Question au Gouvernement n° 1400 :
commerce international

12e Législature

Question de : M. Pierre Méhaignerie
Ille-et-Vilaine (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

Question posée en séance, et publiée le 2 juin 2004

AVENIR DE L'AGRICULTURE FRANÇAISE

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, pour le groupe UMP.
M. Pierre Méhaignerie. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
On ne dira jamais assez l'effort prodigieux réalisé, au cours des quarante dernières années, par les agriculteurs français pour développer la productivité et la qualité de l'agriculture.
M. André Gerin. C'est pour cela qu'ils sont morts !
M. Pierre Méhaignerie. Les travaux de recherche en économie agricole indiquent que les deux tiers de ces efforts de productivité ont été redistribués vers les autres secteurs, et notamment vers les consommateurs.
M. Maxime Gremetz. Les grands paysans en ont eu leur part !
M. Pierre Méhaignerie. Aujourd'hui s'impose une nouvelle exigence : s'adapter au marché mondial - mais pas à n'importe quelles conditions !
La semaine dernière, vous avez, monsieur le ministre, apporté une réponse très concrète à la question qui vous était posée quant aux limites du mandat du commissaire européen Pascal Lamy.
Compte tenu des négociations menées ces derniers jours, pouvez-vous, d'abord, nous donner des précisions sur les concessions, apparemment unilatérales, faites en matière de restitution et d'accès au marché européen, et qui ne concernent pas les pays les moins développés ? Par ailleurs, après la mutation qu'a connue l'agriculture dans les années 1950 et celle qu'a nécessitée, dans les années 1960 , l'adaptation au marché européen, peut-on imaginer cette troisième mutation de l'agriculture - en Europe ou dans les pays moins développés - sans aucune protection extérieure ? (Approbations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, face à ces enjeux considérables pour la France et pour les agriculteurs, un débat n'est-il pas nécessaire, tant au Parlement européen qu'au Parlement français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Il est vrai que, depuis quarante ans, l'agriculture européenne - et particulièrement l'agriculture française - a relevé de nombreux défis liés à l'ouverture sur le monde.
Nous sommes actuellement engagés dans une négociation importante, dans le cadre à la fois de l'Organisation mondiale du commerce et des relations avec le MERCOSUR. Comme l'a déjà dit à plusieurs reprises François Loos, les propositions et les concessions unilatérales de la Commission européenne ne nous conviennent pas.
Dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, la clause de la nation la plus favorisée favorise toujours les plus favorisés. Il faut donc des dispositifs spécifiques pour les pays les plus pauvres. Si la conclusion de ce cycle de négociations est de favoriser les grands pays agro-exportateurs, le monde entier aura manqué un rendez-vous majeur pour le développement des pays du Sud.
Les concessions doivent donc être équilibrées. Si l'Europe fait des concessions sur les restitutions à l'exportation, les Etats-Unis doivent démanteler leur système de marketing loans et de fausse aide alimentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Les négociations avec le MERCOSUR, quant à elles, doivent avoir lieu après celles qui se déroulent dans le cadre de l'OMC pour favoriser les pays les plus pauvres. Les propositions de la Commission européenne ne vont pas dans le bon sens. Je me limiterai à reprendre l'exemple de l'éthanol, évoqué ici même, la semaine dernière, par M. Stéphane Demilly : la proposition de la Commission aurait pour effet de ruiner l'industrie européenne des biocarburants avant même qu'elle ait réellement commencé d'exister.
C'est pourquoi le Président de la République a rappelé, à Guadalajara, que cet accord devait être équilibré et que, " dans l'état actuel des choses, la réponse du MERCOSUR n'est pas à la hauteur des propositions qui ont été faites par la Commission européenne ".
Enfin, si nous ouvrons le commerce agricole, les mêmes devoirs doivent s'imposer à tous. L'Europe est l'espace où les normes sanitaires, environnementales et relatives au bien-être animal sont les plus élevées au monde. Allons-nous imposer ces contraintes à nos producteurs et importer des produits qui n'y satisfont pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ces questions non-tarifaires doivent être incluses dans le paquet qui fait l'objet des négociations.
Je suis, bien évidemment, disponible pour un débat parlementaire qui aurait lieu avant l'été sur ces sujets importants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Données clés

Auteur : M. Pierre Méhaignerie

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Relations internationales

Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche

Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 juin 2004

partager