tribunaux correctionnels
Question de :
M. Arnaud Montebourg
Saône-et-Loire (6e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 4 février 2004
INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE
M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le groupe socialiste. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Arnaud Montebourg. Monsieur le Premier ministre, par vos déclarations solennelles, lancées depuis l'Hôtel-Matignon, vous avez bel et bien mis en cause la décision rendue par les magistrats de Nanterre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
M. Richard Mallié. Quel culot !
M. Arnaud Montebourg. ... lesquels se sont pourtant contentés d'appliquer la loi, rien que la loi, la même pour tous.
Les mêmes magistrats de Nanterre se sont plaints par ailleurs d'espionnage informatique et téléphonique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Face à ces atteintes graves et illégales à l'indépendance de la justice, nous nous étonnons ici, tous ensemble (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) que le Conseil supérieur de la magistrature, ...
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Un ramassis de gauchistes !
M. Arnaud Montebourg. ..., seule autorité garantissant constitutionnellement l'indépendance des juges, n'ait pas été saisi par le Président de la République : beaucoup d'autres autorités ont été saisies, mais pas le Conseil supérieur de la magistrature. Une commission a même été constituée de toutes pièces par l'Elysée...
M. Lucien Degauchy. Provocateur !
M. Arnaud Montebourg. ... mais elle est dirigée par un haut fonctionnaire placé sous votre autorité.
M. Richard Mallié. Provocateur !
M. Arnaud Montebourg. Une mission d'information parlementaire a bien été constituée, mais elle est dirigée par l'un de vos amis.
M. Yves Fromion. Et alors ?
M. Arnaud Montebourg. En vérité il s'agit de manoeuvres destinées à discréditer les magistrats de Nanterre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Richard Mallié. C'est scandaleux !
M. Arnaud Montebourg. Ces multiples enquêtes sur mesure (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) serviront à engager le combat contre des juges indépendants qui vous déplaisent, monsieur le Premier ministre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Marsaudon. Scandaleux !
M. Arnaud Montebourg. Alors, monsieur le Premier ministre, expliquez-nous donc pourquoi le Conseil supérieur de la magistrature n'est pas saisi ? Qu'avez-vous donc à en craindre, si ce n'est son indépendance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Merci, monsieur Montebourg. Je regrette simplement que vous mettiez en cause mon impartialité ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je regrette les nombreuses approximations que je viens d'entendre, dans un domaine, celui du droit, qui exige un minimum de précision.
De quoi s'agit-il ?
M. Noël Mamère. De sauver Chirac !
M. Augustin Bonrepaux. Répondez !
M. le garde des sceaux. Je ne réponds pas à de telles injonctions, monsieur le député ; je réponds à la question d'un parlementaire de la République. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Samedi matin, la presse a fait état de déclarations laissant entendre que les magistrats du tribunal de Nanterre auraient subi certaines pressions. J'ai donc décidé, dans la matinée de samedi, de demander au procureur d'ouvrir une information, afin qu'un juge d'instruction puisse être saisi de l'aspect pénal de cette affaire.
M. Charles Cova. Très bien !
M. le garde des sceaux. Au cours du week-end, le Gouvernement, sur instruction du Président de la République, garant de l'indépendance de la justice (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
C'est la Constitution, vous ne l'ignorez pas, je pense !
M. Albert Facon. La Constitution dit qu'il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature !
M. le garde des sceaux. Le Gouvernement, disais-je, a confié à trois hauts magistrats - le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes -...
M. Arnaud Montebourg. Et le Conseil supérieur de la magistrature ?
M. le garde des sceaux. ... le soin de mener une enquête administrative, qui est indispensable. En effet - et vous devriez le savoir, monsieur Montebourg, vous qui avez été avocat (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) -, le pénal ne couvre pas l'ensemble du champ de ce qui doit être investigué. Des questions peuvent se poser en termes de fonctionnement administratif.
Par ailleurs, pour répondre complètement à votre question - et j'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec les responsables du Conseil supérieur de la magistrature -, le Président de la République a indiqué par écrit, à chacun de ses membres, que la commission d'enquête administrative, présidée dans les conditions que je viens de rappeler, tiendra le Conseil supérieur de la magistrature informé au fur et à mesure de l'avancement de l'enquête (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
M. le président. Ecoutez la réponse du ministre !
M. le garde des sceaux. ... qui dépasse les compétences de ce dernier. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Votre nervosité illustre assez bien votre embarras, monsieur Montebourg. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Arnaud Montebourg. Vous n'êtes pas sérieux !
M. le garde des sceaux. Enfin, si l'enquête en démontre la nécessité, le Président de la République saisira le Conseil supérieur de la magistrature, au titre de l'article 64 de la Constitution.
M. Jean-Marc Ayrault. Voilà !
M. le garde des sceaux. Telles sont les indications que je voulais donner, monsieur Montebourg, pour votre complète information. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Auteur : M. Arnaud Montebourg
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 février 2004