Question écrite n° 8680 :
annuités liquidables

12e Législature

Question de : M. Jean-Pierre Soisson
Yonne (1re circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Jean-Pierre Soisson appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences, pour le calcul des pensions de retraite des fonctionnaires, de la décision M. Joseph Griesmar rendue par le Conseil d'Etat le 29 juillet 2002, sous le numéro 141 112. Aux termes du b) de l'article 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi n° 82-599 du 13 juillet 1982, le calcul de la pension fait l'objet d'une bonification d'ancienneté d'un an par enfant, dont le bénéfice est réservé aux « femmes fonctionnaires ». A la suite d'un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, le Conseil d'Etat a jugé qu'une telle disposition est incompatible avec le principe d'égalité des rémunérations, tel qu'il est affirmé par le traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité sur l'Union européenne. Aussi les agents masculins qui solliciteront désormais leur admission à la retraite et dont les pensions sont régies par les dispositions précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite seront-ils fondés à bénéficier d'une bonification d'ancienneté d'un an par enfant. II apparaît, toutefois, que l'administration oppose aux agents demandeurs de cette bonification les dispositions de l'article L. 55 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 96-1111 du 16 décembre 1996, aux termes desquelles : « La pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : à tout moment en cas d'erreur matérielle ; dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit. » En effet, le délai de forclusion ainsi défini s'oppose certainement, en droit, à ce que soit accordé aux agents pensionnés depuis plus d'un an le bénéfice d'une revalorisation rétroactive de leur pension, qui tiendrait compte de la bonification d'ancienneté d'un an par enfant. Des recours contentieux ont d'ores et déjà été formés devant la juridiction administrative. Sur le terrain de l'opportunité et de l'équité, et sans compromettre l'équilibre du financement des pensions de retraite des fonctionnaires, sans doute serait-il nécessaire de définir un dispositif permettant aux agents concernés de bénéficier, en tout ou partie, de la bonification par enfant. A défaut d'une entière revalorisation rétroactive, la possibilité d'une revalorisation pour l'avenir, à compter de l'exercice 2002, serait certainement bienvenue.

Réponse publiée le 10 février 2003

Dans sa décision du 29 juillet 2002, le Conseil d'Etat, statuant sur la requête de M. Griesmar, a estimé que la décision par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lui avait refusé le bénéfice de la bonification d'ancienneté prévue par l'article L. 12 b) du code des pensions civiles et militaires de retraite (bonification pour enfant) était contraire au principe d'égalité entre les hommes et les femmes en matière de rémunération. La Haute Assemblée a ajouté que dès lors que le requérant avait formulé sa demande de révision de sa pension dans le délai d'un an prévu à l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires, il avait droit au bénéfice de la bonification pour enfant. La demande formulée dans la question porte sur l'application de la règle générale de prescription annuelle contenue dans l'article L. 55 du code des pensions aux fonctionnaires qui demandent la révision de leur pension en raison d'une erreur de droit commise sur l'interprétation de l'article L. 12 b). Il convient de rappeler qu'avant la réforme de 1964 il n'existait pas de délai de prescription pour la révision des pensions accordées aux fonctionnaires civils et militaires. A l'époque la pension pouvait être révisée à tout moment quelle que soit la nature de l'erreur commise dans la liquidation. Si l'absence de prescription a permis, dans certains cas, à des fonctionnaires de bénéficier d'une révision dans un sens favorable, la question s'est posée - à la suite d'un arrêt du Conseil d'Etat (Quebriac, 7 décembre 1960) qui définissait des conditions d'attribution plus restrictives pour l'octroi d'une bonification - de savoir s'il fallait remettre en cause des milliers de pensions liquidées dans des conditions plus avantageuses. C'est pour mettre un terme à ces difficultés et pour préserver les droits acquis des pensionnés que, à l'issue d'un large débat parlementaire en 1964, le législateur a réaffirmé le principe de l'irrévocabilité des pensions et fixé un délai de six mois (un an en 1977) au-delà duquel la rectification d'une erreur de droit commise dans la liquidation d'une pension ne peut plus être opérée. Pour des impératifs de sécurité juridique rappelés ci-dessus, il n'apparaît donc pas opportun de modifier l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par ailleurs, il peut être précisé que l'application de cette prescription n'heurte en rien le principe d'égalité devant la loi dès lors que les fonctionnaires ou militaires qui n'ont pas demandé la révision de leur pension dans le délai d'un an ne sont pas dans la même situation que ceux qui l'ont demandée dans ce délai. En outre, une modification des dispositions de l'article L. 55 ne manquerait pas d'accroître les disparités entre les personnels relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite et les personnes dépendant du régime général de l'assurance vieillesse. En effet, l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les réclamations contre une décision d'attribution de pension doivent être formulées dans un délai de deux mois suivant la notification sans qu'il soit fait de distinction entre les erreurs de droit et les erreurs matérielles. Enfin, dans le contexte de déséquilibres croissants de nos régimes de retraite, il serait délicat d'introduire une mesure, bénéficiant aux pensionnés ayant liquidé leur retraite depuis plus d'un an, susceptible de conduire, dans certains cas, à une forte majoration des charges de pension du fait du nombre de bénéficiaires potentiellement concernés. Une telle évolution n'irait pas dans le sens de la sauvegarde de nos régimes par répartition, garants de la solidarité entre les Français.

Données clés

Auteur : M. Jean-Pierre Soisson

Type de question : Question écrite

Rubrique : Retraites : fonctionnaires civils et militaires

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Dates :
Question publiée le 16 décembre 2002
Réponse publiée le 10 février 2003

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