évaluation préalable du risque chimique, qui doit permettre de prendre des mesures de prévention adaptées à chaque situation de travail et au niveau de risque constaté. Elles prévoient une obligation de substitution des agents chimiques dangereux par des substances, préparations ou procédés non dangereux ou moins dangereux. Cette obligation est renforcée pour les agents chimiques CMR, la substitution devenant impérative dès lors que cela est techniquement possible. Lorsque l'application du principe de substitution n'est pas possible techniquement, l'employeur doit mettre en oeuvre tous les moyens permettant de réduire l'exposition par des moyens de prévention et de protection adaptés (système clos ou moyens de protection collective ou individuelle). Par ailleurs, la réglementation relative aux ACD et aux CMR prévoit d'assurer la traçabilité des expositions, ce qui est essentiel pour garantir un suivi médical préventif efficace des travailleurs et faciliter, le cas échéant, la reconnaissance de leur droit à réparation. En outre, des valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP) contraignantes ont été fixées par décrets en Conseil d'État pour le benzène, le chlorure de vinyle, les poussières de bois et le plomb. Des VLEP indicatives ont été fixées par un arrêté du 30 juin 2004, transposant la directive européenne n° 2000/39/CE, pour 63 substances. Ces textes sont en constante évolution et feront l'objet de compléments et de modifications au fur et à mesure de l'évolution des directives européennes correspondantes et de l'état des connaissances en la matière. Les employeurs sont tenus de contrôler et de respecter ces VLEP. Toutes ces dispositions découlent de la transposition des directives européennes en vigueur (98/24/CE pour les ACD et 2004/37/CE pour les cancérogènes et les mutagènes), directives dites de « prescription minimale », mais il faut souligner que la réglementation française sur les CMR va au-delà puisqu'elle s'applique non seulement aux agents cancérogènes et mutagènes (C, M), mais aussi aux agents toxiques pour la reproduction (R). En outre, le décret CMR prévoit que les femmes enceintes ou allaitantes ne peuvent plus être exposées à des agents toxiques pour la reproduction. Dans l'hypothèse où un reclassement s'avérerait impossible pour l'employeur, l'ordonnance n° 2001-173 du 22 février 2001 a prévu, au profit de ces salariées, un cas spécifique de suspension du contrat de travail. Cet ensemble de dispositions constitue un arsenal juridique complet et efficace, sous réserve de rester vigilant quant à l'effectivité de son application. A cet égard, la responsabilité première revient aux entreprises, mais les services de l'inspection de travail ont également un rôle majeur à jouer dans le cadre de leurs missions de contrôle et d'information. Dans ce cadre des actions d'ensemble sont ou vont être menées : le développement et la diffusion d'outils juridiques et méthodologiques d'aide au contrôle (cédérom d'aide au contrôle diffusé en juin 2005, élaboration d'une circulaire explicative du dispositif réglementaire dont la diffusion est prévue au cours du premier semestre 2006) ; l'organisation, en 2006, d'une campagne d'inspection ciblée sur les agents chimiques CMR, qui vise notamment à recueillir des informations sur l'effectivité de l'application de la réglementation correspondante ; cette campagne de contrôle devrait porter sur certains secteurs et produits particuliers, identifiés par les experts comme posant les problèmes les plus importants. Enfin, le plan santé au travail (PST), adopté par le Gouvernement le 23 février 2005, prévoit un ensemble de mesures, dont certaines auront un impact direct sur l'amélioration de la prévention des risques chimiques en milieu professionnel : l'intégration de la santé au travail au sein du dispositif public des agences de sécurité sanitaire, avec la création, par l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005, de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET), qui, dès sa mise en place effective, sera un outil essentiel d'expertise et d'évaluation des risques professionnels, notamment à l'égard des substances chimiques dangereuses ; l'inspection du travail, de compétence généraliste, sera soutenue pour l'accomplissement de ses missions, de plus en plus techniques, par des cellules régionales d'appui et de soutien scientifique et technique, et les inspecteurs et contrôleurs bénéficieront d'une formation renforcée.
Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Type de question : Question écrite
Rubrique : Risques professionnels
Ministère interrogé : santé et solidarités
Ministère répondant : emploi, travail et insertion professionnelle des jeunes
Dates :
Question publiée le 7 février 2006
Réponse publiée le 18 avril 2006