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Question de :
M. Hervé Morin
Eure (3e circonscription) - Union pour la Démocratie Française
Question posée en séance, et publiée le 13 octobre 2004
ADHÉSION DE LA TURQUIE À L'UNION EUROPÉENNE
M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.M. Hervé Morin. Nous avons une décision historique à prendre :...
M. Alain Madelin. Très bien !
M. Hervé Morin. ...l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne va changer la nature du projet européen, et donc la vie des Français.
Aussi nous avions-vous demandé au préalable, monsieur le Premier ministre, un débat et un vote à l'Assemblée nationale pour que chacun puisse assumer ses responsabilités devant la nation, devant les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Vous nous avez d'abord refusé ce débat, puis vous y avez consenti, mais dans quelles conditions ! Trois ou quatre heures jeudi après-midi, et toujours sans vote. Vous invoquez la lettre et l'esprit de la Constitution qui conférerait tout pouvoir au Président de la République en matière de politique étrangère. Mais, monsieur le Premier ministre, la lettre et l'esprit de la Constitution, c'est aussi son article 88, alinéa 4 (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française), adopté en 1999, qui oblige le Gouvernement à transmettre au Parlement tous les documents communautaires.
La lettre et l'esprit de la Constitution, monsieur le Premier ministre, c'est aussi que les députés votent ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Je voudrais, pour essayer de vous convaincre, faire une citation. La voici :
" Permettez-moi, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, de vous poser une question. Sincèrement, en conscience, les propositions que nous soutenons vous choquent-elles vraiment ? Êtes-vous donc à ce point attachés, cramponnés à la Ve République qu'il vous faille refuser de l'adapter à la réalité ? Ou seriez-vous victimes, vous aussi, de cet archaïsme - et je pèse mes mots - qui fait croire que la politique européenne de la France serait toujours de la politique étrangère et que sa conduite appartiendrait exclusivement et pour l'éternité au chef de l'État, au gouvernement, le Parlement faisant figure de simple témoin ? Tout cela ne peut pas durer. "
Monsieur le Premier ministre, c'est Michel Barnier (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française) - ancien ministre des affaires européennes -, qui, au nom du groupe RPR, fit cette déclaration lors de la révision constitutionnelle de 1999.
C'est pourquoi, monsieur le Premier ministre, solennellement, au nom de la démocratie française, nous vous demandons un vote ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur divers bancs du groupe socialiste.)
M. Alain Madelin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, permettez-moi d'abord de vous remercier d'avoir fait applaudir sur ces bancs Michel Barnier, qui le mérite amplement.
M. Maurice Leroy. Il le méritait surtout en 1999 !
M. le Premier ministre. Le fondateur de votre parti, Valéry Giscard d'Estaing, ne s'exprime jamais sans avoir à portée de main la Constitution. C'est elle qui me fournit la réponse à votre question.
L'article 52 est clair, il dispose que " le Président de la République négocie et ratifie les traités. "
L'article 53 précise très clairement, et le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de le rappeler il y a peu, que le Parlement autorise la ratification des traités.
Cette répartition des rôles sous la Ve République est particulièrement significative, et j'entends la respecter. (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Arnaud Montebourg. Vive la VIe République !
M. le Premier ministre. Vous invoquez avec imprécision, monsieur le député, l'article 88-4. Je le cite : " Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne comportant des dispositions de nature législative. " Ce n'est pas le cas. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. François Bayrou, M. Maurice Leroy et M. Hervé Morin. Lisez la suite !
M. le Premier ministre. Il s'agit d'une proposition sur une négociation. L'esprit et la lettre de la Constitution sont ainsi respectés.
Ce débat mérite calme et sérénité, notamment de la part de ceux qui aspirent à diriger, un jour, le pays,...
M. Pierre Lellouche. Pas eux !
M. le Premier ministre. ...c'est-à-dire à faire vivre notre constitution ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Auteur : M. Hervé Morin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Union européenne
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 octobre 2004