presse
Question de :
M. Michel Françaix
Oise (3e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 1er juillet 2004
RACHAT DE LA SOCPRESSE PAR LE GROUPE DASSAULT
M. le président. La parole est à M. Michel Francaix, pour le groupe socialiste.M. Michel Françaix. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, ma question concerne le rachat de la Socpresse par le groupe Dassault.
J'ai beaucoup hésité car j'avais d'abord l'intention de poser cette question à Mme la ministre de la défense, puisque ce sont les deux entreprises leaders de l'armement, Lagardère et Dassault, qui sont à la tête des deux plus grands groupes de presse de l'Hexagone. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est sans doute pour ce gouvernement la façon de pratiquer l'exception culturelle à la française. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ainsi donc, pour l'écrit, après le rachat d'Editis par M. Seillière, les mauvaises nouvelles tombent en rafale. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La prise d'assaut de soixante-dix publications, dont Le Figaro, l'Express et un tiers de la presse quotidienne, ne devrait pas, monsieur le ministre, vous laisser indifférent.
Je pourrais me contenter de vous faire part des inquiétudes légitimes des rédactions de ces journaux, qui ne veulent pas se transformer en instruments de pouvoir au service d'un homme ou de ses amis politiques (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'exemple du Républicain de l'Essonne, dirigé par M. Dassault et de L'Oise libérée Dimanche dirigé par son fils, notre collègue Olivier Dassault, sont bien présents pour illustrer mes propos.
Le plus inquiétant est ailleurs. Le groupe Dassault a bien évidemment une culture financière, mais n'a aucune culture de presse. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Au lieu de professionnaliser légitimement un secteur vital pour notre démocratie (Mêmes mouvements), il se contentera de nuire au pluralisme et d'uniformiser un peu plus l'information dans notre pays. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, que pensez-vous d'entreprises de presse se contentant d'investissements productifs, se bornant à revendre " par appartement " les titres déficitaires, de groupes dont la vocation première n'est pas l'information et qui vivent des commandes de l'État, grâce à un lobbying savamment organisé ?
Je souhaite qu'un libéralisme de mauvais aloi ne vous laisse pas inerte. Je compte sur votre détermination, monsieur le ministre, pour que l'écrit, dans notre pays, ne se résume pas à un support publicitaire, où la rentabilité régira les choix rédactionnels. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe des députés-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Votre question, monsieur Françaix, appelle de ma part plusieurs réactions.
Pour commencer, je constate avec regret que, face aux difficultés financières que rencontre le monde de la presse et de l'édition, votre seule réponse consiste, une fois de plus, à pratiquer la politique de l'amalgame (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et de nous faire un procès en sorcellerie. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Le pluralisme, monsieur le député, a besoin de moyens financiers pour demeurer une réalité concrète.
Et puisque vous évoquez la prise de contrôle de la Socpresse par le groupe Dassault, rappelons que notre droit - chacun ici devrait y être attaché - protège la liberté d'expression et le pluralisme. Sur le plan national, le dispositif anticoncentration mis en place par l'article 11 de la loi du 1er août 1986 relative au régime juridique de la presse, que vous n'avez pas modifié, est respecté...
M. Henri Emmanuelli. C'est incroyable !
M. le ministre de la culture et de la communication. ...dans la mesure où la Socpresse n'atteint pas le seuil de 30 % de possession de quotidiens d'information politique et générale.
Sur le plan du droit de la concurrence ensuite, la Commission européenne a donné son autorisation le 17 juin dernier au rachat de la Socpresse par le groupe Dassault,...
M. Jean-Pierre Brard. Tout va bien !
M. le ministre de la culture et de la communication. ...à la seule condition que celui-ci cède La Vie financière.
M. Henri Emmanuelli. On est sauvés !
M. le ministre de la culture et de la communication. Enfin, la Socpresse, et c'est normal, a déclaré ouverte la clause de cession ; aux termes du code du travail, cette garantie peut être invoquée individuellement par tout journaliste. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Cessez de vous comporter en inquisiteurs et de jouer sur les peurs, les psychoses et les fantasmes !
M. Henri Emmanuelli. Tu parles !
M. le président. Monsieur Emmanuelli, allons !
M. le ministre de la culture et de la communication. Je voudrais vous rappeler, en guise de conclusion, deux éditoriaux célèbres, parus dans Le Monde en mai 1968, le premier sous le titre : " La presse est-elle une marchandise ? ", et le second, comme en écho, sous le titre : " La presse est-elle une liberté ? ". Eh bien, pour le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, c'est précisément l'alliance de la liberté d'expression et de la réalité économique et financière qui concourt au pluralisme. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cela vous dérange, mais c'est la réalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Auteur : M. Michel Françaix
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Presse et livres
Ministère interrogé : culture et communication
Ministère répondant : culture et communication
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er juillet 2004