lois
Question de :
Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste
« Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre. » La maxime de Guillaume d'Orange sert de viatique au Conseil d'État qui, quinze ans après avoir abordé la question, consacre de nouveau son rapport annuel à la complexité du droit. Rédigé par la rapporteure générale, Josseline de Clausade, ce document, rendu public le 15 mars 2006, livre des chiffres vertigineux : aux 9 000 lois et 120 000 décrets recensés en 2000 « sont venus s'ajouter, en moyenne, 70 lois, 50 ordonnances et 15 000 décrets par an ». Le code du travail comporte 2 000 pages, le code général des impôts plus de 2 500. Malmenant le principe de sécurité juridique, l'instabilité accompagne la profusion : plus de 10 % des articles de ces codes sont modifiés chaque année. Dans un pays où « l'appétit de lois nouvelles » des citoyens est « bien servi par les gouvernants, attirés dans cette voie par les sirènes de la communication médiatique », la propension à légiférer ne date pas d'hier. Mises en garde et circulaires sont restées lettre morte. Le rapport 2006 préconise d'élever le niveau de contrainte en encadrant la procédure d'élaboration des textes par une loi organique. S'inspirant de règles en vigueur dans d'autres pays européens, cette loi imposerait la réalisation d'« études d'impact » ou « d'opinion » pour tout projet de réforme. Elle simplifierait la procédure d'adoption des textes au Parlement, tout en encadrant le droit d'amendement. Écrire une nouvelle loi pour en limiter le nombre : aux yeux du Conseil d'État, l'ampleur et le coût du problème justifie ce paradoxe. Compte tenu de ces éléments, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande désormais à M. le Premier ministre de lui indiquer sa position et ses intentions au sujet de ce dossier important pour la vie démocratique et quotidienne des Français.
Réponse publiée le 20 juin 2006
Les considérations générales du rapport public de 2006 du Conseil d'État ont le mérite d'appeler l'attention sur les inconvénients s'attachant à l'inflation normative contemporaine. Comme le relève le Conseil d'État, cette inflation, à laquelle sont confrontés de nombreux pays développés, s'explique en partie par des facteurs externes à notre droit, tels que la croissance du corpus de droit international et de droit communautaire. Elle trouve aussi en partie son explication dans l'ambition et l'ampleur des réformes accomplies au cours des années récentes, par exemple en matière de décentralisation. Il n'en reste pas moins qu'elle prend depuis de nombreuses années des proportions qui ont conduit le Gouvernement à entreprendre une rénovation des procédures d'élaboration de la norme au sein des administrations centrales. Un réseau de hauts fonctionnaires chargés de la qualité de la réglementation a été constitué en 2003 à l'échelle interministérielle. Les ministères se sont dotés de chartes de la qualité de la réglementation dont l'objet est de promouvoir les meilleures pratiques du point de vue du recours à la norme et de l'élaboration des textes. À cet effet a été confectionné conjointement par le Conseil d'État et le secrétariat général du Gouvernement un « guide de légistique », diffusé notamment sur le site Légifrance. Des efforts ont notamment été demandés aux ministères dans l'adoption des décrets d'application des lois. Des indicateurs semestriels sont confectionnés à ce titre conjointement par les ministères et le secrétariat général du Gouvernement afin de permettre un suivi très précis des résultats obtenus. Des réunions interministérielles sont organisées pour définir l'échéancier de mise en oeuvre des lois nécessitant l'adoption d'un grand nombre de décrets d'application et l'intervention de plusieurs ministères. Les tableaux d'application des lois promulguées au cours de la législature sont en outre publiés sur Légifrance depuis mars 2004. Le Gouvernement veille à communiquer au Parlement les éléments utiles à son contrôle en ce domaine. Ainsi que le relevait le rapport établi en 2005 par le Sénat sur cette question, le taux d'application des lois a au demeurant commencé à s'améliorer. La détermination du Gouvernement dans la lutte contre l'inflation normative se traduit également désormais par la très prochaine mise en ligne sur Légifrance de tableaux de bord trimestriels d'évolution du volume des textes, qui aideront à mesurer en toute transparence les résultats des efforts entrepris. À la lumière des préconisations du Conseil d'État, l'accent est mis également sur le développement d'une véritable culture d'évaluation préalable dans l'élaboration de nouvelles réglementations, sur le modèle des réformes entreprises par certains pays de l'OCDE. Un pôle de la qualité de la réglementation vient d'être créé à cet effet au sein du secrétariat général du Gouvernement. Le Gouvernement est en outre déterminé à approfondir la réflexion sur les propositions de réforme formulées par le Conseil d'État, afin d'en mesurer avec précision les implications. Les travaux conduits en ce sens devront permettre de réunir tous les éléments d'appréciation utiles au Parlement comme au Gouvernement pour juger de l'opportunité de réformes profondes des méthodes d'élaboration des textes législatifs et réglementaires.
Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Type de question : Question écrite
Rubrique : Parlement
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Dates :
Question publiée le 28 mars 2006
Réponse publiée le 20 juin 2006