Question écrite n° 92909 :
pauvreté

12e Législature

Question de : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste

Chaque mois, dans les médias, on nous ressort la même rengaine : moins de 5 % de chômage au Royaume-Uni et environ 10 % en France ! La croissance aussi est deux fois plus importante chez nos voisins d'outre-Manche ! En théorie, voilà de quoi mettre à mal notre modèle social. D'où le sentiment, de plus en plus partagé et propagé, que notre modèle social est moribond, et qu'il faut de grands changements pour sortir la France de son déclin. Or selon l'OCDE, l'INSEE et l'organisation anglaise New Policy Institute, il en est autrement... Ainsi, ne parlons pas chômage, parlons plutôt pauvreté, car un des principaux buts d'une société avancée comme le prétend être la nôtre est l'éradication de la pauvreté. Bien qu'étant un concept complexe, sa définition statistique est assez simple. Si l'on prend le revenu médian après redistribution de ressources (la moitié des habitants gagne plus, l'autre gagne moins), le seuil de pauvreté est alors défini comme un certain pourcentage de ce revenu médian. Deux valeurs sont couramment utilisées : 60 % et 50 %. On peut parler respectivement de pauvreté et de grande pauvreté. Pour être plus clair, est considérée comme « pauvre » une personne dont le revenu individuel est inférieur à 50 % ou 60 % du revenu médian. Or, selon ces trois institutions, quel que soit le seuil utilisé et quelles que soient les sources, on arrive donc à la même conclusion : il y a donc bel et bien environ deux fois plus de personnes pauvres au Royaume-Uni qu'en France ! La pauvreté a doublé en Grande-Bretagne sous l'ère Thatcher, et, bien que ses successeurs (John Major et Tony Blair), aient réussi à stopper son augmentation, ils n'ont pas pu faire redescendre ce taux à une valeur comparable à celle qui est observée dans le reste de l'Europe. Pendant la même période, la pauvreté a reculé en France, certes modestement, mais régulièrement, sous quasiment tous les gouvernements, passant, selon l'INSEE, de 8,3 % en 1979 à 6,3 % en 2003 pour la grande pauvreté, soit une baisse d'un quart environ. Quant au taux de pauvreté à 60 % du revenu médian, il est passé de 14,3 % à 12 %, soit une baisse de 16 %. Cependant, l'INSEE a mesuré en 2003 une augmentation du taux de grande pauvreté de 5 % (passage de 6 % à 6,3 %). Est-ce seulement passager, ou annonciateur de l'adoption du modèle britannique en France ? Enfin, le taux de pauvreté chez les couples avec un emploi est respectivement de 6,3 % en France et 17,6 % au Royaume-Uni, avec deux emplois on passe à 1,6 % et 3,6 %. Il semble donc bien que le phénomène des travailleurs pauvres soit au moins deux fois plus important au Royaume-Uni. Exclusion d'un certain nombre de personnes du chômage et travailleurs pauvres, voilà, semble-t-il, le vrai visage du modèle britannique, et peut-être devrions-nous désormais un peu moins parler de ses 4 % de chômeurs, et un peu plus de ses 20 % de pauvres ! Compte tenu de ces constats sans appel qui prouvent avec éclat et sans ambiguïté la réalité du modèle britannique que l'on veut pourtant nous vendre comme la panacée, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande donc à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité de lui indiquer son sentiment sur les conclusions de l'OCDE, de l'INSEE et de New Policy Institute.

Réponse publiée le 26 septembre 2006

L'Observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale, dans son dernier rapport actualise les données concernant à la fois le taux de pauvreté monétaire (seuil à 60 % et 50 % du revenu médian) ainsi que les données concernant les travailleurs pauvres. Il note en particulier, comme le souligne la question de l'honorable parlementaire, une baisse continue du taux de pauvreté monétaire depuis le début des années 1970. Concernant la remontée constatée entre 2002 et 2003 du taux de pauvreté monétaire calculé au seuil de 50 %, il convient de noter que cette légère hausse (6,3 % contre 5,9 %) ne se vérifie pas au seuil de 60 % (stable à 12 %). Il semble donc dès lors prématuré de conclure, dans un sens ou dans un autre, quant au caractère passager ou plus durable de cette augmentation. Les prochains résultats (issus de l'enquête sur les revenus fiscaux de l'INSEE) seront disponibles au troisième trimestre 2006. Par contre, une première indication de tendance peut être observée à partir d'un autre indicateur : le nombre d'allocataires du RMI. Les données récentes montrent une baisse du nombre de personnes effectivement payées à ce titre. Celui-ci a diminué de 0,8 % au premier trimestre 2006 (données corrigées des variations saisonnières). Sur douze mois, l'augmentation est de 3,9 % par rapport au premier trimestre 2005. Après trois ans et demi de hausse ininterrompue, l'amélioration constatée au premier trimestre 2006 reflète l'impact de la baisse du chômage intervenue depuis mai 2005, ainsi que la montée en charge des dispositifs d'emplois aidés ciblés sur les allocataires des minima sociaux. Néanmoins, le seul taux de pauvreté monétaire ne peut à lui seul rendre compte des multiples dimensions des phénomènes de pauvreté. Dans son dernier rapport, l'observatoire a dès lors souhaité relativiser son importance pour mieux appréhender dans leur globalité toutes les situations de pauvreté. Il a donc proposé de fonder à l'avenir ses observations de l'évolution de la pauvreté sur onze indicateurs centraux. Il propose ainsi de retenir le taux de pauvreté monétaire correspondant à 60 % du revenu médian et de compléter cet indicateur par une mesure de l'intensité de la pauvreté qui permet d'analyser la répartition des revenus des personnes pauvres ; de suivre un indicateur de pauvreté en emploi, qui représente la part des individus en emploi vivant dans un ménage dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian ; de retenir également l'indicateur de pauvreté en conditions de vie qui est la résultante de 27 paramètres ayant trait, par exemple, aux contraintes budgétaires, aux retards de paiement, aux restrictions de consommation et aux difficultés de logement. Compte tenu des liens entre la pauvreté et les inégalités, de retenir un indicateur d'inégalité de revenu. Deux indicateurs ont trait aux minima sociaux : l'évolution annuelle du nombre d'allocataires de minima sociaux d'âge actif est un indicateur de nature conjoncturelle ; le taux de persistance dans le RMI mesure la part des allocataires qui en bénéficient depuis plus de trois ans. Quatre autres indicateurs sont enfin destinés à mesurer les phénomènes d'exclusion : le taux de renoncement aux soins pour raisons financières ; le taux de sortants du système scolaire à faible niveau d'études ; le taux de demandeurs d'emploi non indemnisés par le régime d'assurance ; la part de demandes de logement social non satisfaites après un an. Pour ce qui concerne le nombre de travailleurs pauvres qui fait apparaître un taux de pauvreté laborieuse deux fois plus important en France qu'au Royaume-Uni, il convient de noter que cet écart s'explique par la nature du marché du travail, mais également par le rôle majeur joué par les transferts sociaux. Il apparaît en effet que les transferts publics concourent à diminuer fortement (à hauteur de 22 points en moyenne en 2001) les taux de pauvreté globaux (mais également ceux des travailleurs en situation de pauvreté). C'est dans les pays ou ces transferts sont les plus modestes (Europe du Sud, Irlande et Royaume-Uni) que la pauvreté est la plus ample. Selon Eurostat, la France se situe dans ce deuxième cas avec un impact significatif de ces transferts sur le taux de pauvreté (31 points) parmi les plus forts en Europe.

Données clés

Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique sociale

Ministère interrogé : cohésion sociale et parité

Ministère répondant : cohésion sociale et parité

Dates :
Question publiée le 25 avril 2006
Réponse publiée le 26 septembre 2006

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