Mauritanie
Question de :
M. Noël Mamère
Gironde (3e circonscription) - Députés n'appartenant à aucun groupe
M. Noël Mamère attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les violations des droits de l'homme en Mauritanie. Un récent rapport d'Amnesty International vient de mettre en lumière de graves manquements aux droits de l'être humain dans ce pays. Outre les tueries ethniques, les déportations de masse et leur impunité, le népotisme et la corruption généralisée, le détournement de l'aide, y compris alimentaire d'urgence, l'interdiction des principaux partis d'opposition et ONG de défense des droits humains, les entraves aux libertés individuelles, les tentatives de neutraliser le barreau, la tolérance de l'esclavage et la pratique courante de la torture, le régime du président Ould Sid'Ahmed Taya a pris plus particulièrement des mesures de représailles en direction des Français. Ainsi, suite à l'arrestation et à l'inculpation, en juillet 1999, du capitaine Ely Ould Dah, un tortionnaire mauritanien reconnu par ses victimes réfugiées en France alors qu'il effectuait un stage à Montpellier, la Mauritanie a cessé la coopération militaire avec la France et de la France. De plus, elle a rétabli le visa pour les ressortissants français désirant se rendre en Mauritanie, alors qu'ils en étaient exemptés ; les deux mesures furent officiellement formulées en termes de représailles. L'organisation et la revendication, ostentatoires, en avril 2000, de la fuite du capitaine Ely Ould Dah, jusque-là sous le régime de la liberté surveillée, le retour du fugitif dans son pays, seront annoncés par les médias officiels ; le chef de l'État mauritanien le recevra même en tête-à-tête. On ignore encore de quelles complicités hexagonales l'exfiltration a bénéficié. Le crédit moral de la France ainsi que l'autorité de sa justice et de sa police des frontières s'en trouvent ridiculisés et les victimes se sentent abandonnées. Enfin, la sécurité des citoyens français en Mauritanie se trouve menacée. En avril 2002, la direction de la sûreté de l'Etat, police politique dirigée par un cousin et fidèle serviteur du colonel Ould Taya, interpelle, pour délit d'opinion, M. Mohamed Baba, un citoyen français d'origine mauritanienne, qui se rendait, avec son épouse et ses enfants, sur sa terre natale. En dépit de la régularité de son séjour, avec un visa dûment délivré par le consulat de Mauritanie à Paris, il sera gardé au secret et soumis, durant une semaine environ, aux pires actes de torture et de sauvagerie, avant d'être relâché sans poursuites ; il en diffusera une relation aussi détaillée qu'émouvante ; les médias français (Canal Plus, RFI, Le Monde, Le Parisien, La Montagne, etc.) en ont repris l'essentiel ; sa plainte, soutenue par la FIDH et la LDH, a été déclarée recevable, d'où l'ouverture d'une instruction par le parquet de Clermont-Ferrand, ville où il réside et enseigne, à l'École supérieure de chimie. Elle implique le ministre de l'intérieur et plusieurs autres responsables mauritaniens de la sécurité ; la chaîne de commandement remonte, aisément, au président Ould Sid'Ahmed Taya, l'instigateur présumé, sans qui une décision aussi grave et sensible n'eût pu être prise. Jusqu'à ce jour, aucune autorité française n'a protesté contre ces actes. Si le Gouvernement admet que la Mauritanie reste, dans l'environnement régional, la seule zone où les libertés régressent et les tensions ethniques s'accumulent, quelles conséquences la France, déjà instruite par les drames rwandais et congolais, doit-elle en tirer dans la réévaluation de ses rapports économiques et diplomatiques avec cet État ? Il s'interroge sur une politique de défense et d'action humanitaire qui autorise de porter concours, former ou équiper les forces armées d'un État dont les agissements, sur notre territoire, violent la loi et les droits de l'être humain. Aussi il lui demande de lui indiquer les mesures qu'entend prendre la France afin de protéger ses ressortissants en Mauritanie. Il voudrait savoir si le Gouvernement entend donner suite à la fuite du capitaine Ely Ould Dah et aux actes torture infligés à M. Mohamed Baba par la police politique mauritanienne.
Réponse publiée le 16 mars 2004
Les affaires Ely Ould Dah et Mohamed Baba sont en cours d'instruction par la justice française et ne peuvent par conséquent faire l'objet de commentaires. Sur un plan général, la France se montre particulièrement vigilante s'agissant de la question des droits de l'homme en Mauritanie. Elle use de toute son influence auprès des autorités de ce pays en soulignant notamment l'importance qu'elle attache à la consolidation de l'État de droit et à un meilleur respect des procédures de justice. Par ailleurs, les questions liées aux droits de l'homme en Mauritanie figureront à l'ordre du jour de la prochaine commission mixte franco-mauritanienne, qui devrait se tenir à Paris en 2004.
Auteur : M. Noël Mamère
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 9 décembre 2002
Réponse publiée le 16 mars 2004