Constitution européenne
Question de :
M. François Loncle
Eure (4e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 17 juin 2004
POLITIQUE EUROPÉENNE
M. le président. La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste.M. François Loncle. Monsieur le Premier ministre, quatre jours après les élections du 13 juin, le Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement s'apprête, semble-t-il, à entériner avec quelques modifications le traité institutionnel de l'Union européenne.
Nombre de nos compatriotes, nombre de concitoyens européens ont été à juste titre choqués par cette inversion du calendrier, par ce curieux carambolage démocratique.
Le 13 juin, c'est aussi le contenu actuel de la construction européenne qui a été mis en cause, c'est aussi l'inertie de nombreux gouvernements des États membres de l'Union qui a été dénoncée par les électeurs.
En France, à l'absence manifeste de volonté, d'audace, de vision politique du chef de l'État sur le dossier européen (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), s'ajoute un traitement méprisant à l'égard de la représentation nationale : pas de débat au Parlement, pas de consultation ni de dialogue sur le traité institutionnel ici même, dans cette enceinte.
Votre devise sur l'Europe semble se résumer à ceci : " Laisser faire la présidence irlandaise ! "
Or les propositions de celle-ci sont en retrait sur le texte issu de la convention, qu'il s'agisse de la coopération judiciaire ou de la politique étrangère et de sécurité commune. Pis, vous refusez de revenir sur l'inacceptable clause de révision du traité et sur l'absence d'une véritable Europe sociale.
Quelles initiatives avez-vous prises ou allez-vous prendre pour éviter l'adoption d'un texte au rabais ? Allez-vous enfin expliquer au pays quelle est votre politique ou votre absence de politique européenne ? Y aura-t-il enfin un débat à l'Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le député, le Conseil européen se réunit demain et après-demain, à une date choisie par la présidence irlandaise. Il s'agira, bien sûr, de terminer - et j'espère que nous y parviendrons - le travail sur la Constitution,...
M. Henri Emmanuelli. Après les élections ?
M. le ministre des affaires étrangères. ...mais aussi de choisir le nouveau président de la Commission européenne, en tenant compte du résultat des élections. Il paraît logique d'y procéder à l'issue du scrutin plutôt qu'avant.
M. Jean Glavany. Comme ça, les électeurs sont informés !
M. Henri Emmanuelli. Et la Constitution ?
M. le ministre des affaires étrangères. S'agissant de la Constitution, dont j'ai parlé il y a quelques jours devant la délégation aux affaires européennes de votre assemblée, et dont je reparlerai tout à l'heure devant la commission des affaires étrangères - car je me rends autant disponible que vous le jugez nécessaire -, nous parvenons au terme d'une très longue négociation, qui dure depuis presque deux ans, et à laquelle votre assemblée a participé - je pense en particulier aux contributions de M. Lequiller et de M. Floch.
Où en sommes-nous aujourd'hui ?
M. Maxime Gremetz. Il faut un référendum !
M. le ministre des affaires étrangères. Premièrement, l'essentiel du travail effectué par la Convention pour l'avenir de l'Europe a été accepté, y compris sur les sujets les plus improbables comme la défense européenne. Je me permets de vous rappeler au passage que les participants socialistes à la Convention avaient approuvé ses conclusions.
M. Henri Emmanuelli. Laissez donc les socialistes tranquilles !
M. le ministre des affaires étrangères. Il reste un certain nombre de points ouverts.
Sur le champ de la majorité qualifiée, nous ne voulons pas revenir en arrière, même si, nous le savons bien, nous ne pourrons pas non plus aller de l'avant, ainsi que je l'aurais souhaité, par exemple, en matière de fiscalité. Sur ce point, il convient plutôt d'interroger le gouvernement travailliste de Londres.
S'agissant du système de vote au Conseil des ministres, nous soutiendrons la double majorité, à la fois équitable et efficace.
M. Édouard Landrain. Très bien !
M. le ministre des affaires étrangères. En ce qui concerne la dimension sociale de la Constitution, j'espère, monsieur Loncle, que tous les gouvernements socialistes européens soutiendront les demandes françaises,...
M. Xavier de Roux. Très bien !
M. le ministre des affaires étrangères. ...qui visent à obtenir quelques dernières avancées en la matière. Mais je n'en suis pas sûr. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Enfin, dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, nous voulons préserver l'efficacité de l'Union.
Comme vous le constatez, monsieur le député, la France restera, demain et après-demain, le plus près possible du texte de la Convention. C'est dans un esprit constructif que nous participerons à cette dernière négociation, afin de conclure un bon accord et d'adopter une bonne constitution. Il est temps de conclure...
M. le président. En effet, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. le ministre des affaires étrangères. Sans doute, monsieur le président, mais cela vaut aussi pour la négociation elle-même,...
M. André Chassaigne. Il faut un référendum !
M. le ministre des affaires étrangères. ...d'abord parce que nous sommes près du but,...
M. Arnaud Montebourg. Un référendum !
M. le ministre des affaires étrangères. ...et ensuite parce que les citoyens, qui ont des doutes sur les questions européennes (" Un référendum ! " sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), et ont même manifesté une certaine indifférence, ont besoin que la maison soit en ordre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. François Loncle
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Union européenne
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 juin 2004