Question écrite n° 87494 :
ENM

12e Législature

Question de : M. Pierre Lang
Moselle (6e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Pierre Lang attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité d'améliorer la formation reçue par les futurs magistrats au sein de l'École nationale de la magistrature. Alors que le procès d'Outreau, conclu par l'acquittement de treize des dix-sept accusés, suscite des débats nourris sur le fonctionnement de la justice en France, une question apparaît centrale : il s'agit de la formation des juges. Trop théorique, le contenu de l'enseignement délivré par l'ENM doit être revu afin de dépasser la stricte technique juridique et de préparer concrètement à l'exercice du métier de magistrat. La formation devrait s'appuyer avant tout sur des exemples, sur la réalité de terrain, en insistant sur la dimension psychologique de chaque affaire. Cet enseignement rénové pourrait être complété par un stage des futurs juges dans un établissement pénitentiaire. En effet, le recours excessif à la détention provisoire est un des problèmes mis en évidence par le procès d'Outreau. Or, les juges sont trop éloignés du monde carcéral, où conduisent pourtant très souvent leurs arrêts. Les avocats, quant à eux, se rendent régulièrement en prison pour voir leurs clients. Pourquoi les futurs magistrats ne feraient-ils pas un stage au sein de l'administration pénitentiaire ? Cela leur permettrait de mieux prendre conscience de la gravité de la décision d'incarcérer, et les inciterait à user de la détention provisoire avec tout le discernement nécessaire. Dès lors, il souhaiterait connaître son avis sur cette refonte de l'enseignement à l'ENM, et sur l'opportunité de prévoir, au cours de la formation, un stage dans les prisons pour chaque futur magistrat.

Réponse publiée le 3 octobre 2006

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que l'École nationale de la magistrature a toujours eu, dans sa pédagogie, le constant souci d'assurer un équilibre entre, d'une part, la nécessaire réponse aux demandes liées à la technicité du droit et, d'autre part, une formation plus large au « savoir être » magistrat, incluant des aspects éthiques, déontologiques, humains et de communication, étroitement liés à l'exercice de ces fonctions. C'est ainsi que, dans le cadre de la formation initiale des auditeurs de justice, de nombreuses actions de formation, portant sur des domaines très diversifiés, tels que le contrôle judiciaire, la détention provisoire, les attributions du juge des libertés et de la détention, ou encore la saisine du juge des enfants en matière pénale et en assistance éducative, ont pour thème central, de concilier l'efficacité de l'enquête, la garantie des libertés individuelles et le respect des droits des personnes. En particulier, eu égard à l'importance et à la complexité des affaires pénales à caractère sexuel, une approche de ces situations, notamment dans toutes leurs implications humaines, est effectuée dans l'ensemble des enseignements fonctionnels où environ le tiers des situations soumises aux auditeurs de justice portent sur des infractions de cette nature. Ces questions sont également traitées dans le cadre d'actions de formation spécifiques, autour de thèmes tels que le recueil de la parole de l'enfant victime d'abus sexuels, la prise en charge des victimes, les auteurs d'abus sexuels, ou encore la maltraitance, notamment sous la forme d'ateliers dans lesquels interviennent des psychologues, aux côtés des formateurs. Lors des actions de formation continue, intéressant les magistrats déjà en fonctions, sont également traitées ces différentes questions, y compris là encore, dans toute leur dimension psychologique. Dans le prolongement de ce dispositif, le directeur de l'École nationale de la magistrature a fait connaître à la chancellerie qu'il souhaitait développer des actions de formation, au cours desquelles, lors d'exercices de conduite d'entretiens particulièrement délicats, concernant par exemple des mineurs, des psychologues apporteront encore plus directement leur concours, aux côtés des chargés de formation. Ainsi, il est prévu dans le programme pédagogique de l'École nationale de la magistrature, de faire appel, dès le second semestre 2006, à un psychologue, intégré à l'équipe enseignante, et chargé de mettre en place un enseignement en la matière, dans le prolongement des actions de formation suivies par les auditeurs de justice durant leur période d'étude à l'École nationale de la magistrature. Par ailleurs, durant leurs stages juridictionnels, les auditeurs de justice participent sous la responsabilité des magistrats, à l'activité juridictionnelle, sans pouvoir toutefois recevoir délégation de signature. C'est ainsi que, par application des dispositions de l'article 19 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, ils peuvent notamment : assister le juge d'instruction dans tous les actes d'information ; assister les magistrats du ministère public dans l'exercice de l'action publique ; siéger en surnombre et participer avec voix consultative aux délibérés des juridictions civiles et correctionnelles ; présenter oralement devant celles-ci des réquisitions ou des conclusions ; assister aux délibérés des cours d'assises. Ainsi, dans le cadre de cette formation très concrète aux côtés des magistrats déjà en fonctions, les auditeurs de justice, au delà de la technicité juridique des situations, en mesurent toutes les implications humaines. Les auditeurs de justice effectuent par ailleurs des stages auprès d'organismes extérieurs à l'institution judiciaire (dans des entreprises, des administrations, des associations, etc.) mais également auprès des différents interlocuteurs avec lesquels les magistrats travaillent au quotidien (services de police et de gendarmerie, études d'huissiers, cabinets d'avocats, établissements pénitentiaires, etc.). C'est précisément dans le cadre de ces stages que les auditeurs de justice, dans le prolongement des stages effectués auprès des juges d'application des peines, sont amenés, en particulier, à découvrir le fonctionnement des établissements pénitentiaires et les situations très concrètes liées à l'emprisonnement, en lien constant avec l'ensemble des personnes travaillant dans le monde carcéral (directeurs, surveillants, éducateurs, médecins, etc.) et à travers les différents secteurs d'activité liés à la question de la détention (milieu fermé, semi-liberté, placements à l'extérieur, etc.).

Données clés

Auteur : M. Pierre Lang

Type de question : Question écrite

Rubrique : Grandes écoles

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 28 février 2006
Réponse publiée le 3 octobre 2006

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