Question au Gouvernement n° 1109 :
politique de l'emploi

12e Législature

Question de : M. André Chassaigne
Puy-de-Dôme (5e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains

Question posée en séance, et publiée le 28 janvier 2004

PRÉCARISATION DE L'EMPLOI

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
M. André Chassaigne. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le Gouvernement a lancé, à grand renfort de communication, une mobilisation en faveur de l'emploi. Mais que cache réellement ce nouvel engouement ?
La base de discussion de ce projet de loi est le rapport sur la réforme du droit du travail commis par M. Virville. Ce « docteur en innovation sociale », directeur des ressources humaines à Renault, a pourtant vu sa gestion récemment condamnée par la justice pour recours abusif à l'emploi précaire et à l'intérim.
Il propose maintenant, sous les applaudissements du MEDEF (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), de créer des « super-CDD », des emplois jetables pour les cadres, en modifiant les lois de la République.
En transformant cadres et techniciens en intermittents, on cherche évidemment à faire sauter toutes les garanties collectives existantes et à diminuer les salaires.
M. Virville préconise aussi de légaliser les prêts de main-d'oeuvre entre patrons et de réduire les prérogatives des institutions représentatives des salariés, en particulier des comités d'entreprise. Personne au Gouvernement n'a condamné ce rapport et c'est certainement aussi au nom de la revalorisation de la valeur travail que le Gouvernement a accueilli favorablement l'offre publique d'achat et d'échange lancée par Sanofi-Synthélabo sur Avantis. Pourtant, le chiffre de 12 000 destructions d'emplois est déjà avancé et de nouvelles fermetures de sites seront au menu de ce Monopoly géant orchestré par les marchés financiers.
Ainsi, en quelques jours, entre le rapport Virville et l'annonce de cette OPA-OPE, nous voyons défiler toute l'absurdité du monde capitaliste et de la mondialisation financière. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Lucien Degauchy. Changez de disque !
M. André Chassaigne. Monsieur le Premier ministre, accepterez-vous enfin de remettre en cause cette logique qui anime aujourd'hui votre Gouvernement ? Allez-vous revenir sur votre projet d'ouvrir dans notre pays l'ère de la précarité généralisée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, depuis près de vingt ans, notre pays enregistre de mauvais résultats en matière d'emploi. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Depuis près de vingt ans en effet, quels qu'aient été les taux de croissance, quelles qu'aient été les politiques de l'emploi, quelles qu'aient été les politiques économiques (« Non ! » sur les mêmes bancs) - cela ne sert à rien de le dénier ! -, le taux de chômage français est resté supérieur de 1,5 point à la moyenne des pays européens...
M. Bernard Roman. Mensonge !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et supérieur de trois à quatre points à celui des meilleurs des Quinze. (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Les causes de cette situation sont assez bien connues. Il y a d'abord les insuffisances de notre système de formation.
M. François Hollande. Non, les vôtres !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous avons commencé à y répondre avec la traduction législative de l'accord interprofessionnel sur la formation tout au long de la vie et nous allons continuer avec la mise en place de la deuxième chance.
Mais il y a aussi la complexité et la rigidité du code du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Il est vrai que pendant les très longues années où la gauche était au pouvoir elle a largement contribué à le rigidifier et à le complexifier (Mêmes mouvements), augmentant, de ce fait, la précarité et l'insécurité aux marges du code. C'est particulièrement au cours des dernières années, en effet, que le recours à l'intérim et aux CDD a explosé dans notre pays.
Nous avons décidé, pour notre part, de lever ces freins à la création d'emplois. A cette fin, nous avons engagé avec les partenaires sociaux une concertation organisée en trois groupes de travail qui se réuniront en février et en mars, respectivement consacrés à l'emploi des jeunes, à la modernisation du code du travail et à celle du service public de l'emploi.
Dans ce cadre prend place, en effet, le contrat de projet, qui n'a rien à voir avec la description que vous en faites, comme le montre le rapport Virville, que je vous remettrai à l'issue de cette séance pour que vous puissiez le lire. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
M. François Hollande. Boutiquier !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce contrat concerne des missions d'experts, dévolues à des cadres de très haut niveau. Il est surtout encadré par des accords de branche beaucoup plus démocratiques que par le passé, puisque, grâce à la loi votée par le Parlement, il s'agira désormais d'accords majoritaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Daniel Paul. Non !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce contrat de projet figurait déjà, d'ailleurs, dans un accord conclu par les partenaires sociaux en 2000, qui n'a pas paru beaucoup vous émouvoir à l'époque.
Pour le reste, nous allons poursuivre notre effort avec un seul objectif :...
M. Bernard Roman. Soigner le MEDEF !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... juger chacune des propositions, y compris les vôtres, à l'aune du seul critère de l'efficacité en matière d'emploi. Les Français verront alors l'abîme qui sépare les outrances de la gauche (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) du sens des responsabilités et de l'ouverture d'esprit des partenaires sociaux qui s'engagent dans cette discussion. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Vives protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. André Chassaigne

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Emploi

Ministère interrogé : affaires sociales, travail et solidarité

Ministère répondant : affaires sociales, travail et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 janvier 2004

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