Question au Gouvernement n° 1118 :
politique de la recherche

12e Législature

Question de : M. Dominique Strauss-Kahn
Val-d'Oise (8e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 29 janvier 2004

POLITIQUE DE LA RECHERCHE

M. le président. La parole est à M. Dominique Strauss-Kahn.
M. Dominique Strauss-Kahn. Monsieur le Premier ministre, l'avenir de notre pays et sans doute l'avenir de toute l'Europe reposent sur les secteurs de pointe, producteurs de haute valeur ajoutée. C'est le sens de la politique que tous les gouvernements ont suivie. C'est le sens de la stratégie affichée par votre gouvernement.
Pourtant, les Français se rendent bien compte aujourd'hui de la distance entre les fleurs de rhétorique qui parsèment vos discours sur la recherche ou ceux de vos ministres et la réalité de la politique que vous conduisez.
Des dizaines de milliers de chercheurs ont signé une pétition pour dire qu'ils ne pouvaient pas continuer à travailler comme ils le font. Plus de la moitié des directeurs de recherche de l'INSERM et plus du tiers des directeurs de laboratoire du CNRS menacent de démissionner si leurs conditions de travail ne changent pas.
Alors, ne dites pas, monsieur le Premier ministre : « La recherche publique fait son devoir, le Gouvernement fait ce qu'il peut. » C'est vrai qu'il y a des domaines comme l'espace ou l'aéronautique où la recherche publique française est puissante, mais, dans bien d'autres, par ailleurs, comme les sciences du vivant, véritables sciences de demain, nous ne sommes pas présents.
Plus encore, l'affichage des crédits est une chose, la réalité des laboratoires en est une autre. Certains crédits de 2002 n'ont pas encore été affectés. Vous entendez bien, chers collègues, « 2002 » pas 2003 !
M. Lucien Degauchy. Qu'avez-vous fait ?
M. Dominique Strauss-Kahn. Ne dites pas : « Le secteur privé ne fait pas assez de recherche. » C'est vrai, mais vous savez bien qu'il n'en fait que si on l'y incite. Aujourd'hui, si Motorola investit 2 milliards de dollars dans les nanotechnologies à Grenoble, c'est que depuis plusieurs années, presque une décennie, les pouvoirs publics y ont créé un pôle spécialisé qui fait figure de modèle en Europe. Il en va de même pour le Génopole d'Evry. Quand ces deux centres ont été soutenus par votre prédécesseur, il menait là une véritable politique de la recherche.
Ne dites pas : « C'est vrai, le gouvernement de Lionel Jospin a beaucoup fait pour la recherche (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) mais il y avait la croissance. » Aujourd'hui, la croissance, mes chers collègues, elle est partout : aux Etats-Unis, en Asie. Les prévisions situent le taux de croissance mondial pour 2004 à 4 %, un niveau jamais atteint depuis des années. L'argument éculé, que vous utilisez depuis deux ans, selon lequel la conjoncture économique vous empêche d'agir ne tient plus !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !
M. Dominique Strauss-Kahn. C'est votre politique, ce sont vos choix qui sont en cause ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Monsieur Strauss-Kahn, veuillez poser votre question, s'il vous plaît.
M. Dominique Strauss-Kahn. Je vais le faire, monsieur le président.
Les revendications des chercheurs sont raisonnables : payer ce qui est dû au titre de l'année 2002 et embaucher quelques jeunes chercheurs. Il ne s'agit pas de créer des postes mais simplement de compenser une partie des départs.
M. le président. Monsieur Strauss-Kahn, votre question !
M. Dominique Strauss-Kahn. C'est une simple demande, monsieur le président. Je voudrais que M. le Premier ministre écoute Pierre Mendès France qui disait que la République a besoin de savants. Je voudrais qu'il change de politique et qu'il rende un avenir à la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur Strauss-Kahn, je suis ravie du regain d'intérêt qu'un économiste comme vous manifeste pour la recherche et tout particulièrement pour la recherche fondamentale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est avec beaucoup d'attention que j'ai lu votre récent article et écouté vos propos. Vous êtes inquiet. Moi aussi, je suis inquiète : je suis autant concernée que chacun des 30 000 chercheurs signataires de la pétition.
Mais comment pouvez-vous imputer l'état actuel de notre système de recherche à notre seule action ?
Les discordances que vous mentionnez entre nos engagements et ce qui se passe dans les laboratoires me préoccupent tout comme vous. Avec M. le Premier ministre et M. Mer, nous avons décidé de mettre en place une mission, en toute transparence, pour examiner les chiffres et agir très rapidement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est un point important que de travailler à la transparence des chiffres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous citez le chiffre de 2,2 % du PIB en guise de bilan de notre gouvernement. Je rappelle que c'est un chiffre de 2002, celui de votre budget ! (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
En 1996, les dépenses de recherche représentaient 2,3 % du PIB ; entre 1997 et 2001, elles sont descendues à 2,2 %. La dépense publique n'a donc pas augmenté pendant que vous étiez au gouvernement.
Mme Sylvia Bassot. Alors !
M. Didier Migaud. Et aujourd'hui ?
Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. L'ambition n'était pas particulièrement visible, mais, monsieur Strauss-Kahn, cessons ce débat stérile sur le passé.
Mme Martine David. C'est vous qui l'avez ouvert !
Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. C'est aussi votre passé.
Ce qui compte, c'est l'avenir. Vous le savez mieux que personne, le dynamisme de la recherche, les carrières de nos chercheurs, en particulier les plus jeunes, renvoient à une politique globale, de droite comme de gauche, une politique d'intérêt national qui se doit d'allier excellence de la recherche fondamentale, dynamisme des entreprises et attractivité du territoire.
M. Jean-Claude Lenoir. Exactement !
Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Les atouts de notre système, nous voulons les mettre au service d'une recherche réactive grâce à des projets. Et nous en avons qui sont en route : le plan cancer, Soleil, ITER, pour lequel nous nous battons, et d'autres grands projets technologiques et scientifiques.
Les incitations fiscales pour les entreprises, dont vous parlez, nous, nous les avons mises en oeuvre en 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je ne reviens pas au fort investissement en matière de recherche aux Etats-Unis. Pour notre part, nous utilisons pour la première fois les fonds de privatisation pour investir dans la recherche et cet effort sera poursuivi.
Les appels d'offres compliqués, les lourdeurs administratives font partie d'un dispositif que nous avons trouvé à notre arrivée, ce n'est pas nous qui l'avons conçu. Et nous voulons le réformer.
La polémique n'est plus de mise, je crois. Le débat est ouvert, avec tous les chercheurs, avec leurs représentants syndicaux, avec la représentation nationale dans tout son ensemble. Il est essentiel pour préparer la loi d'orientation.
Vous voulez y participer, monsieur Strauss-Kahn : j'attends vos propositions concrètes et je vous demande qu'elles soient ambitieuses ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : M. Dominique Strauss-Kahn

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Recherche

Ministère interrogé : recherche

Ministère répondant : recherche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 janvier 2004

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