bénéficiaires
Question de :
M. Pierre-Christophe Baguet
Hauts-de-Seine (9e circonscription) - Union pour la Démocratie Française
M. Pierre-Christophe Baguet souhaite interroger M. le ministre délégué aux anciens combattants sur la situation des déportés d'origine étrangère réfugiés en France au retour de déportation. Le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 a institué une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale. Les orphelins des déportés résistants et politiques morts en déportation et des personnes arrêtées et exécutées dans les conditions définies aux articles L. 274 et L. 290 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre bénéficient depuis cette date d'une prestation d'un montant équivalant à celui fixé par le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. Cette mesure suivait la remise du rapport de M. Philippe Dechartre, ancien résistant, ancien ministre du général de Gaulle et de Georges Pompidou, au Premier ministre en septembre 2003. Or, les déportés d'origine étrangère qui se sont réfugiés en France au retour de déportation n'ont toujours pas obtenu que leur soit versée la pension qui est attribuée aux déportés d'origine française. Cette discrimination a donné lieu de la part de l'association Mémoire 2000 à une saisine de la HALDE. Par délibération n° 2005-24 du 19 septembre 2005, celle-ci indique expressément : « Cette différence de traitement entre dans le champ d'application des dispositions de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), qui prohibe toute discrimination fondée notamment sur l'origine nationale dans la jouissance du droit de toute personne au respect de ses biens. » Il souhaite donc connaître les justifications de l'exclusion du bénéfice des pensions d'invalidité des personnes de nationalité étrangère au moment de leur arrestation et de leur déportation, soit lorsqu'elles ont été déportées depuis un pays étranger et ne se sont installées en France qu'après leur libération, et ont acquis depuis la nationalité française, soit lorsqu'elles ont été déportées depuis la France et n'ont pas acquis ultérieurement la nationalité française. Il demande également que le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerres soit réformé en conséquence. Seules 150 personnes sont encore concernées et le nombre des survivants va en diminuant. Il y a donc urgence à leur accorder réparation.
Réponse publiée le 6 juin 2006
Le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre distingue deux catégories de déportés, les déportés politiques et les déportés résistants. Les déportés en raison des persécutions antisémites sont assimilés aux déportés politiques. La législation, élaborée dès 1948, prévoit que les personnes déportées pour des motifs politiques ou « raciaux », de nationalité française au moment des faits et de leur demande de pension, peuvent demander à bénéficier d'une pension d'invalidité quel que soit le pays à partir duquel elles ont été déportées. L'article 106 de la loi de finances pour 1998 donne droit au statut et à la pension de déporté politique à tous les étrangers naturalisés français et déportés à partir de la France quelle que soit leur date d'arrivée sur le territoire. Les déportés de nationalité étrangère au moment des faits, mais qui ont acquis la nationalité française après la guerre, ne peuvent, en revanche, pas demander à bénéficier d'une pension d'invalidité s'ils ont été déportés depuis un autre pays que la France. Dans sa délibération du 19 septembre 2005, le collège de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) estime que, compte tenu de la finalité de cette pension d'invalidité, l'exclusion de ces personnes de nationalité étrangère au moment de leur arrestation et de leur déportation ne semble pas reposer sur des justifications objectives et raisonnables en lien avec cette finalité. De l'examen de cette délibération et de l'étude des textes en vigueur, il ressort que cette exclusion ne repose pas, en effet, sur des justifications objectives et raisonnables, tant au regard de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 qui garantit la jouissance des droits et libertés sans distinction aucune, fondée notamment sur l'origine nationale ou sociale, que des jurisprudences du Conseil d'État et de la Cour européenne des droits de l'homme. Le caractère spécifique qui s'attache à la législation relative à la déportation au sein du droit français et la jurisprudence du Conseil d'État, pour ce qui concerne l'application de l'article 14 de la convention précitée, semble favorable à une mesure législative modifiant l'article L. 252-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre permettant aux déportés de nationalité étrangère aux moments des faits, qui ont acquis la nationalité française après la guerre, et déportés depuis un autre pays que la France, de bénéficier, ainsi que leurs ayants cause, d'une pension d'invalidité. La mise en oeuvre d'une telle mesure nécessite, néanmoins, une concertation interministérielle pour soumettre un projet de loi au Parlement.
Auteur : M. Pierre-Christophe Baguet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Pensions militaires d'invalidité
Ministère interrogé : anciens combattants
Ministère répondant : anciens combattants
Dates :
Question publiée le 11 avril 2006
Réponse publiée le 6 juin 2006