Question écrite n° 98331 :
entreprises en difficulté

12e Législature

Question de : M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Lozère (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales sur l'augmentation des défaillances d'entreprises. Le nombre de défaillances d'entreprises constatées en 2005 (41 793) a augmenté de 2,3 % par rapport à 2004, selon les chiffres publiés le 23 mai dernier par l'INSEE. Cette hausse s'observe surtout dans la construction (+ 4,5 %), le commerce (+ 3,9 %) et les services aux particuliers (+ 3,2 %). Il souhaiterait connaître les facteurs d'explication de ce phénomène.

Réponse publiée le 21 novembre 2006

Tout d'abord, il convient de préciser que la défaillance, définie comme la déclaration de dépôt de bilan par le chef d'entreprise devant le tribunal, n'entraîne pas nécessairement la disparition de l'entreprise concernée, puisque la procédure ouverte peut aboutir, dans 10 % des cas, à un redressement judiciaire dont l'objectif est de pérenniser l'entreprise, dans la mesure du possible. Par ailleurs, ce sont les PME qui constituent la grande majorité des entreprises défaillantes. Leur défaillance s'explique principalement par des difficultés financières (poids de l'endettement, déficit de ressources propres). Cet état de fait a été depuis longtemps identifié et des réponses ont été apportées au cours des dernières années dans quatre directions. L'amélioration du financement des entreprises. La loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique consacre un chapitre entier à l'amélioration du financement des entreprises. Plusieurs mesures ont été mises en place, au premier rang desquelles la création des fonds d'investissements de proximité (FIP). Cette nouvelle catégorie de fonds communs de placement (FCP) bénéficie d'un important avantage fiscal pouvant aller jusqu'à une réduction d'impôt de 25 % du montant de l'investissement dans la limite d'un plafond donné. Les FIP ont connu un développement rapide, comparable au lancement des fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) en 1997-1998 : 23 FIP ont ainsi collecté plus de 100 MEUR en 2003-2004. Ces fonds jouent bien leur rôle d'investisseur régional de proximité. Toutes les régions, sauf une, sont dorénavant couvertes par au moins un FIP. L'année 2005 a vu la montée en puissance des investissements dans des sociétés non cotées. À la fin de l'année 2005, plus de cinquante opérations ont été réalisées qui ont permis de collecter plus de 200 MEUR. Les trois quarts des montants investis et 61 % du nombre total d'opérations concernent des transmissions, ce qui prouve que les FIP constituent un outil adapté à cette situation. La loi de finances pour 2006 a choisi de pérenniser cette source de financement pour les entreprises, en prorogeant le dispositif jusqu'en 2010. De même, afin d'accroître les investissements directs en fonds propres des particuliers dans des sociétés non cotées, la loi pour l'initiative économique a considérablement accru l'avantage fiscal prévu par la « loi Madelin » de 1994 en triplant le plafond de la réduction d'impôt. Grâce à cette amélioration, le nombre de bénéficiaires continue de croître. 69 946 déclarants en avaient bénéficié en 2003, 88 675 en 2004 et 94 000 en 2005. La loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a poursuivi cet effort en achevant de supprimer toutes les sanctions pénales en cas de prêts à taux usuraire. Cette mesure, initiée par la loi pour l'initiative économique au seul profit des entrepreneurs individuels, a été étendue à toutes les entreprises. La Banque de France devrait, dans son rapport au Parlement qui sera rendu avant le 31 décembre 2006, analyser l'impact de la suppression de la notion de taux d'usure sur les modalités de financement des PME. 2. L'anticipation et la prévention des risques de défaillance. La loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, applicable depuis le 1er janvier 2006, favorise d'une manière générale la prévention des difficultés des entreprises, partant du constat qu'il est plus facile de permettre à une entreprise de se redresser lorsque les mesures nécessaires sont anticipées (70 % de réussite contre moins de 10 % dans le cadre des procédures judiciaires antérieures). C'est ainsi que sont renforcées les possibilités de détection des difficultés des entreprises au niveau des moyens de surveillance du président du tribunal de commerce et de l'obligation de dépôt des comptes au greffe du tribunal. Par ailleurs, cette loi met également l'accent sur la prévention au niveau des procédures. Certaines, tel le mandat ad hoc, ne sont pas remises en cause, tandis que d'autres sont améliorées, comme la procédure de conciliation ou encore créées comme la procédure de sauvegarde. Une procédure de conciliation est ouverte au chef d'entreprise qui rencontre des difficultés ou qui se trouve en cessation de paiements depuis moins d'un mois. Un conciliateur est nommé pour rechercher avec les créanciers un accord assurant la pérennité de l'entreprise. Dans le cadre de cette procédure, les créanciers sociaux pourront, sous certaines conditions, accorder des remises de créances, concomitamment aux remises accordées par les créanciers privés. Une procédure de sauvegarde est également instaurée, inspirée de la législation américaine dite du « chapter eleven ». Cette procédure permet au chef d'entreprise, qui rencontre des difficultés sans être en cessation de paiements de se mettre sous la protection de la justice et d'obtenir du tribunal un plan de sauvegarde incluant des délais de paiement, voire des remises portant sur les créances privées et publiques. L'article 10 de la loi pour l'initiative économique a étendu les missions des groupements de prévention agréés (GPA) dont le rôle est de relever et détecter les difficultés rencontrées par leurs adhérents chefs d'entreprise. Ces GPA doivent fournir à leurs adhérents de (façon confidentielle) une analyse des informations économiques, comptables et financières (et non plus seulement comptables et financières) que ceux-ci s'engagent à leur transmettre régulièrement. Depuis la loi pour l'initiative économique, toutes les entreprises immatriculées au registre du commerce et des sociétés (RCS) ou au répertoire des métiers (RM) (sous forme sociale ou non) peuvent adhérer aux GPA. Enfin, les articles 8 et 9 de la loi en faveur des PME confient aux organismes agréés (centres de gestion et associations agréés) une mission de prévention des difficultés économiques et financières en sus de leur mission traditionnelle de prévention fiscale. Tous ces organismes devraient contribuer à encourager les PME à adopter une démarche préventive et éviter ainsi les dépôts de bilan. La limitation des risques pris par l'entrepreneur : la loi pour l'initiative économique a introduit pour l'entreprise individuelle, exploitée en nom propre, la possibilité de déclarer par acte notarié l'insaisissabilité de la résidence principale du chef d'entreprise au titre des engagements contractés postérieurement à la date de la déclaration pour le fonctionnement de l'entreprise. Mais la constitution de l'entreprise sous une forme sociale est encouragée comme dispositif destiné à séparer le patrimoine privé et le patrimoine professionnel. Ainsi, la constitution d'une SARL est-elle facilitée par la suppression du capital social minimum. En outre, la loi en faveur des PME a simplifié le fonctionnement de la SARL « à associé unique » afin de rendre ce statut plus attractif pour les créateurs de TPE. Lorsque la SARL est constituée par un associé unique exerçant directement la gérance de la société, la loi a supprimé et remplacé l'approbation des comptes annuels rapportée dans le registre des décisions par la seule signature de l'associé unique et par le dépôt des comptes au greffe du tribunal de commerce. Enfin, des statuts types pour la SARL « à associé unique » ont été définis afin de faciliter le recours à cette forme de société. L'accompagnement des premières années des entreprises : la loi pour l'initiative économique a créé le contrat d'appui au projet d'entreprise (CAPE). Un contrat d'appui à la création d'une activité économique peut être conclu, pour trois ans au maximum, entre une entreprise et un salarié (à temps partiel) créateur ou repreneur d'une entreprise. Inspiré notamment des couveuses d'entreprises, le dispositif consiste pour l'accompagnateur à fournir une aide particulière et continue dans le cadre d'un programme de préparation à la création. Un salarié ayant deux ans d'ancienneté peut bénéficier d'un passage temporaire à temps partiel pour création ou reprise d'entreprise pendant une période d'un an renouvelable une fois. Le départ peut être différé par l'employeur dans la limite de six mois. Toutefois, dans les entreprises de moins de 200 salariés, l'employeur peut opposer son refus en cas de « conséquences préjudiciables à la production et à la marche de l'entreprise ». Dans les autres entreprises, le bénéfice du temps partiel peut être différé tant qu'il concerne déjà plus de 2 % de l'effectif. La clause d'exclusivité figurant au contrat de travail - exceptée celle visant les VRP - ne peut être opposée à un salarié créateur d'entreprise. Les bénéficiaires de ce contrat sont affiliés à l'assurance chômage et au régime général de sécurité sociale. L'ensemble de ces mesures a contribué au ralentissement en 2004 et en 2005 de la hausse des défaillances, constatée sur les années 2002 et 2003 (cf. tableau I). Enfin, en comparant les dynamiques d'évolution des défaillances et des créations d'entreprises nouvelles (cf. tableau I), il apparaît que le renouvellement de l'appareil productif a une meilleure tenue que pourrait le laisser penser l'examen isolé des données brutes des défaillances. Les défaillances progressent globalement moins vite que les créations au cours des dernières années une augmentation forte du nombre net d'entreprises pérennes a été enregistrée. Ceci s'observe également (cf tableau II) en analysant le taux de défaillances (nombre de défaillances/nombre d'entreprises existantes) et le taux de créations (nombre de naissances/nombre d'entreprises existantes) : au cours des six dernières années, de façon tendancielle le taux de créations progresse, tandis que le taux de défaillances stagne, et ce quel que soit le secteur concerné. À titre de précision, ces deux taux sont indiqués par secteur d'activité.


Tableau I : évolution comparée des naissances d'entreprises et des défaillances
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Naissances d'entreprises 166 174 169 659 176 754 177 029 177 995 199 290 223 929 224 829
Taux de croissance (%) - 0,4 2,1 4,2 0,2 0,5 12,0 12,4 0,4
Défaillances 44 871 40 746 37 052 36 625 38 030 39 745 40 868 41 612
Taux de croissance (%) - 13,2 - 9,2 - 9,1 - 1,2 3,8 4,5 2,8 1,8
Naissances - défaillances 121 303 128 913 139 702 140 404 139 965 159 545 183 061 183 217

Tableau II : taux de défaillances et taux de créations (%)
2000 2001 2002 2003 2004 2005
Taux de défaillance
Niveau national 1,6 1,5 1,5 1,6 1,6 1,6
Construction 2,4 2,4 2,6 2,7 2,8 2,8
Commerce 1,7 1,6 1,6 1,6 1,7 1,7
Services aux particuliers 1,6 1,5 1,5 1,5 1,6 1,6
Taux de création
Niveau national 7,4 7,3 7,2 7,9 8,7 8,6
Construction 9,1 8,9 8,3 9,3 11,1 11,0
Commerce 7,1 6,9 7,1 8,2 9,1 8,7
Services aux particuliers 5,7 5,7 5,9 6,4 6,6 6,5

Données clés

Auteur : M. Pierre Morel-A-L'Huissier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Entreprises

Ministère interrogé : PME, commerce, artisanat et professions libérales

Ministère répondant : PME, commerce, artisanat et professions libérales

Dates :
Question publiée le 27 juin 2006
Réponse publiée le 21 novembre 2006

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