sécurité des biens et des personnes
Question de :
M. Didier Julia
Seine-et-Marne (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Didier Julia appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'application de la loi pour la sécurité intérieure du 12 février 2003. L'article 21 de la loi susvisée a érigé en délit, puni de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende, les voies de fait et l'entrave délibérée à l'accès et à la libre circulation des personnes dans les parties communes d'immeubles collectifs d'habitations quand elles sont commises en réunion. Cette disposition, susceptible de restaurer un sentiment de sécurité et de tranquillité publique, n'est malheureusement pas appliquée par certains juges chargés de sanctionner les contrevenants. Certains procureurs en Seine-et-Marne refusent d'appliquer ce nouveau dispositif pénal, en particulier lorsqu'il s'agit de mineurs : alors que la loi prévoit que la réitération du fait est constitutive de délit, ces procureurs ont adressé une circulaire aux enquêteurs relevant de leur ressort signalant qu'à leurs yeux le délit ne pourrait être éventuellement constitué qu'au terme de six réitérations. La circulaire ne précise pas s'il faut que les six entraves aient eu lieu dans le même hall d'immeuble, ni les délais dans lesquels les six constats de police doivent être exécutés ; elle précise seulement que les policiers doivent retrouver les mêmes individus six fois de suite dans les mêmes parties communes. Comme il est impossible de mobiliser la police uniquement sur de tels faits, il en résulte en pratique que les procureurs en question refusent d'appliquer la loi. Il lui demande si de telles circulaires émanent de la chancellerie, ce qu'il en pense et quelles suites il entend en tirer. Il lui demande s'il ne lui semble pas que le fait que chaque procureur puisse s'ériger en législateur rappelle plutôt les pratiques du Far-West au XIXe siècle, ce qui est contraire au principe de l'unité du droit qui prévaut dans tout Etat républicain.
Réponse publiée le 15 août 2006
Le garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire que, des éléments qui lui ont été communiqués, il ressort qu'en matière d'occupation de hall d'immeubles la politique d'action publique mise en oeuvre par les trois chefs de parquet du département de Seine-et-Marne, sous l'égide du procureur général de Paris, est tout à fait conforme aux directives ministérielles. Il convient de souligner que les dispositions de l'article L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation issues de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est très restrictif, le législateur ayant exigé que soit simultanément établi, pour que l'infraction soit constituée, que l'entrave, commise en réunion, soit apportée de manière délibérée, qu'il y ait entrave à l'accès et à la libre circulation des personnes, que la présence intempestive soit répétée et injustifiée et de nature à entraîner pour les habitants un obstacle à toute circulation. Afin que les poursuites du chef d'entrave à l'accès ou à la libre circulation dans les halls d'immeuble engagées par le parquet puissent utilement prospérer devant le tribunal correctionnel, il est nécessaire que les enquêteurs aient réalisé les constatations de tous les éléments matériels permettant d'administrer la preuve de cette infraction. Conscients du caractère éminemment sensible de cette question et de son enjeu en termes de sentiment d'insécurité pour la population, les procureurs de la République de Fontainebleau, Melun et Meaux, qui dirigent l'activité des officiers et agents de police judiciaire, conformément aux dispositions prévues aux articles 12 et 41 du code de procédure pénale, ont été conduits à donner toutes instructions utiles aux services de police judiciaire afin qu'ils veillent à établir des procédures contenant tous les éléments constitutifs de l'infraction ci-dessus mentionnée de telle sorte que la juridiction de jugement puisse entrer en voie de condamnation. Ces instructions font, notamment, obligation aux services enquêteurs d'interpeller toute personne qui se sera trouvée à deux reprises dans un hall d'immeuble après que plusieurs contrôles auront permis de caractériser l'entrave dans les termes de la loi. Cette rigueur exigée de la part des services de police judiciaire par le ministère public porte ses fruits puisqu'elle a permis d'obtenir des condamnations, en particulier à Melun et à Meaux. À Melun les poursuites engagées contre neuf majeurs et deux mineurs se sont soldées par la condamnation des majeurs, le 6 octobre 2005, à deux mois d'emprisonnement assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve comprenant l'accomplissement d'un travail d'intérêt général ; les procédures relatives aux mineurs étant toujours en cours chez le juge des enfants. Des poursuites sont, par ailleurs, exercées par voie de convocation par officier de police judiciaire contre quatre autres majeurs et quatre autre mineurs pour des faits d'entrave commis dans un autre immeuble de Melun. À Meaux, on constate qu'en 2005 vingt-trois poursuites ont été exercées devant le tribunal correctionnel, l'une d'entre elles ayant donné lieu à une condamnation à une peine d'emprisonnement ferme.
Auteur : M. Didier Julia
Type de question : Question écrite
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 23 mai 2006
Réponse publiée le 15 août 2006