Question écrite n° 89347 :
mutuelles

12e Législature

Question de : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste

Les mutuelles de la fonction publique sont des organismes sans but lucratif, créées et gérées par les fonctionnaires en vue d'assurer, sur des bases solidaires, leur protection sociale complémentaire ainsi que celle de leur famille. Les cotisations sont consacrées exclusivement et totalement au versement de prestations aux adhérents et à leurs ayants droit. La finalité des mutuelles est de permettre aux agents un égal accès aux soins face à la réduction croissante de la couverture de la protection sociale obligatoire. Elles ouvrent droit à une couverture globale unique comprenant les soins, l'assurance décès, les risques longs (incapacité, invalidité) et pouvant couvrir jusqu'à l'IPTS (indemnité pour perte de salaire et de traitement) qui permet à un agent en arrêt de maladie de maintenir durant 9 mois son traitement à 100 % au lieu des 50 % versés par l'État employeur. Les mutuelles de la fonction publique, avec plus de 4,5 millions d'adhérents, représentent un marché potentiel qui attise la convoitise des compagnies d'assurance et du secteur marchand concurrentiel. Sous le prétexte de revendiquer l'égalité de traitement, les arguments avancés font la part belle à la logique du chacun pour soi et à l'explosion des principes solidaires. Interpellée, la Commission européenne a demandé, le 20 juillet 2005, à l'État français de mettre fin aux aides qu'il octroie aux mutuelles de la fonction publique pour répondre aux principes de la « concurrence libre et non faussée ». Une fois de plus, l'Europe ultra-libérale dont personne ne veut tente d'imposer sa loi ! Saisi par la MGSP, le Conseil d'État a rendu le 26 septembre 2005 un arrêt visant à abroger, pour mars 2006 au plus tard, l'arrêté ministériel de 1962 (dit « arrêté Chazelle ») qui autorisait l'État employeur à participer aux ressources financières des mutuelles de ses agents à hauteur de 25 % des cotisations qu'elles perçoivent. Ces attaques et ces décisions pourraient laisser croire que les fonctionnaires disposent d'un système de protection sociale complémentaire privilégié. Or depuis 20 ans, l'aide directe et indirecte apportée par l'État employeur à ses agents, au travers du système mutualiste, a diminué et s'élève aujourd'hui, en moyenne, à 4 %, alors que dans le même temps, 91 % des employeurs privés contribuent, par le biais de contrats groupes, jusqu'à 60 % du coût de la complémentaire santé de leurs salariés, et même 75 % pour les « gros risques ». De plus, contrairement aux agents publics, l'État participe de fait indirectement au financement de la complémentaire santé des salariés du secteur privé en autorisant la déduction fiscale de ces cotisations du revenu imposable des salariés et des résultats imposables des entreprises, ce qui n'est pas le cas pour les fonctionnaires. En définitive, ce sont 2,5 milliards d'euros d'exonérations fiscales qui sont accordées aux entreprises et à leurs salariés pour soutenir les contrats groupes passés avec les complémentaires santé. L'aide de l'État aux mutuelles des agents publics s'élève à moins de 100 millions d'euros, alors que ces mêmes mutuelles redistribuent sur des bases solidaires près de 400 millions d'euros de prestations au bénéfice de leurs adhérents actifs ou retraités et de leurs ayants droit. Il est incontestable que la santé a un coût, et il est bon de préciser que les agents de la fonction publique au travers de leur cotisation à une mutuelle professionnelle y participent largement en puisant dans leur pouvoir d'achat. L'État employeur, jusqu'alors, ne s'est pas montré très actif pour la défense des complémentaires santé de ses agents dont 600 000 ont signé la pétition initiée par les mutuelles de la fonction publique, remise le 11 juillet 2005 au Premier ministre pour demander l'ouverture de négociations sur les droits sociaux complémentaires. L'État n'a, à ce jour, donné aucun début de réponse aux mutuelles. Compte tenu de cette regrettable situation qui ne grandit, une fois de plus, ni l'État employeur, ni la cause européenne et encore moins l'action du Gouvernement, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande désormais à M. le ministre de la fonction publique de lui indiquer ses intentions au sujet de ce dossier.

Réponse publiée le 25 avril 2006

En ce qui concerne le secteur public, aucune disposition dans le statut général des fonctionnaires ne prévoit que l'État participe à la protection sociale complémentaire de ses agents. L'article 20 du titre Ier de ce statut énumère limitativement les éléments de rémunération susceptibles d'être versés aux fonctionnaires. Les fonctionnaires bénéficient, dans ce cadre, d'éléments de rémunérations spécifiques, indemnité de résidence et supplément familial. L'État employeur participe toutefois à la protection complémentaire à travers les aides qu'il apporte aux mutuelles, telles que les subventions directes, les mises à disposition de personnels et de locaux. Le fondement juridique de ces aides se situe à l'article R. 523-2 de l'ancien code de la mutualité et dans un arrêté du 19 septembre 1962. L'article R. 523-2 précité prévoyait que « l'État peut accorder aux mutuelles constituées entre les fonctionnaires, agents et employés de l'État et les établissements publics nationaux des subventions destinées notamment à développer leur action sociale et, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la mutualité et du ministre chargé des finances, à participer à la couverture des risques sociaux assurés par ces mutuelles ». L'arrêté du 19 septembre 1962 prévoyait notamment que les mutuelles des agents de l'État et des établissements nationaux peuvent recevoir une subvention dont le maximum est de 25 % des cotisations, sans pouvoir excéder le tiers des charges entraînées par le service des prestations. Ces crédits sont prélevés sur les chapitres 33-92 (action sociale) des différents ministères. D'après le rapport Bernard Brunhes Consultants, ces aides s'élèveraient à 5 % en moyenne du montant des cotisations. Ce chiffre, qui tient compte des aides indirectes apportées par l'État au fonctionnement des mutuelles, au travers, notamment des mises à disposition de personnels et de locaux, doit faire l'objet d'une vérification. Le cadre de mise en oeuvre de la complémentaire santé des fonctionnaires nécessite d'être examiné sur le plan juridique. La Commission européenne a demandé en juillet 2005 à la France de revoir le dispositif juridique dans lequel exercent les mutuelles, et les conditions dans lesquelles elles peuvent recevoir des subventions. Suite à un recours d'une mutuelle, et de façon indépendante à l'action de la Commission européenne, le Conseil d'État a, en septembre 2005, remis en cause l'arrêté du 19 septembre 1962 qui permet aux ministères d'apporter des aides aux mutuelles de fonctionnaires. Dans ce cadre, afin d'avoir une connaissance précise de l'existant, le Gouvernement a souhaité tout d'abord disposer d'un état exhaustif des moyens que l'État consacre aux mutuelles de la fonction publique. À cet effet, une enquête a été effectuée auprès de chaque département ministériel. Une mission d'audit a été ensuite confiée conjointement à l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales pour examiner la situation de ces mutuelles et proposer des solutions. Enfin, un groupe de travail a été mis en place le 8 février 2006, avec les partenaires sociaux pour assurer la concertation sur les principes d'action de l'État en matière de prestation santé de ses agents. À partir de ces principes, un nouveau cadre juridique sera défini et mis en oeuvre avant la fin de 2006.

Données clés

Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo

Type de question : Question écrite

Rubrique : Économie sociale

Ministère interrogé : fonction publique

Ministère répondant : fonction publique

Dates :
Question publiée le 21 mars 2006
Réponse publiée le 25 avril 2006

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