Question écrite n° 96067 :
DOM : Guyane

12e Législature

Question de : Mme Christiane Taubira
Guyane (1re circonscription) - Socialiste

Mme Christiane Taubira interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les conditions d'exécution des missions républicaines de l'école en Guyane. À la faveur du débat en cours sur les horaires scolaires pour la prochaine rentrée, elle lui demande quelles dispositions il envisage d'adopter pour s'assurer que l'école demeure un lieu d'égalité d'accès au savoir et de préparation à la citoyenneté. L'optimisation des capacités de chaque enfant dépend de l'accès à l'école, mais également de rythmes respectueux des horloges biologiques, de conditions physiques et psycho-affectives satisfaisantes. Sur la base des prérogatives que lui attribuent les lois n°s 89-486 et 92-678, le recteur d'académie vient de faire connaître les horaires d'entrée et de sortie des écoles qui seront en vigueur à la rentrée 2006-2007. Ces horaires prévoient deux séances par jour, de 8 heures à 11 h 30 et de 14 heures à 16 h 30, pour des semaines de cinq jours. Ce choix est conforme aux conclusions issues des travaux des chronobiologistes qui ont étudié les phases d'attention et de relâchement des élèves du premier degré, des classes maternelles et élémentaires. Ces horaires officiels auront pour premier effet d'aplanir les disparités multiples (vingt horaires différents) constatées entre communes et entre établissements. Le décret n° 90-236, ainsi que les décrets et circulaires suivants le modifiant et le précisant, autorisent des aménagements au regard de situations locales avérées. La première dérogation admise concerne d'ores et déjà les écoles situées le long des fleuves frontaliers, Maroni et Oyapock, qui fonctionneront en journée continue de 7 h 30 à 13 heures. Elle attire son attention sur la nécessité de veiller à ce que les adaptations dictées par la prise en considération de particularismes locaux n'aboutissent pas à une scolarisation à deux vitesses et d'ambition variable. Si la contrainte objective de la circulation fluviale justifie de libérer les enfants assez tôt pour qu'ils regagnent par pirogue leur domicile avant le coucher du soleil, l'argument lié au manque de cantine est inacceptable. L'école républicaine ne saurait se dérober à sa vocation sociale. L'instauration de cantines dans les écoles publiques, de même que les distributions de lait par le passé, ainsi que l'introduction de l'uniforme et les internats familiaux, avaient pour finalités d'écrêter les inégalités sociales au sein de l'école laïque, d'assurer au moins un repas équilibré à chaque enfant et par conséquent de procurer des conditions physiques et psycho-affectives satisfaisantes en corrigeant les écarts de niveaux de vie. Cette correction des écarts ne doit pas se limiter à l'intérieur d'une même communauté villageoise. L'égalité s'entend à l'échelle du territoire. Dans cet esprit, on ne saurait se satisfaire de prendre acte et se contenter de l'absence de réfectoires ou de prestations repas, après avoir consenti à ce qu'une réalité géographique d'enclavement conduise à retenir pour ces enfants des journées continues alors qu'il est établi que l'apprentissages des savoirs s'effectue mieux en deux séances journalières. Elle lui demande selon quel calendrier l'institution prévoit de convenir avec les collectivités en charge, de la mise en place des dispositifs qui permettront d'offrir aux élèves du Maroni et de l'Oyapock collations et repas. Il demeure bien entendu que ces mesures indispensables n'exonèrent pas de répondre aux aménagements relatifs aux langues d'enseignement et au contenu des programmes au regard des univers culturels et écologiques des enfants. Concernant les établissements des villes du littoral, il est probable que s'exprimeront des demandes de maintien d'horaires variés selon des argumentaires faisant une place inégale aux rythmes des enfants, à la gestion des établissements, au planning des personnels de service, aux activités périscolaires, au transport. L'impact de ces divers éléments n'est pas négligeable. Ainsi, pour la seule ville de Cayenne, il apparaît que 10 % des élèves sont absents ou en retard à la séance d'après-midi qui commence à 13 h 30, à la fois parce que le temps de déjeuner se révèle insuffisant, mais également parce que les transports urbains et périurbains sont irréguliers ou déficients. De nombreux enfants restent devant l'établissement durant cette inter-séance, du fait de l'éloignement de leur domicile. Cet absentéisme de force majeure compromet l'obligation scolaire fixée aux 972 heures incluant les 36 heures de concertation. Elle lui rappelle que les estimations les plus serrées font état d'environ un millier d'enfants de 3 ans à 12 ans non scolarisés mais répertoriés sur liste d'attente. Près de 3 000 enfants de la même tranche d'âge et non répertoriés seraient également hors des circuits scolaires. Outre le vivier que cette non-scolarisation représente pour toutes les formes de marginalisation et de délinquance, il est insupportable, dans une démocratie, que les pouvoirs publics centraux ou territoriaux s'accommodent de tels manquements envers une partie de la population et de tels risques sur la cohésion sociale. Des initiatives associatives permettent de combler depuis de nombreuses années l'insuffisance des capacités publiques d'accueil. Il conviendrait de les insérer de façon plus rigoureuse dans l'offre scolaire. Enfin, de nombreux adolescents d'origine étrangère, scolarisés en Guyane depuis leur plus jeune âge, dont les parents n'ont pas effectué les démarches nécessaires lors de leur treizième année ni eux-mêmes à leur seizième année, souvent faute d'information, sont empêchés de se présenter à leurs examens ou condamnés à renoncer à des études supérieures. Il devrait revenir à l'institution scolaire de faire procéder au recensement des collégiens et lycéens concernés et de convenir avec la préfecture des régularisations adaptées. Elle lui demande par quelles mesures il compte garantir l'égalité des chances pour tous les enfants de Guyane, par-delà les considérations de corporation, de gestion, de fonctionnement et de budget qui, pour être légitimes, respectables et contraignantes, n'en sont pas moins secondaires par rapport à l'exigence prioritaire de lutte contre l'échec scolaire, en plaçant les enfants dans des conditions de réussite dans leur parcours, quel qu'il soit.

Données clés

Auteur : Mme Christiane Taubira

Type de question : Question écrite

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : éducation nationale

Ministère répondant : éducation nationale

Date :
Question publiée le 6 juin 2006

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