France Télécom
Question de :
Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste
France Télécom vient de se voir dernièrement lourdement sanctionnée par le Conseil de la concurrence d'une amende de 80 millions d'euros pour cause d'entrave à la concurrence des autres opérateurs de téléphonie. Les reproches adressés par le Conseil portent sur la stratégie de France Télécom pour ne pas accorder un accès compétitif au client final via la boucle locale. Or, l'arrivée de l'ADSL par la même ligne que le téléphone fixe mettait France Télécom en position de contrôle de la position de ses compétiteurs. Et France Télécom, n'étant pas parfaite, en aurait un peu profité pour faire payer sa fameuse boucle locale à ses compétiteurs. Le Conseil a rappelé à l'occasion l'importance des infrastructures essentielles (celles qui ne peuvent être dupliquées) et de la liberté d'y accéder, et a sanctionné les pratiques d'empêchement physique, ou celle induite par des tarifs discriminateurs. Face à ce constat, il est très étonnant que l'on n'ait pas eu encore l'idée d'appliquer au cas de France Télécom les solutions qui ont été mises en place pour le réseau de voies ferrées et, plus récemment, pour le réseau de distribution électrique, à savoir créer une société d'État qui possède et opère le réseau téléphonique pour tous les opérateurs, dans des conditions de stricte égalité d'accès à ce réseau. Tout cela irait dans le bon sens, et, plus encore, permettrait de voir la France s'aligner sur ses partenaires européens qui ont pour leur plus grande majorité déjà mis en oeuvre cette solution dans le domaine des télécommunications. En conséquence, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande désormais à M. le ministre délégué à l'industrie de lui indiquer si le Gouvernement entend rapidement créer une société d'État qui posséderait et opérerait le réseau téléphonique filaire, mobile et Internet pour tous les opérateurs, dans des conditions de stricte égalité d'accès à ce réseau.
Réponse publiée le 13 juin 2006
Le Conseil de la concurrence a décidé, en novembre 2005, au vu de la gravité des pratiques et de leur durée (1999-2002), d'imposer à France Télécom une sanction de 80 millions d'euros, pour avoir fermé à ses concurrents, jusqu'en octobre 2002, l'accès au marché de gros de l'internet à haut débit par ADSL. Cette décision a été confirmée par la cour d'appel de Paris. Cette affaire illustre la complémentarité de l'application des règles de concurrence et de la régulation sectorielle dans l'ouverture à la concurrence du secteur des communications électroniques. En effet, alors que le Conseil de la concurrence a sanctionné a posteriori les pratiques anticoncurrentielles constatées, la régulation sectorielle mise en oeuvre par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a permis une ouverture effective du marché du haut débit à la concurrence. C'est ainsi que, fin 2005, les opérateurs alternatifs représentent plus de la moitié du marché du haut débit alors que le parc de lignes dégroupées était estimé par l'ARCEP à 2,82 millions, plaçant la France au premier rang européen dans ce domaine. Au-delà, la possibilité de « séparer » les infrastructures et les services de communications électroniques, les premières étant gérées par une entreprise nationale, a déjà été examinée et n'a pas été retenue par les membres du Parlement. L'argument avancé est celui du lien étroit entre réseaux et services et les technologies qui évoluent à un rythme qui ne serait pas compatible avec les cycles d'évolution d'un réseau mutualisé géré par une entité sans contact avec le client final. Cette approche a d'ailleurs, de fait, déjà été expérimentée avec le « plan câble » et ne s'est pas avérée concluante. Le raisonnement par analogie avec d'autres secteurs trouve ici ses limites : l'économie des réseaux de communications électroniques est très différente de celle des réseaux de distribution d'électricité ou de transport ferroviaire, secteurs dans lesquels subsistent des monopoles de droit ; en particulier, même si une duplication totale de la boucle locale de l'opérateur historique ne semble pas envisageable, on ne peut pas considérer qu'il existe de monopole naturel dans le domaine des communications électroniques. Ainsi, les collectivités territoriales, dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues par l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, contribuent non seulement à la réduction de la « fracture numérique » mais aussi au développement d'une concurrence pérenne sur les infrastructures. A l'inverse, l'exemple de la téléphonie mobile montre tout l'intérêt que présente une concurrence entre opérateurs disposant chacun de son propre réseau. C'est bien l'apparition d'un troisième opérateur, disposant grâce à son réseau d'une indépendance opérationnelle et commerciale totale vis-à-vis de ses concurrents, qui a permis le véritable décollage du marché de la téléphonie mobile grand public. Par ailleurs, l'approche évoquée par l'honorable parlementaire, si elle était mise en oeuvre, placerait la France dans une position singulière en Europe, aucun État membre de l'Union européenne ne l'ayant retenue.
Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Type de question : Question écrite
Rubrique : Télécommunications
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Dates :
Question publiée le 21 février 2006
Réponse publiée le 13 juin 2006