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Question de :
M. François Bayrou
Pyrénées-Atlantiques (2e circonscription) - Union pour la Démocratie Française
Question posée en séance, et publiée le 6 octobre 2004
ENTRÉE DE LA TURQUIE
DANS L'UNION EUROPÉENNE
M. François Bayrou. Monsieur le président, le calendrier est ainsi fait que les sujets graves se succèdent. Après en avoir appelé à la cohésion nationale nécessaire sur la question des otages, je voudrais aborder maintenant un autre enjeu.
Monsieur le Premier ministre, d'ici au 17 décembre, l'Europe va prendre l'une des décisions les plus importantes de ce siècle en se prononçant sur l'adhésion ou non de la Turquie à l'Union européenne. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Contrairement à ce que l'on peut entendre ici ou là, beaucoup d'entre nous savent que la décision que prendra le Conseil du 17 décembre sera irréversible et qu'elle ne pourra être prise qu'à l'unanimité des États membres, donc avec l'accord de la France. Pour nombre d'entre nous, cette question met en jeu l'identité de l'Europe et sa nature même. Si la Turquie devenait le pays le plus important de l'Union, alors qu'elle est un pays extra-européen, le projet européen serait définitivement changé et l'Europe, hétérogène et dispersée, ne pourrait plus être l'acteur majeur que nous attendons sur la scène du monde. Jusqu'à maintenant, la France a été un soutien permanent et actif à l'adhésion de ce pays. Il est frappant qu'aucun débat n'ait été organisé dans le pays, devant la représentation nationale, pour savoir si cette décision était soutenue par le peuple français.
Monsieur le Premier ministre, une décision ne peut être prise le 17 décembre sans qu'un véritable débat ait été organisé.
M. Maurice Leroy. Très bien !
M. François Bayrou. C'est pourquoi nous vous demandons un débat suivi d'un vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est le b a-ba d'une démocratie que le Gouvernement consulte les élus de la nation, leur explique la politique suivie, les décisions énoncées au nom de la France et s'enquière de leur soutien.
Monsieur le Premier ministre, face à cette décision capitale, avez-vous l'intention de consulter la représentation nationale en organisant un débat suivi d'un vote ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur Bayrou, vous avez été membre du Gouvernement, vous êtes parlementaire et vous savez donc précisément comment se négocient les traités internationaux, notamment les traités d'adhésion à l'Union européenne ; vous savez aussi précisément quelles sont les compétences respectives du Parlement - de votre parlement -, du Gouvernement, du chef de l'État et, le cas échéant, du peuple français. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Maxime Gremetz. " Le cas échéant " !
M. le ministre des affaires étrangères. J'y reviendrai.
Monsieur Bayrou, ce qui est en cause, le 17 décembre, ce n'est pas l'adhésion de la Turquie. (" Mais si ! " sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le 17 décembre, il ne s'agira pas de l'adhésion de la Turquie mais simplement, et c'est beaucoup, de déterminer si des négociations d'adhésion, jamais ouvertes depuis quarante ans, doivent l'être ou non, à quel moment et selon quelles modalités.
M. Maurice Leroy. Quand en débattrons-nous ?
M. le ministre des affaires étrangères. Et je tiens à vous dire que la décision d'ouvrir des négociations n'est pas irréversible :...
M. François Sauvadet. Bien sûr que si !
M. le ministre des affaires étrangères. ...celles-ci pourraient être interrompues à tout moment.
M. Jean-Christophe Lagarde. De telles négociations ont-elles jamais échoué ?
M. le ministre des affaires étrangères. Monsieur Bayrou, nous pouvons aborder cette question calmement, d'autant que nous aurons bien d'autres occasions d'en reparler.
Le Président de la République s'est engagé à ce que la décision d'adhésion, si elle devait intervenir un jour - je parle de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne et non pas de celle l'Union européenne à la Turquie, (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe des député-e-s communistes et républicains) -, après des négociations qui, de toute façon, nous le savons tous, seront très longues et très difficiles, soit prise par le peuple français lui-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Henri Emmanuelli. Dans quinze ans !
M. le ministre des affaires étrangères. Vous aurez à en décider à travers une disposition particulière de la Constitution, à laquelle nous travaillons et qui sera soumise au Parlement à l'occasion de la révision constitutionnelle du printemps prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Auteur : M. François Bayrou
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Union européenne
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 6 octobre 2004