détenus
Question de :
Mme Christine Boutin
Yvelines (10e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 11 décembre 2003
SUICIDES DANS LES PRISONS
M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin, pour le groupe UMP.
M. Christine Boutin. Monsieur le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice, ma question est relative au suicide dans les prisons.
En quinze ans, plus de 1 600 détenus ont mis fin à leurs jours. Ce fut le cas de 118 en 2002 et de 115 depuis le début de cette année. Ces chiffres sont plus qu'alarmants : ils sont inacceptables. On se suicide sept fois plus en prison qu'au dehors, ce qui est sans doute le symptôme d'un trop grand décalage entre la vie carcérale et la vie libre. C'est aussi la manifestation combinée du mal-être de la personne détenue et d'une certaine inadéquation de l'organisation et des pratiques de l'institution pénitentiaire.
Le dépistage et la prévention des comportements suicidaires en prison doivent donc devenir une priorité, dans l'intérêt des détenus et de leurs familles. En septembre 2002, j'avais moi-même demandé la création d'une commission d'enquête à ce sujet.
Ce matin, monsieur le ministre, M. Terra vous a remis le rapport sur le suicide dans les prisons que vous lui aviez demandé. J'avais eu l'occasion de l'auditionner dans le cadre du travail que le Premier ministre m'avait confié sur la cohésion sociale et l'isolement. C'est un homme de qualité. Pouvez-vous nous préciser les recommandations de ce rapport et les suites que vous comptez leur donner ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice.
M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Madame Boutin, vous avez raison de souligner combien le suicide est un drame épouvantable où qu'il se produise, et donc aussi en prison. Ce drame épouvantable pour les proches, pour la famille, est également un échec terrible pour l'institution pénitentiaire. Aussi le garde des sceaux et moi-même avons souhaité engager une lutte très active contre ce qui apparaissait à certains comme une fatalité.
Vous avez noté la surmortalité par le suicide qui existe en prison. Mais permettez-moi de rappeler que le suicide s'accroît globalement dans notre pays puisque les chiffres ont augmenté de 50 % en vingt ans. En vingt ans également, nous sommes arrivés à plus de cent suicides par an en prison, chiffre qui nous interpelle.
Il est vrai aussi que, malgré tous les mérites de notre institution pénitentiaire, la France obtient à cet égard de moins bons résultats que d'autres pays, puisque le taux de suicide en prison est deux fois moindre en Grande-Bretagne et quatre fois moindre en Espagne, ce qui montre bien que l'on peut lutter contre cette prétendue fatalité.
Méfions-nous cependant des idées reçues. Par exemple, la surpopulation carcérale n'induit pas le suicide puisque, de 2002 à 2003, on constate une baisse du taux des suicides alors que la surpopulation n'a pas diminué. De même, le suicide n'a pas pour origine la surpopulation dans la cellule. Au contraire, 50 % des détenus qui se suicident occupent seuls une cellule et 50 % de ceux qui se suicident dans des cellules qu'ils partagent avec des codétenus le font en leur absence.
Le rapport Terra, qui nous a été rendu ce matin, sera mis en application sans barguigner. Il prévoit la formation des surveillants, point essentiel ; nous allons l'engager. Il prévoit d'améliorer la connaissance des troubles mentaux en prison, notamment grâce à une étude épidémiologique ; nous allons l'entreprendre. Il prévoit un meilleur accompagnement psychologique des codétenus et des familles ; nous allons l'organiser.
M. le président. Merci, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Il prévoit enfin la réduction de l'accès des détenus aux moyens du suicide ; nous y veillerons dans les prochains programmes de construction. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Auteur : Mme Christine Boutin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Système pénitentiaire
Ministère interrogé : programmes immobiliers de la justice
Ministère répondant : programmes immobiliers de la justice
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 11 décembre 2003