Question écrite n° 88676 :
contrats nouvelle embauche

12e Législature

Question de : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste

Le contrat nouvelle embauche (CNE) a dernièrement essuyé un premier revers juridique devant les prud'hommes de Longjumeau (Essonne), avec un jugement en faveur d'un salarié recruté abusivement en CNE puis licencié, qui apporte de l'eau au moulin à la pertinente argumentation des syndicats. Le conseil de prud'hommes a considéré que la rupture de la période d'essai était « abusive », puisqu'elle n'avait pas pour motif « le manque de compétence du salarié », mais était destinée à permettre le recours au CNE, qui n'était pas justifié. Le jugement rappelle en effet que le CNE est destiné, « comme son nom l'indique », à favoriser de « nouvelles embauches », qu'il « ne peut être utilisé dans le seul but de précariser la situation d'un salarié et d'éluder le droit du licenciement ». Ce jugement intervient alors que les syndicats font état d'un nombre de plus en plus élevé de contestations de licenciements arrivant aux prud'hommes. L'utilisation du CNE par les patrons va générer toutes sortes de situations. Malheureusement, la plupart des salariés amenés à travailler en CNE ont surtout des expériences de travail précaire et peu de moyens de défense. Ainsi y a fort à parier que tous les salariés embauchés en CNE et qui vont avoir des problèmes n'iront pas aux prud'hommes, mais beaucoup iront, ne serait-ce que pour comprendre. Le CNE est bien un contrat précaire, et loin d'être allégé, le contentieux pour licenciement abusif va augmenter. Compte tenu de cette situation, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande donc à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement s'il entend supprimer au plus vite le CNE. - Question transmise à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

Réponse publiée le 1er août 2006

L'attention du Gouvernement a été attirée sur l'effet sur l'emploi des CNE et les contentieux. L'objectif poursuivi par le législateur en habilitant le Gouvernement à instituer par voie d'ordonnance le CNE était d'inciter les petites entreprises à recruter. Les petites entreprises sont particulièrement exposées aux fluctuations d'activité. De ce fait, elles hésitent à accroître leurs effectifs. Ceci est particulièrement regrettable car les entreprises de moins de 20 salariés représentent 2,5 millions d'employeurs, c'est-à-dire un vivier d'emploi important. Vivier d'autant plus important que 1,5 million de ces entreprises n'ont pas de salarié. Or, ce sont ces chefs d'entreprise qui hésitent à embaucher. Ils craignent en effet les incertitudes liées à l'évolution du marché et les difficultés juridiques et financières qu'entraînerait une rupture du contrat de travail. Le contrat nouvelle embauche (CNE) répond aux besoins des petites entreprises, celles-ci ayant effectivement embauché massivement en CNE. Les 440 000 intentions d'embauches recensées par les URSSAF entre août 2005 et mars 2006 en CNE se sont concrétisées. D'après une enquête réalisée par la DARES en collaboration avec l'ACOSS et publiée le 14 juin 2006, les responsables d'entreprise considèrent que le CNE a eu un impact substantiel sur leurs embauches d'octobre. 30 % d'entre elles n'auraient pas eu lieu sans ce nouveau contrat de travail. Dans 20 % des cas, les chefs d'entreprise auraient peut-être embauché plus tard sous un autre contrat de travail si les perspectives d'activité s'étaient confirmées ou s'ils avaient rencontré un profil plus adapté au poste offert. L'embauche n'aurait, en tout état de cause, jamais eu lieu dans 10 % des cas. Ce sont ainsi entre 44 000 et 132 000 emplois supplémentaires qui ont vu le jour depuis le mois d'août 2005, sans aucun coût pour les finances publiques. En outre, le CNE assure une vraie stabilité dans l'emploi puisque les ruptures à l'initiative de l'employeur sont peu nombreuses (11,4 %). Si le CNE est un contrat de travail dont les modalités de rupture sont adaptées pendant une période de consolidation, ce contrat n'est pas zone de non-droit permettant les licenciements abusifs pour des motifs arbitraires. Les premiers jugements des conseils des prud'hommes en sont la preuve. Des montages divers de renouvellement des contrats aux seules fins d'échapper aux exigences du code du travail ont été sanctionnés au titre de l'abus de droit (jugement du Conseil des prud'hommes de Longjumeau du 20 février 2006). De même, les dispositions dérogeant à l'exigence de motivation du licenciement et d'une cause réelle et sérieuse ne sont pas une invitation à l'arbitraire, puisque les garanties essentielles de notre ordre public social s'imposent.

Données clés

Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo

Type de question : Question écrite

Rubrique : Emploi

Ministère interrogé : emploi, cohésion sociale et logement

Ministère répondant : emploi, travail et insertion professionnelle des jeunes

Dates :
Question publiée le 14 mars 2006
Réponse publiée le 1er août 2006

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