Question au Gouvernement n° 1289 :
politique de l'éducation

12e Législature

Question de : M. Jean Glavany
Hautes-Pyrénées (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 29 avril 2004

LAÏCITÉ

M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste.
M. Jean Glavany. Nous sommes ici, monsieur le Premier ministre, dans le cadre d'un échange républicain qui doit être courtois. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour ma part, j'entends m'y tenir.
Plutôt que de présenter la gauche comme le parti de l'étranger ou le parti de la paresse...
M. Jean Marsaudon. Il n'a pas dit cela !
M. Jean Glavany. ... vous feriez mieux d'écouter le message des Français, qui ont, il y a quelques semaines, me semble-t-il, condamné les discours excessifs et caricaturaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Et puisque vous tenez tant à comparer les taux de croissance du gouvernement Jospin avec les vôtres, une instance indépendante, j'en suis convaincu, balaierait aisément vos accusations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'en viens à ma question. Le 10 février dernier, nous avons, dans cet hémicycle, adopté à une très large majorité la loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les établissements scolaires.
M. Lucien Degauchy. Vous étiez contre !
M. Jean Glavany. Le débat, auquel les socialistes ont pris part de manière constructive, fut long, riche et très digne.
Cette loi parue au Journal officiel le 17 mars dernier doit entrer en application à la rentrée prochaine, une fois prise la circulaire d'application. Nous l'avons votée au nom de la laïcité, qui ne se résume évidemment pas à ce texte. Nous avons légiféré, d'une part, pour protéger certaines jeunes filles et, d'autre part, pour répondre à la demande unanime de la communauté éducative de pouvoir s'appuyer sur une règle simple, claire, et applicable sans tergiversation ni possibilité d'interprétation.
Or, il y a quelques jours, nous avons été informés d'un projet de circulaire assez ahurissant, qui a fait l'unanimité contre lui. Si nous avons bien compris, une jeune fille portant un bandana devra être interrogée par le proviseur de l'établissement. Si elle le porte à titre religieux, il faudra qu'elle l'enlève ; sinon, elle sera autorisée à le garder ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Je poserai deux questions qui ne sont en rien caricaturales.
Premièrement, n'aurait-il pas été plus simple d'adopter l'amendement proposé par les socialistes visant à interdire le port de « tout signe religieux visible » ?
Plusieurs députés du groupe socialiste. Tout à fait !
M. Jean Glavany. Cette rédaction aurait évité tout problème d'interprétation. De plus, elle était conforme aux conclusions unanimes de la mission d'information présidée par le président de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Deuxièmement, pour que cette circulaire d'application ne trahisse pas la volonté du législateur, ne serait-il pas plus sage de l'associer à sa rédaction, comme les socialistes le demandent depuis plusieurs semaines et comme l'a, du reste, demandé le président de l'Assemblée nationale lui-même ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, l'école de la République ne doit pas être à la merci des querelles religieuses ou ethniques. La liberté des femmes sur le territoire de la République comme l'égalité entre les enfants ne se négocient pas.
C'est dans cet esprit que le Parlement a voté de manière quasi consensuelle...
M. Maxime Gremetz. Non !
M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. J'ai dit « quasi » consensuelle, et je considère, monsieur Glavany, que ce « quasi consensuel » oblige aujourd'hui le Gouvernement.
Le Parlement a voté la loi du 15 mars 2004 qui se fonde sur trois principes : l'interdiction des signes religieux ostensibles ; la procédure de dialogue avant toute sanction ; l'évaluation au bout d'un an.
M. Patrick Lemasle. Le problème, c'est la circulaire !
M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La circulaire d'application de cette loi est en cours de discussion afin de préparer la rentrée scolaire. Je reçois en ce moment même tous les acteurs concernés, au premier rang desquels les représentants des chefs d'établissement qui auront à gérer l'application de cette loi. Naturellement, je suis à la totale disposition du Parlement, et en particulier du président de l'Assemblée nationale, pour examiner le texte de la circulaire avec l'ensemble des groupes parlementaires.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mais, mesdames et messieurs les députés, entre ceux qui disent que nous allons trop loin dans la réglementation et ceux qui pensent que nous n'allons pas assez loin, il faut trouver un équilibre pratique.
M. Christophe Caresche. La loi !
M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cet équilibre ne doit être ni angélique ni arbitraire.
M. Albert Facon. La loi !
M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La loi, en effet, rien que la loi. Il faut la fermeté républicaine sur l'essentiel, à savoir l'interdiction des signes religieux...
M. Jacques Desallangre. Visibles !
M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ... que sont le voile sous toutes ses formes, la kippa ou les croix de grande dimension.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Quelle dimension ?
M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette règle simple et claire s'appliquera partout et pour tous.
En même temps, mesdames et messieurs les députés, cette fermeté sur l'essentiel va de pair avec un certain pragmatisme. Il faut laisser une part de responsabilité aux acteurs de terrain pour faire respecter la règle commune, évaluer et sanctionner ses éventuels contournements.
Monsieur Glavany, la loi du 15 mars ne nous donne pas mandat pour enrégimenter le fonctionnement de milliers d'établissements scolaires. Il ne nous donne pas mandat non plus pour ordonner la vie et les tenues vestimentaires de millions d'élèves.
Mon devoir est de faire respecter les principes de la République, au premier rang desquels celui de la laïcité. A cet égard, l'Assemblée peut compter sur ma détermination. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs du groupe Union pour la démocratie française.)

Données clés

Auteur : M. Jean Glavany

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : éducation nationale

Ministère répondant : éducation nationale

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 avril 2004

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