armée
Question de :
M. François Brottes
Isère (5e circonscription) - Socialiste
M. François Brottes souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de la défense sur la nécessité que la France reconnaisse enfin le préjudice subi par certaines populations suite aux essais nucléaires effectués, dans un passé plus ou moins lointain, au Sahara ou en Polynésie française. En effet, alors que des dispositions concrètes ont été prises en ce sens aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Australie notamment, la France refuse toujours de reconnaître que certaines personnes civiles et militaires puissent avoir été affectées dans leur santé par les essais nucléaires qu'elle a opérés et, partant, toute sa responsabilité en la matière. Encore récemment, le ministère de la défense a interjeté appel des décisions des tribunaux des pensions militaires de Quimper, Tours et Brest qui avaient pourtant reconnu sa responsabilité dans les pathologies graves développées par des anciens militaires présents sur les sites d'essais nucléaires français, au motif que les dispositions applicables en matière de pensions militaires imposent que la maladie soit déclarée dans les quatre-vingt-dix jours suivant la fin du service, arguments insensés au regard de la lenteur de la contamination radio-induite. Par ailleurs, le rapport de la commission d'enquête sur les conséquences des essais nucléaires aériens français en Polynésie, que vient d'adopter l'assemblée de la Polynésie française le 9 février dernier, démontre que les expériences de tirs aériens qui ont eu cours de 1966 à 1974 ont bien eu des retombées radioactives sur l'ensemble des archipels habités du territoire polynésien, contrairement à ce qu'ont toujours affirmé les autorités militaires françaises. Au-delà de l'instauration d'une énième instance de suivi ou d'études, il est plus nécessaire que jamais que l'État reconnaisse sa responsabilité de principe en cas de maladie radio-induite sur des sites d'essais nucléaires et prenne les dispositions qui s'imposent, notamment en termes d'indemnités des victimes. Aussi il lui demande de bien vouloir lui faire connaître les dispositions envisagées afin de légiférer sur cette question qui relève plus du principe que d'une démarche institutionnelle nouvelle, par nature insensible à la douleur des personnes concernées. - Question transmise à M. le ministre délégué aux anciens combattants.
Réponse publiée le 13 juin 2006
Dans son rapport publié en février 2002, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a dressé l'historique des essais nucléaires français et étrangers et a analysé les études dosimétriques effectuées. Dans leurs conclusions, les auteurs de ce rapport indiquent qu'il n'y a, pas lieu de transposer en France des mécanismes de prise en charge utilisés dans d'autres États. En effet, chaque citoyen français bénéficie d'une couverture sociale par l'assurance maladie de la sécurité sociale qui prend en charge les coûts afférents à la pathologie qu'il peut présenter et, dans le cas où cette pathologie est reconnue d'origine professionnelle, des mécanismes propres aux milieux civil et militaire permettent la prise en charge spécifique de la maladie. Par ailleurs, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre permet d'indemniser tout militaire qui, s'il ne peut bénéficier de la présomption d'imputabilité, a la possibilité d'utiliser la démarche d'imputabilité par preuve. Celle-ci peut être admise par tout moyen et à tout moment, sans condition de délai, sachant que la jurisprudence du Conseil d'État admet que la preuve peut être rapportée par un faisceau de présomptions. Ce dispositif permet, dans le cas d'exposition prolongée à certaines substances, d'admettre l'imputabilité au service des affections en cause dans le cadre des pathologies énumérées sur les listes de maladies professionnelles. Dans certains cas où des faits ou des circonstances particulières de service ont été rapportés et une relation de l'affection avec ceux-ci établie, un droit à pension militaire d'invalidité a ainsi été accordé. La législation actuelle autorise donc, même longtemps après les faits, une indemnisation équitable des dommages physiques subis, sans qu'il soit nécessaire de mettre en oeuvre un régime de présomption de causalité pour le seul risque nucléaire. Cela étant précisé, il apparaît que, dans les décisions dont il a été interjeté appel, le seul fait retenu découlait de la seule présence des intéressés sur un site d'expérimentations nucléaires sans qu'il soit relevé aucun fait ou circonstance particulière d'une contamination ou d'un incident à l'origine de l'affection. Dans certaines affaires, les juridictions ont même renversé la charge de la preuve affirmant sans aucun élément de fait que l'affection était imputable au service, laissant la charge à l'État d'apporter la preuve contraire. Il n'a donc pu qu'être interjeté appel de jugements insuffisamment motivés et ne reposant sur aucun fait. Le ministre délégué aux anciens combattants souhaite ajouter que le suivi sanitaire des essais nucléaires français fait l'objet d'une attention particulière de la part des pouvoirs publics. C'est ainsi qu'à l'initiative du Président de la République, les ministres en charge de la santé et de la défense ont confié, le 15 janvier 2004, au directeur général de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (DGSNR) et au délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND) le pilotage conjoint d'un comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français (CSSEN), effectués au Sahara et en Polynésie française. Ce comité est composé de représentants des ministres en charge de la défense et de la santé, des instituts et agences concernés (Institut national de veille sanitaire, Centre international de recherche sur le cancer, Centre national de la recherche scientifique...), des responsables de la défense et du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) en charge des essais nucléaires, qui peuvent s'entourer en tant que de besoin des personnes qu'ils jugent utiles. Il est ouvert, en effet, à toutes les contributions y compris d'ordre scientifique sur les conséquences éventuelles des essais nucléaires vis-à-vis de la population. Il a notamment pour mandat de définir et de décrire les pathologies susceptibles d'être radio-induites, de caractériser les catégories de personnes concernées par le suivi des essais nucléaires français et de dresser le bilan des données disponibles sur les expositions aux rayonnements ionisants durant les essais en cause. Dans le cadre de ce comité seront réexaminés tous les travaux et études relatifs aux éventuelles conséquences sanitaires de ces essais. Un premier rapport d'étape a été rendu public en avril 2005. Il est consultable sur le site internet de l'Autorité de sûreté nucléaire : www.asn.gouv.fr. Par ailleurs, le ministre de la défense a demandé au délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense de renforcer le dialogue engagé avec les responsables polynésiens pour répondre aux questions que se posent les populations directement concernées sur les effets des essais nucléaires effectués dans l'atmosphère entre 1966 et 1974 en Polynésie française. À cette fin, le délégué s'est rendu en Polynésie, du 6 au 10 février 2006, où il a rencontré notamment des membres du Gouvernement polynésien, des parlementaires, des élus locaux et des représentants de la société civile. Dans le même esprit, il effectuera prochainement une nouvelle mission en Polynésie. Enfin, le ministère de la défense et le CEA publieront, à l'automne 2006, un ouvrage sur l'ensemble des essais nucléaires français dans le Pacifique et leurs conséquences radiologiques, et le CSSEN adressera ses premières recommandations au Gouvernement français d'ici à la fin de l'année en cours.
Auteur : M. François Brottes
Type de question : Question écrite
Rubrique : Défense
Ministère interrogé : défense
Ministère répondant : anciens combattants
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 6 juin 2006
Dates :
Question publiée le 14 mars 2006
Réponse publiée le 13 juin 2006