Question écrite n° 97739 :
Iran

12e Législature

Question de : M. Jacques Myard
Yvelines (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Jacques Myard appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la nécessité d'une solution diplomatique rapide à la crise suscitée par le développement de l'activité nucléaire en Iran. En effet, la communauté internationale est légitimement inquiète de la prolifération des armes de destruction massive, et au premier chef des armes nucléaires, même si certains en soulignent le caractère rationalisant. L'attitude de l'Iran suscite aujourd'hui des interrogations fortes. L'Iran a signé et ratifié depuis longtemps le TNP. Si le TNP oblige à ne pas développer un programme militaire, l'Iran a le droit de créer un programme civil sous le contrôle de l'AIEA. Toutefois, l'Iran refusait jusqu'à présent de ratifier le protocole additionnel au TNP, le protocole 93, qui, renforce les contrôles de l'AIEA. Jusqu'à présent. Les négociations des Trois France, Allemagne et Royaume-Uni, sont dans l'impasse. Même si de nouvelles propositions ont été faites avec les Américains depuis une réunion à Vienne le 1er juin, les États-Unis posent comme préalable l'arrêt de toute opération d'enrichissement d'uranium, l'arrêt des opérations des centrifugeuses à la source des doutes sur un programme militaire. Toutefois, le 6 avril dernier, le New York Times a publié un article de Javad Zarif, ambassadeur d'Iran à l'ONU, dans lequel l'Iran s'engage notamment ; 1) à ratifier le protocole 93 qui renforce les contrôles de l'AIEA et à l'appliquer pendant le processus de ratification ; 2)  à accepter la présence permanente des inspecteurs de l'AIEA sur tous les sites nucléaires iraniens ; 3) à adopter une législation interdisant de manière permanente le développement, la conservation, et l'utilisation d'armes nucléaires ; 4) à coopérer dans le cadre des contrôles sur les exportations visant à empêcher tout accès non autorisé aux matières nucléaires ; 5) à ne pas fabriquer de plutonium ; 6) à limiter la production d'uranium enrichi aux seules fins d'un programme civil ; 7) à transformer sans délais l'uranium enrichi en combustible pour prévenir tout futur enrichissement ; 8) à commencer à mettre en place les volets les moins controversés du programme tels que la recherche et le développement ; 9) à accepter des partenariats étrangers publics et privés - dans le cadre du programme d'enrichissement. Il ne s'agit pas de faire preuve d'une quelconque complaisance à l'égard d'un régime qui soulève très souvent l'indignation sur ses méthodes ; mais n'est-il pas opportun de placer l'Iran devant ses responsabilités en le prenant au mot. La France n'a rien à gagner en s'alignant sur une position maximaliste qui refuserait à l'Iran tout développement d'un programme civil que le TNP lui autorise. De surcroît, le Proche et le Moyen-Orient ne trouveront pas la paix sans l'engagement de l'Iran dans un règlement d'ensemble. Il lui demande en conséquence quelle initiative la France compte prendre pour faire entendre sa voix, une voix d'indépendance, mais une voix de raison à l'égard des uns et des autres.

Réponse publiée le 26 septembre 2006

La crise de prolifération ouverte par la découverte d'activités nucléaires clandestines de l'Iran est un enjeu stratégique majeur. Depuis l'initiative prise par la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni (les E3) en 2003, notre pays a fondé son action sur quatre principes : - le caractère inacceptable de la perspective d'un Iran doté de l'arme nucléaire ; - la recherche d'une solution politique négociée ; - le respect du cadre multilatéral de sécurité collective : TNP, AIEA, conseil de sécurité - l'unité de la communauté internationale. La France, avec les Européens, assume donc pleinement ses responsabilités internationales au service de la sécurité de l'Europe et de tous les pays du Moyen-Orient qui sont préoccupés par le programme iranien et ses implications. S'agissant de la recherche et du développement, la France, comme ses partenaires, ne fait pas de différence de nature entre les différentes activités qui touchent au cycle du combustible. La taille de l'installation d'enrichissement n'est pas un critère décisif pour juger de sa dangerosité et des risques de prolifération. La poursuite d'activités de conception et de tests d'une cascade de centrifugeuses, quelle qu'en soit la taille, permet en effet de franchir une étape essentielle dans la maîtrise des capacités technologiques nécessaires à la production de matières fissiles, pour lesquelles l'Iran n'a aujourd'hui aucun besoin civil identifiable. C'est donc bien l'ensemble du programme iranien de production de matières fissiles qui est au coeur de la crise de confiance internationale. La reprise des activités d'enrichissement par l'Iran, en janvier 2006, contrairement à l'accord de Paris passé avec les trois Européens, et contrairement aux demandes de l'AIEA, est venu confirmer cette analyse et constitue un sujet de très grave préoccupation. Ces activités incluent la fabrication de pièces détachées de centrifugeuses, l'assemblage de nouvelles cascades de centrifugeuses et la mise en route de l'usine pilote de Natanz, y compris l'introduction de matière nucléaire (UF6). Ce ne sont donc pas de simples activités de « recherche et développement » comme l'indique Téhéran. L'Iran a déjà des obligations juridiques de coopération avec l'AIEA, auxquelles il est tenu dispositions de l'article III du TNP, application de l'accord de garanties généralisé conclu avec l'AIEA en 1974. L'Iran a, en revanche, délibérément décidé de réduire sa coopération avec l'AIEA, en février 2006, en mettant fin à l'application volontaire du protocole additionnel. Ceci signifie que les inspecteurs de l'agence, s'ils continuent à pouvoir se rendre en Iran, y disposent de prérogatives moindres, ce qui rend d'autant plus difficile le travail de vérification de l'AIEA, et la résolution des questions pendantes. Dans ce contexte de crise de confiance sur le programme nucléaire de l'Iran, les E3, et au-delà les États-Unis, la Russie et la Chine (les E3 + 3), ont fait montre de flexibilité dans la recherche d'une solution négociée. Les États-Unis en ont fait la démonstration avec leur décision historique de proposer de se joindre à de futures négociations, décision qui reflète l'engagement des États-Unis en faveur de la réussite de ce processus. Une offre conjointe des six pays a été formalisée à Vienne le 1er juin, et présentée à Téhéran par Javier Solana le 6 juin, qui ouvre des perspectives importantes pour l'Iran. Ces propositions, ambitieuses, se concentrent sur le nucléaire civil, qui constitue la principale préoccupation des autorités iraniennes. Le droit de l'Iran à développer l'usage de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques est réaffirmé. L'Iran se voir également ouvrir la perspective d'une coopération active pour l'aider à développer une industrie nucléaire civile moderne. En contrepartie, les E3 + 3 ont demandé à l'Iran de donner satisfaction aux demandes répétées de l'AIEA et du conseil de sécurité, en particulier en suspendant ses activités liées à l'enrichissement et au retraitement, aussi longtemps que la confiance ne sera pas revenue. Cette suspension, condition de la confiance, est indispensable. Des négociations ne peuvent s'engager alors que l'Iran, en dépit des appels de la communauté internationale, continue de créer sur le terrain des faits accomplis, en poursuivant le développement de son programme d'enrichissement. Lors de la réunion de Paris du 12 juillet, les ministres des affaires étrangères des E3 + 3 ont constaté que les autorités iraniennes n'avaient donné aucune indication sur leur disposition à discuter sérieusement de la substance des propositions et que l'Iran n'avait pas su prendre les mesures nécessaires pour permettre aux négociations de débuter, c'est-à-dire suspendre toutes les activités liées à l'enrichissement et au retraitement. Dès lors, les E3 + 3 ont estimé qu'il n'y avait pas d'autre choix que de retourner au conseil de sécurité des Nations unies. Signe de la préoccupation de la communauté internationale, le conseil de sécurité a adopté le 31 juillet 2006, par 14 voix sur 15, la résolution 1696. Cette résolution rend obligatoire la suspension par l'Iran de toutes ses activités liées à l'enrichissement et au retraitement, y compris la recherche-développement, telle que demandée par l'AIEA. Le directeur général de l'AIEA, M. El Baradeï, a remis le 31 août un rapport au conseil des gouverneurs de l'AIEA et, en parallèle, au conseil de sécurité, sur le respect par l'Iran de ses obligations. S'il s'avère que l'Iran ne s'est pas conformé à ses obligations, la résolution 1696 prévoit que le Conseil de sécurité travaillera alors à l'adoption de mesures au titre de l'article 41 du chapitr  VII de la charte, c'est-à-dire des sanctions. La résolution donne un délai à l'Iran pour choisir d'entrer dans la voie du dialogue, et refuser l'isolement. La France appelle donc une nouvelle fois l'Iran à répondre positivement à l'offre ambitieuse qui lui a été faite.

Données clés

Auteur : M. Jacques Myard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Relations internationales

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 20 juin 2006
Réponse publiée le 26 septembre 2006

partager