Question écrite n° 97968 :
insaisissabilité

12e Législature

Question de : M. Yves Bur
Bas-Rhin (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Yves Bur attire l'attention de M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales sur la nécessité d'une réforme attendue par les artisans et susceptible d'encourager la création d'entreprises, celle de la protection du patrimoine de l'exploitant. En effet, si la loi Dutreil du 1er août 2003 a permis une première avancée en ce sens en permettant la protection de la résidence principale, elle n'a pas suffi à remédier totalement aux craintes des entrepreneurs. Á défaut de pouvoir concrétiser l'idée d'un patrimoine d'affectation qui limiterait la responsabilité de l'exploitant au capital affecté à son entreprise, il apparaîtrait fondé d'actualiser les dispositions relatives aux biens de famille insaisissables de la loi du 12 juillet 1909. En effet, la valeur du bien susceptible d'être protégé est limitée à 7 600 euros environ. Il est bien évident que le montant de cette limite (qui n'a pas été modifié depuis la loi du 12 mars 1953) rend désormais, compte tenu de l'inflation et de la hausse des prix de l'immobilier, toute création d'un bien de famille impossible. Une augmentation de cette limite permettrait de rendre, à nouveau, ce dispositif opérationnel. C'est pourquoi il lui demande s'il entend agir en ce sens en intégrant dans notre dispositif juridique une disposition visant à augmenter la limite de valeur prévue par la loi de 1909.

Réponse publiée le 15 août 2006

Le bien de famille au sens de la loi du 12 juillet 1909 est une institution qui n'a jamais véritablement été mise en oeuvre pour réaliser la protection d'un patrimoine et qui relève désormais d'une organisation économique dépassée. En effet, le défaut du dispositif réside dans le fait qu'il instaure un patrimoine de main morte, c'est-à-dire que les biens érigés en biens de famille sont à titre définitif hors de toute transaction possible. Les biens sont la propriété d'une entité abstraite, la famille, représentée par le conseil de famille qui n'est pas à proprement parler un organe de décision concernant l'administration des biens concernés, mais dont l'intervention est essentiellement destinée à faire obstacle à toute tentative du chef de famille de faire sortir les biens de la famille. Le caractère rigidement clos de l'institution du bien de famille ne lui a jamais permis de trouver sa place dans l'organisation du droit français, qui ne reconnaît la détention d'un patrimoine qu'aux sujets de droit que sont les personnes physiques et les personnes morales. La famille ne constitue pas une personne morale et même la loi du 12 juillet 1909 ne lui donne pas cette qualité. Pour cette raison, l'institution du bien de famille est rapidement tombée en désuétude. Le second aspect négatif de la législation sur le bien de famille est de tendre à créer une situation malthusienne dans la mesure où le fonds familial, ne pouvant servir de garantie à son propre développement, se trouve conduit à la stagnation. Le plafonnement de la valeur maximale du bien susceptible d'être constitué en bien de famille produit la même conséquence : les titulaires d'un bien de famille ne sont pas incités à mettre en valeur ce bien en particulier pour éviter qu'il perde son caractère familial résultant d'une plus-value trop forte qui porterait sa valeur au-dessus du plafond légal. Après avoir exactement pris en compte l'inadaptation de l'institution du bien de famille, la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique a préféré créer la déclaration d'insaisissabilité de la résidence principale de l'entrepreneur individuel par un acte authentique si tel est son souhait. Ce dispositif a répondu à l'objectif de protéger l'habitation du chef d'entreprise et de sa famille contre les aléas de l'activité économique et les risques financiers liés à l'esprit d'entreprendre. Le dispositif, qui ne repose pas sur une valeur plafond du local d'habitation, demeure suffisamment souple puisque le propriétaire du bien immobilier peut lever l'insaisissabilité aisément s'il doit donner sur ce bien des garanties à ses créanciers professionnels. La facilité de la mise en oeuvre de la protection de la résidence principale prévue par la loi du 1er août 2003, qui requiert une seule déclaration devant notaire d'un coût modique, sans modifier la situation patrimoniale du bien, lequel relève toujours de son propriétaire sans dessaisissement en faveur d'une entité familiale mal définie et susceptible d'être le centre de conflits d'intérêts soumis à l'arbitrage du juge des tutelles, a, pour ces raisons, semblé préférable à la revitalisation de l'ancienne institution du bien de famille résultant de la loi du 12 juillet 1909.

Données clés

Auteur : M. Yves Bur

Type de question : Question écrite

Rubrique : Saisies et sûretés

Ministère interrogé : PME, commerce, artisanat et professions libérales

Ministère répondant : PME, commerce, artisanat et professions libérales

Dates :
Question publiée le 27 juin 2006
Réponse publiée le 15 août 2006

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