Question écrite n° 85361 :
Corée du Sud

12e Législature

Question de : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) enquête en Corée du Sud sur des travaux en cours pouvant aboutir à la production de plutonium, une matière qui peut servir à se doter d'armes nucléaires, ont annoncé des sources diplomatiques, lundi, à Vienne. Le procédé de retraitement en cours de vérification, dit de « pyro-métallurgie » est « différent » des anciennes expériences secrètes visant à isoler le plutonium, sur lesquelles l'Agence avait enquêté l'an dernier. L'Agence s'inquiète surtout de « ce qui pourrait se passer » au centre de recherches de l'Agence coréenne de l'énergie atomique, à Daejon. Ce centre, en construction depuis 2004, ne devrait entrer en service qu'en 2007, et, selon elle, « il est essentiel de garantir que les Sud-Coréens n'isolent pas le plutonium » du combustible irradié. Séoul indique de son côté que ce centre pilote vise à réduire du combustible usé sous forme plus compacte et moins radioactive et « à l'évidence, pas pour isoler du plutonium ». L'AIEA, qui suit habituellement la Corée du Nord, s'est intéressée de près à son voisin du Sud en 2004. Durant l'été, Séoul avait dû admettre qu'un laboratoire national s'était livré sans autorisation à une expérience d'enrichissement d'uranium en 2000, et que ce même laboratoire avait produit une infime quantité de plutonium au printemps 1982. Le Conseil des gouverneurs de l'Agence avait alors estimé que le fait que la République de Corée n'a pas mentionné ces activités conformément aux garanties de non-prolifération est une cause de vive inquiétude. Mais il n'avait pas transféré le dossier au Conseil de sécurité des Nations unies, seul habilité à décider de sanctions, estimant les quantités concernées « peu significatives », et Séoul faisant preuve d'une « coopération active » avec des « mesures correctives ». Séoul se défendait alors de vouloir produire des armes nucléaires, ce qui ne fut pas toujours le cas puisque dans les années 1970, après l'annonce du retrait de vingt mille soldats américains, le dictateur Park Chung-hee avait dans ce but chargé Saint-Gobain Techniques nouvelles de lui faire des propositions de transfert de technologie de retraitement, et tenté d'acheter un réacteur au Canada. C'est sous la pression des États-Unis que Park avait finalement renoncé. En matière de nucléaire, le pays se contente désormais de dix-neuf réacteurs pour la production d'électricité. Mais l'affaire de 2004 a laissé planer des doutes, sinon sur les intentions des autorités, du moins sur le contrôle qu'elles exercent sur leurs scientifiques. Compte tenu de cette situation, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande à M. le ministre des affaires étrangères de lui indiquer la position et les intentions du Gouvernement au sujet de ce dossier.

Réponse publiée le 22 août 2006

La France est attachée à l'intégrité et au renforcement du régime multilatéral de non-prolifération, qui constitue l'un des piliers de la sécurité collective. Ce régime est fondé sur le droit et le respect de leurs engagements par les États qui y adhèrent. Articulé autour des traités majeurs que sont le traité de non-prolifération, la convention d'interdiction des armes chimiques et la convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes biologiques ou à toxines et sur leur destruction, ce régime accorde un rôle central, pour ce qui est du nucléaire, au système des garanties mis en oeuvre par l'Agence internationale de l'énergie atomique. À ce titre, elle a suivi avec attention l'application par l'AIEA de la mise en oeuvre de l'accord de garantie en République de Corée, ainsi que du protocole additionnel entré en vigueur le 19 février 2004. À l'occasion des déclarations initiales effectuées dans ce cadre, la République de Corée a en effet porté à la connaissance de l'agence en août 2004 certains faits non déclarés au titre de son accord de garantie. Sur la base des investigations menées par l'AIEA suite à ces déclarations, le directeur général de l'agence a constaté, dans un rapport adressé au conseil des gouverneurs le 11 novembre 2004, un certain nombre de manquements de la part de ce pays à ses obligations prévues par son accord de garanties. Ce rapport mentionnait en particulier la poursuite entre 1980 et 2000 d'activités non déclarées de conversion et d'enrichissement d'uranium (par procédés chimique et laser), ainsi que de séparation de plutonium. Tout en soulignant la coopération active dont a fait preuve la République de Corée depuis août 2004, ce rapport insiste sur la nature des activités menées et qualifie ces manquements de « sérieux sujet de préoccupation ». Ce rapport constate par ailleurs que des mesures correctives ont été prises et qu'aucune indication ne permettait de conclure à la poursuite de ces expériences. Cependant, l'agence indique que le processus de vérification des déclarations coréennes au titre de la mise en oeuvre de l'accord de garanties et du protocole additionnel se poursuivra. Le conseil des gouverneurs du 25 novembre 2004 a entériné ce document et a demandé au directeur général de faire rapport sur ce sujet en tant que de besoin. L'Union européenne avait également, lors de ce même conseil des gouverneurs, repris à son compte les conclusions du rapport du directeur général et avait dans son discours fait état de ses sérieuses préoccupations devant les manquements passés de la République de Corée ; salué la coopération de ce pays avec l'agence depuis 2004 ; demandé à l'agence de poursuivre ses investigations et de faire un rapport en tant que de besoin. Par ailleurs, la République de Corée est liée par la déclaration conjointe sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne, signée le 20 janvier 1992, dans laquelle les parties s'interdisent de posséder des installations d'enrichissement de l'uranium et de retraitement. La France fait toute confiance à l'AIEA dans la poursuite de son activité de vérification au titre de l'application de l'accord de garanties et du protocole additionnel en République de Corée. Elle continuera de suivre très attentivement les développements de ce dossier dans le cadre du conseil des gouverneurs de l'AIEA.

Données clés

Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 7 février 2006
Réponse publiée le 22 août 2006

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