maladies professionnelles
Question de :
Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste
Les soupçons se confirment : l'exposition, professionnelle ou non, à des pesticides favorise la survenue de tumeurs du cerveau. Le risque de cancer du cerveau apparaît multiplié par 2,58 pour les sujets les plus exposés aux pesticides. Il atteint même 3,21 pour le gliome, une tumeur particulière. De même, les personnes qui traitent leurs plantes d'intérieur avec des pesticides auraient un risque multiplié par 2,6. Ces conclusions ont été rendues publique dernièrement par une enquête menée en Gironde par l'INSERM. Les objectifs de cette dernière étaient ambitieux : étudier le rôle des risques professionnels dans la survenue de nombreuses tumeurs (leucémies, cancers de vessie, du sein, du poumon, du cerveau, etc.), mais aussi mettre au point un système pour évaluer rétrospectivement les expositions d'un travailleur à des toxiques, en fonction des métiers qu'il a exercés. En clair, il s'agissait d'acquérir des données cruciales pour améliorer la prévention et le diagnostic des cancers liés au travail. Un domaine où la France a accumulé un retard phénoménal. Les estimations font frémir : de 5 à 10 % des cancers seraient d'origine professionnelle, soit 15 000 à 20 000 cas par an, avec presque autant de décès. Dans les vingt ans à venir, l'amiante à elle seule sera responsable de 50 000 à 100 000 tumeurs. Un bilan « inéluctable », insiste l'INSERM, les expositions à ce toxique ayant déjà eu lieu. Au total, ce sont 2,4 millions de salariés (13,7 %) qui sont exposés régulièrement à des cancérigènes. Malgré ces risques indéniables, les cancers professionnels restent sous-diagnostiqués, et bien souvent ne sont pas reconnus comme indemnisables. Compte tenu de ces éléments, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande désormais à M. le ministre de la santé et des solidarités de lui indiquer les mesures urgentes que compte prendre le Gouvernement au sujet de ce dossier. - Question transmise à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
Réponse publiée le 26 septembre 2006
L'attention du Gouvernement a été appelée sur la prévention et la lutte contre les cancers d'origine professionnelle. L'origine professionnelle des cancers n'est pas assez souvent reconnue. Pourtant, les rapports, récemment rendus publics dans le cadre du « plan Cancer », estiment que 4 à 8,5 % de la mortalité par cancer seraient imputables à des expositions professionnelles, dont près de 15 % des cancers du poumon chez l'homme. Face à ces données alarmantes, les pouvoirs publics se devaient de réagir, et d'adopter rapidement une politique ambitieuse visant à améliorer à la fois la prévention et la reconnaissance de l'origine professionnelle des cancers. Dans le cadre du plan Cancer présenté en 2004 par le Président de la République et du Plan santé au travail (PST) 2005-2009 adopté en Conseil des ministres début 2005, le ministère chargé du travail a fait de la lutte contre les cancers professionnels une de ses priorités affichées. Plusieurs chantiers d'études et de recherches ont été lancés dans le but d'enrichir les connaissances dans le domaine et d'adopter rapidement les mesures qui s'imposent du point de vue réglementaire. L'Institut de veille sanitaire (InVS), avec lequel le ministère du travail a passé, dans le cadre du Plan santé au travail 2005-2009, une nouvelle convention d'études, développe des outils structurants permettant une observation globale des risques sur l'ensemble des secteurs d'activité par la surveillance épidémiologique de larges échantillons de population. Parmi ces outils figurent les programmes COSET (Cohorte multirisques multisecteurs en population générale) et MATGENE (constitution de matrices emploi exposition). Une étude confrontant les cancérogènes avérés en milieu de travail et les tableaux de maladies professionnelles a par ailleurs été publiée en février 2005. Ce travail constitue le début de l'investigation nécessaire à la modification des tableaux de maladies professionnelles à laquelle l'InVS est associé. Enfin une remontée d'informations sur les cancers d'origine professionnelle à partir des médecins traitants prévue par le plan Cancer est mise en place dans cinq régions pilotes (Pays de la Loire, PACA, Alsace, Franche-Comté, Midi Pyrénées). Elle doit permettre une juste indemnisation de ces maladies professionnelles. Par ailleurs, le ministère chargé du travail finance deux études d'envergure. L'une, réalisée par l'INSERM sur les cancers du poumon et des voies aériennes ou digestives supérieures qui regroupent près de 80 % des cancers d'origine professionnelle. L'autre, menée depuis plusieurs années par l'association SCOP 93, qui consiste en un suivi des cancers d'origine professionnelle dans le département de la Seine-Saint-Denis. Il s'agit d'une démarche de reconstitution minutieuse des parcours professionnels des malades mettant à jour des phénomènes complexes de poly-expositions à divers polluants dans divers emplois. Cette association est depuis peu devenue un groupement d'intérêt scientifique dont le ministère du travail est un membre actif. Ces différents travaux ouvrent des pistes de réflexion pour les pouvoirs publics sur les limites structurelles du système actuel de reconnaissance des pathologies professionnelles, et révèlent de nouvelles pistes de recherche. Les priorités de recherche ainsi dégagées permettent de lancer des appels à projets de recherche, qui contribuent à mobiliser la communauté scientifique sur la thématique des cancers professionnels. En 2004, un appel d'offre fructueux a ainsi été passé par l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) en association avec le ministère du travail, et a conduit au financement de dix projets portant majoritairement sur les cancers professionnels. À la suite de cet appel d'offre, une convention de recherche a été signée fin 2005 entre la Direction des relations du travail et l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour une durée de quatre ans. Elle prévoit notamment le lancement d'un appel d'offre ciblé « Santé et Travail » à partir d'un état des lieux de la recherche en France dans ce domaine. Cet appel d'offre s'articulera avec l'appel à projet santé-environnement et santé-travail créé en 2005 dans le cadre du groupement d'intérêt public et déjà fort de quarante-neuf projets sélectionnés. La reconduction de l'appel d'offre en lien avec l'AFSSET est par ailleurs prévue dès 2006. Par ailleurs, l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), association loi 1901 administrée paritairement par les partenaires sociaux, a mis en place en janvier 2005 un projet transversal institutionnel consacré aux cancers professionnels. L'objectif est de constituer un réseau avec d'autres centres de compétence, afin de compléter les capacités de l'Institut dans les domaines où la demande d'assistance de la part du monde du travail s'exprime. Dans le cadre de ce projet, deux actions prioritaires ont été retenues, concernant, d'une part la création d'un bulletin électronique consacré à la prévention du cancer professionnel et, d'autre part, une action spécifique consacrée à la prévention du cancer de la vessie en milieu professionnel et qui, en 2005, a fait l'objet d'un financement de la part du ministère en charge du travail. Ainsi, le plan Cancer comme le plan santé au travail, par l'ambition qui les motive et les moyens qu'ils permettent de dégager, ont permis d'amorcer les actions qui préparent les progrès décisifs de demain. Un an à peine après l'adoption du PST, plusieurs de ces objectifs en faveur de la prévention des risques en milieu professionnel trouvent déjà des applications concrètes, résultat de la volonté du Gouvernement d'avancer rapidement vers une prévention efficace et une juste reconnaissance des cancers d'origine professionnelle.
Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Type de question : Question écrite
Rubrique : Risques professionnels
Ministère interrogé : santé et solidarités
Ministère répondant : emploi, travail et insertion professionnelle des jeunes
Dates :
Question publiée le 11 avril 2006
Réponse publiée le 26 septembre 2006