Question au Gouvernement n° 1385 :
Constitution européenne

12e Législature

Question de : M. Jean-Louis Bianco
Alpes-de-Haute-Provence (1re circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 27 mai 2004

PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bianco, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Louis Bianco. Monsieur le Premier ministre, face à la nouvelle offensive d'un certain nombre de pays pour introduire les termes " l'héritage chrétien de l'Europe " dans le préambule de la future Constitution, vos propos et ceux du ministre des affaires étrangères ont semé le doute et jeté le trouble jusque dans vos propres rangs.
À Dublin, vous avez déclaré que " la France n'était pas hostile à cette question ". À Bruxelles, Michel Barnier a refusé de rependre expressément la formule du chef de l'État, qualifiant de " déraisonnable " l'idée de changer un mot du préambule. Il a ajouté : " C'est la position de la France aujourd'hui. " Mais, alors, monsieur le Premier ministre, quelle sera la position de la France demain et après-demain ?
Il est évident que l'Europe est ancrée dans une culture judéo-chrétienne, mais elle est tout autant l'héritière des civilisations grecque et romaine, de nos échanges avec le monde arabe, de la philosophie des lumières... Elle doit aussi, monsieur le Premier ministre, aux idées socialistes qui ont conduit à la protection sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et vous qui vous référez si souvent à Gerhard Schröder, pourquoi ne proposez-vous pas d'inscrire le mot " socialisme " dans la Constitution européenne ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous ne le demandons pas ! Ce que nous demandons, c'est que la Constitution européenne affirme nos valeurs communes, et non pas qu'elle impose les références des uns contre celles des autres. Notre Europe doit dire ce qui nous unit, et non raviver ce qui nous divise. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le Premier ministre, allez-vous, oui ou non, accepter une remise en cause du préambule de la Constitution, au moment même où nous cherchons, ensemble, à réaffirmer l'importance du principe de laïcité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Augustin Bonrepaux. Le Premier ministre !
M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Voilà en effet une question très grave et très importante puisqu'elle concerne le patrimoine commun que, le moment venu, les Européens vont se reconnaître dans la Constitution européenne.
Nous avons beaucoup travaillé à la rédaction de ce projet de Constitution, notamment sur ce point. Nous y avons travaillé avec passion quelquefois - nous ne sommes pas les seuls. Nous y avons travaillé avec le souci de la vérité et de la tolérance. J'ai la conviction, sur ce sujet en particulier, que ce souci de tolérance et de vérité est partagé par tous les Français quelles que soient leurs convictions, leurs croyances ou leur philosophie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Augustin Bonrepaux. La réponse !
M. le ministre des affaires étrangères. Voilà ce que cela nous a amenés à écrire dans le deuxième paragraphe du préambule du projet de Constitution.
Les Européens, " s'inspirant des héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe, dont les valeurs, toujours présentes dans son patrimoine, ont ancré dans la vie de la société sa perception du rôle central de la personne humaine, de ses droits inviolables et inaliénables, ainsi que le respect du droit... "
J'ai la conviction que ce texte est à la fois équilibré et juste.
M. Augustin Bonrepaux. Quelle est l'appréciation du Premier ministre ?
M. le ministre des affaires étrangères. Voilà pourquoi la France, puisque vous m'interrogez, continue de penser qu'il faut s'en tenir là (" Très bien ! " sur les bancs du groupe socialiste), parce que chacun peut se reconnaître dans ce texte, quelles que soient sa croyance, ses convictions ou sa philosophie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
M. Christian Bataille. À bas la calotte !
M. le président. Monsieur Bataille, je vous en prie !

Données clés

Auteur : M. Jean-Louis Bianco

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Union européenne

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 mai 2004

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