procédure pénale
Question de :
M. André Vallini
Isère (9e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 11 février 2004
PROJET DE LOI PERBEN
M. le président. La parole est à M. André Vallini, pour le groupe socialiste.
M. André Vallini. Monsieur le garde des sceaux, dans un État démocratique, le droit légitime, que personne ne conteste, de tous à la sécurité doit être concilié avec le droit de chacun à la sûreté, c'est-à-dire le droit de n'être ni poursuivi, ni arrêté, ni détenu, ni condamné arbitrairement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Guy Teissier. Démago !
M. André Vallini. Cette règle est énoncée dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. C'est pourtant elle, monsieur le garde des sceaux, que votre projet de loi s'apprête à remettre en question. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Depuis des mois, dans cette enceinte comme au Sénat, nous dénonçons votre texte, ses dérives, ses dangers. Aujourd'hui, la mobilisation est d'une ampleur sans précédent.
M. Guy Teissier. Tu parles !
M. André Vallini. Demain, tous les barreaux de France seront en grève et cent quatre-vingt bâtonniers de France seront à midi devant les portes du Palais-Bourbon.
Monsieur le ministre, si les avocats et toutes leurs organisations, si les magistrats et tous leurs syndicats, si les associations de droits de l'homme unanimes sont dressés contre votre projet de loi, c'est que celui-ci va instaurer dans notre pays un état d'exception permanent doublé d'une justice à l'américaine qui sera dure avec les faibles et conciliante avec les puissants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Guy Teissier. Scandaleux !
M. André Vallini. Il aggravera, de surcroît, la situation dans nos prisons, dont nous devrions tous savoir ici qu'elle est indigne d'un pays civilisé.
Monsieur le ministre, quand les droits de la défense sont attaqués, quand la protection du citoyen contre l'arbitraire est menacée, quand l'égalité de tous devant la justice est bafouée, ce sont les principes mêmes de notre République qui sont remis en cause.
Monsieur le ministre, sans attendre l'annulation éventuelle de votre texte par le Conseil constitutionnel, que nous saisirons, sans attendre la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme, retirez votre texte ! Nous vous le demandons solennellement, au-delà de toute polémique, car il n'est pas trop tard. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Mesdames, messieurs les députés du groupe socialiste, décidément vous ne comprendrez jamais le dossier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Vous avez tort d'utiliser ce discours grandiloquent, alors qu'il n'est pas adapté. Vous commettez une erreur politique car, vous le savez très bien, mon texte répond à deux nécessités. Premièrement, lutter avec des armes efficaces contre la criminalité organisée internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Quels sont les crimes et délits visés dans mon texte de loi ?
M. François Hollande. Ça n'a rien à voir !
Mme Martine David. Ce n'est pas la question !
M. le garde des sceaux. Le meurtre en bande organisée, la torture et les actes de barbarie en bande organisée, le trafic de stupéfiants, les enlèvements et séquestrations, la traite des êtres humains, le proxénétisme aggravé, les vols commis en bande organisée, c'est-à-dire avec port d'arme, prise d'otages, blessures ou homicide.
M. Arnaud Montebourg. Vous avez oublié la corruption !
M. le garde des sceaux. Pour lutter contre ces crimes, la justice française doit se donner les moyens d'enquête nécessaires, comme celle de toutes les démocraties européennes. Et pour ce faire, monsieur Vallini, vous qui êtes juriste, vous savez que le texte précise clairement que l'ensemble de ces moyens exceptionnels d'enquête sont sous le contrôle du juge.
Deuxièmement, le texte répond au scandale du non-traitement dans des délais raisonnables du très grand nombre de dossiers pénaux en attente. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Monsieur Vallini, considérez-vous comme acceptables ces après-midi, ces soirées au tribunal correctionnel où, après huit ou douze mois d'attente, un dossier est traité en trois minutes ? C'est ce que j'appelle la justice d'abattage. C'est cela que je veux supprimer. C'est pourquoi je prévois le « plaider-coupable » qui permettra, dans un dialogue équilibré entre l'avocat et le procureur, puis l'avocat et le juge, de traiter, avec humanité, clarté et dans des délais raisonnables, ces nombreux dossiers qui aujourd'hui sont maltraités.
Tels sont les deux objectifs du texte, et vous devriez les partager ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. André Vallini
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Droit pénal
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 février 2004