Question au Gouvernement n° 1298 :
lutte contre le racisme

12e Législature

Question de : M. Jean-Louis Christ
Haut-Rhin (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

Question posée en séance, et publiée le 5 mai 2004

PROFANATION DU CIMETIÈRE JUIF D'HERRLISHEIM

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Christ, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Jean-Louis Christ. Monsieur le Premier ministre, jeudi dernier le cimetière israélite d'Herrlisheim, dans le Haut-Rhin, a été le théâtre d'actes de vandalisme inhumains et révoltants : 127 tombes ont été profanées par des inscriptions pronazies et antisémites. Des symboles particulièrement odieux, tels que des croix gammées, et des slogans nazis ont été tracés à la peinture rouge sur les stèles.
Ces faits à connotation raciale, xénophobe et antisémite sont d'une rare gravité et ont suscité l'indignation de toute la communauté nationale. La venue immédiate sur les lieux de M. le ministre de l'intérieur a permis d'exprimer au nom du Gouvernement l'émotion et la solidarité de la nation à la communauté juive d'Alsace.
A l'heure où la construction européenne franchit une nouvelle étape, nous devons réaffirmer les valeurs essentielles de la République. Nous devons combattre avec la plus grande fermeté ces actes contraires à tous nos idéaux, d'autant plus que des actes de vandalisme tout aussi condamnables ont été commis ces derniers jours dans d'autres cimetières de France.
Monsieur le Premier ministre, notre nation a le devoir de tout mettre en oeuvre pour l'édification d'un monde de respect, de tolérance et de fraternité. Pouvez-vous nous indiquer les mesures que le Gouvernement envisage de prendre afin de combattre avec la plus grande fermeté le racisme et l'antisémitisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Tous, nous avons été profondément choqués par ces actes odieux, inadmissibles en France. Au nom de l'Assemblée nationale dans son ensemble, je tiens à exprimer la profonde émotion avec laquelle nous les avons ressentis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
La parole est à M. le Premier ministre.
M. le Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, ces actes d'antisémitisme et de racisme ont profondément blessé la France. Je le sais, tous, sur les bancs de l'Assemblée, vous partagez la même émotion face à une violence inacceptable car c'est la France, dans son ensemble, qui s'en trouve atteinte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
Je l'affirme avec la même détermination et la même conviction que le chef de l'Etat : de tels événements doivent donner l'occasion à la communauté nationale de se rassembler autour de ses valeurs. Les actes de profanation qui ont visé la communauté juive, comme ceux qui avaient précédemment visé des mosquées ou ceux qui ont visé des cimetières ou des églises nous ont pareillement atteints : ils témoignent d'une même intolérance et d'une même violence, qui nient toutes les valeurs liées au respect d'autrui.
Personne ne doit se sentir désigné en particulier par cet appel à l'unité nationale, qui est tout autant un appel au respect des convictions de chacun et au respect des valeurs qui fondent notre République.
Afin de faire face à une telle situation, il nous appartient de conduire trois types d'actions.
En premier lieu, il convient de regarder la vérité en face. Et la vérité, c'est que les actes d'antisémitisme et de racisme, qui avaient baissé en 2003, ont augmenté en 2004. J'appelle chacune et chacun d'entre vous à faire preuve de lucidité : le racisme et la violence représentent des menaces réelles pour notre société. Nous devons les affronter en toute connaissance de cause.
Mme Martine David. C'est vrai !
M. le Premier ministre. Une telle attitude doit être partagée, j'y tiens. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité à plusieurs reprises que les membres du Gouvernement regardent des émissions qui, captées en France grâce aux antennes paraboliques, prônent la haine, afin que, tous, nous soyons lucides sur ceux qui, dans notre pays, complices ou non du terrorisme, sont des militants de la haine, c'est-à-dire des adversaires de la République.
La prévention constitue notre deuxième objectif : il est nécessaire d'augmenter, grâce à une meilleure information et à l'éducation, la capacité de la société dans son ensemble à lutter contre de tels appels à la haine : il faut promouvoir les valeurs de respect et de tolérance. Nous avons pris des mesures de protection des écoles religieuses, des lieux de culte et de toutes les personnes qui, à un moment ou à un autre, peuvent se sentir menacées. Je le répète aux uns et aux autres : la communauté nationale ne peut pas accepter que certains, par des menaces, tentent de dresser les Français les uns contre les autres.
L'éducation nationale est naturellement engagée dans ces actions de prévention et d'information. C'est la raison pour laquelle nous avons diffusé un livret républicain qui contient les rappels nécessaires et apporte une meilleure connaissance et du fait religieux et des valeurs de la République. Il appartient à l'école, lieu premier de la République, d'inculquer les valeurs de respect et de tolérance.
C'est pourquoi, monsieur le député, les tristes événements qui se sont déroulés en Alsace donneront lieu à une manifestation oecuménique du souvenir, qui permettra de rappeler aux jeunes la part que l'éducation doit prendre à l'action en faveur de l'esprit de tolérance et de respect. Afin d'en témoigner, le ministre de l'éducation assistera à la cérémonie.
Vérité et prévention, certes, mais également répression ! Tel est le troisième aspect de l'action que nous avons à mener. Mesdames et messieurs les députés, grâce à toutes les dispositions législatives que vous avez adoptées lors du vote de la loi Lellouche, nous disposons désormais d'une législation plus sévère contre tous ceux qui développent, dans notre société, des initiatives relevant de l'antisémitisme ou du racisme que nous ne pouvons tolérer. Nous sommes en possession de l'arsenal juridique permettant à la justice de faire preuve de fermeté, y compris par l'expulsion de tous les prétendus imams qui ne sont en fait que des prédicateurs politiques qui n'ont rien à voir avec l'expression de la religion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.) Oui au fait religieux ! Oui au respect des religions ! Dans notre République, la pratique religieuse doit être libre. Mais si le citoyen doit se sentir libre de ses idées et de ses convictions, il doit également sentir au-dessus de lui qu'en toutes circonstances les règles de la République s'imposent à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Louis Christ

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Droits de l'homme et libertés publiques

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 mai 2004

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