autorisations d'ouverture
Question de :
M. Damien Meslot
Territoire-de-Belfort (1re circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Damien Meslot attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la dérive en matière de séparation des pouvoirs constatée dans un recours auprès de la Commission nationale de l'équipement commercial (CNEC). L'article 32 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 révisée, codifié sous l'article L. 720-10, alinéa 2, du code de commerce stipule : « À l'initiative du préfet, de deux membres de la commission, dont l'un est élu, ou du demandeur, la décision de la commission départementale peut, dans un délai de deux mois à compter de sa notification ou de son intervention implicite, faire l'objet d'un recours auprès de la Commission nationale de l'équipement commercial (CNEC) prévue à l'article L. 720 qui se prononce dans un délai de quatre mois. » À l'occasion d'un contentieux en la matière examiné par le Conseil d'État, le commissaire du Gouvernement, dont la mission est de proposer une solution juridique au litige, a reconnu que la lettre de la loi est claire, et sous ce jour ne saurait souffrir aucune interprétation, sur l'obligation de recours préalable devant la CNEC avant contentieux incombant aux seuls préfets, membres de la commission et demandeurs d'autorisations. Cette lettre de la loi a pour conséquence un droit de recours direct des tiers intéressés contre l'autorisation de CDEC devant les juridictions administratives. Le commissaire du Gouvernement a également reconnu que telle était la volonté du législateur au regard des travaux préparatoires de la loi susvisée de 1973. Toutefois, de façon très surprenante, le commissaire du Gouvernement a récemment proposé au Conseil d'État de rendre également ce recours préalable obligatoire aux tiers intéressés, rendant en cela irrecevables toutes les requêtes actuellement pendantes devant les juridictions administratives et qui peuvent être estimées à plusieurs milliers, dès lors que toute jurisprudence est rétroactive. Le motif déclaré par le commissaire pour souscrire à cette création prétorienne est le désengorgement des juridictions administratives. Outre l'insécurité juridique des justiciables générée par cette création au regard de l'irrecevabilité de leurs requêtes, cette proposition de création prétorienne contra legem, dès lors que la volonté du législateur est reconnue contraire et expresse, semble porter une atteinte substantielle aux pouvoirs du législateur constitutionnellement garantis. Il semble en effet, avec le temps, que s'éloignent de plus en plus les principes fondamentaux du régime démocratique en vertu desquels notamment le juge administratif est le serviteur de la loi et le censeur du règlement. Toutefois, au cas de l'espèce, le juge administratif non seulement se substitue de façon consciente au législateur mais aussi bat en brèche sa volonté clairement affirmée et reconnue comme telle. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire part de son sentiment dans cette dérive de la séparation des pouvoirs et de lui indiquer quelles mesures il entend prendre pour la rétablir de façon pérenne.
Réponse publiée le 6 juin 2006
Le garde des sceaux, ministre de la justice rappelle à l'honorable parlementaire que le commissaire du Gouvernement « a pour mission [...] d'exposer les questions que présente à juger chaque recours contentieux et de faire connaître, en formulant en toute indépendance ses conclusions, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables, ainsi que son opinion sur les solutions qu'appellent, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction » (CE 10 juillet 1957 Gervaise et CE 29 juillet 1998 Mme Esclatine). Cette mission confiée au commissaire du Gouvernement est d'ailleurs consacrée à l'article L. 7 du code de justice administrative. Si les conclusions du commissaire du Gouvernement, qui revêtent un caractère public, peuvent jouer un rôle dans l'évolution du droit administratif, elles ne s'imposent pas à la formation de jugement. En l'espèce, une jurisprudence récente du Conseil d'État a réaffirmé les termes de l'article 32 modifié de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, reprise à l'article L. 720-10 du code de commerce, précisant que « les tiers qui sont susceptibles de contester la décision de la commission départementale d'équipement commercial sont recevables à saisir directement la juridiction administrative » (CE 10 mars 2006 Sté Leroy Merlin).
Auteur : M. Damien Meslot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Commerce et artisanat
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 14 mars 2006
Réponse publiée le 6 juin 2006