entreprises en difficulté
Question de :
M. Jacques Desallangre
Aisne (4e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Question posée en séance, et publiée le 11 novembre 2004
RÉINTÉGRATION DES SALARIÉS DE WOLBER
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.M. Jacques Desallangre. Monsieur le Premier ministre, vendredi, le conseil de prud'hommes de Soissons a qualifié d'illicite la procédure de licenciement économique collectif qui avait jeté à la rue, en juillet 1999, 451 salariés de l'usine Wolber, filiale à 99,9 % du groupe Michelin, en raison d'irrégularités dans la consultation du comité d'entreprise. En 2002, déjà, le juge avait condamné le plan de restructuration au motif qu'il " n'avait en réalité pour but que d'améliorer la compétitivité de ce secteur ". La condamnation du licenciement économique, jugé alors sans cause réelle et sérieuse, est confortée aujourd'hui par celle du caractère illicite de la procédure de licenciement.
Ces jugements, dont l'un a déjà été confirmé par la cour d'appel, doivent vous faire réfléchir et surtout vous amener à revenir sur les articles relevant de M. Larcher dans le projet de loi dit de cohésion sociale, qui effaceraient quinze ans d'élaboration de droits protecteurs pour les salariés. Ainsi, les employeurs auraient la possibilité de contourner les obligations liées au plan de sauvegarde de l'emploi pour échapper aux recours en annulation de l'ensemble de la procédure de licenciement. Les dispositions de la loi de modernisation sociale suspendues par la loi Fillon - droit d'opposition, recours à un médiateur, à un expert, étude d'impact social et territorial, négociations sur la RTT - seraient définitivement abrogées. Bref, toutes les mesures que M. Larcher propose n'ont qu'un but : éviter tout recours en justice contre la procédure et le plan de sauvegarde de l'emploi.
Si vous persévérez, il n'y aura plus de plan social illicite ni de licenciement économique abusif condamné. Au nom de notre groupe, j'ai déposé une proposition de loi interdisant les licenciements boursiers, et Maxime Gremetz une proposition de loi pour lutter contre les délocalisations. Mais vous n'entendez que la voix du MEDEF ! (" Ah ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Richard Mallié. Il y a longtemps que vous n'en aviez pas parlé !
M. Jacques Desallangre. Entendrez-vous celles des hommes et des femmes qui n'ont plus de travail depuis 1999, et plus d'usine, car M. Michelin l'a fait raser en hâte après avoir transféré la production en Inde ? M. Michelin qui a vu, en 2003, ses profits augmenter de 20 % et son salaire de 144 % !
Allez-vous user de votre influence pour que la recommandation du tribunal de Soissons soit effective et que des renégociations interviennent immédiatement, comme il le demande, sur la réintégration du personnel injustement licencié ?
Si vous nous répondez oui, alors nous pourrons espérer que M. Larcher ne défendra pas devant l'Assemblée nationale des articles menant à une régression sociale d'une iniquité sans précédent. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail.
M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le député, le conseil des prud'hommes de Soissons vient d'ordonner la réintégration de 115 salariés licenciés en 2000 lors de la fermeture de l'usine Wolber à Soissons.
M. Maxime Gremetz. Bravo !
M. le ministre délégué aux relations du travail. Il n'appartient pas au Gouvernement de commenter une décision de justice prud'homale, a fortiori lorsqu'elle n'est pas définitive et qu'on n'en connaît pas encore la totalité des motifs.
Je me bornerai à observer que ces décisions contredisent partiellement les arrêts rendus le 7 octobre 2003 par la cour d'appel d'Amiens dans la même affaire.
M. Maxime Gremetz. Pas du tout !
M. le ministre délégué aux relations du travail. Dans les deux cas, mais apparemment pas pour les mêmes raisons, les juges ont considéré que la procédure de licenciement était entachée d'irrégularité et devait, pour ce motif, être annulée. Mais ils en ont tiré des conséquences différentes : le conseil des prud'hommes a ordonné la réintégration des salariés au niveau du groupe ; la cour d'appel avait constaté, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, que la fermeture de l'entreprise rendait matériellement impossible la réintégration des salariés. Elle avait donc ordonné le versement d'indemnités.
Ce feuilleton judiciaire n'est sans doute pas encore achevé. L'affaire Wolber montre, à mon sens, les effets pervers de la judiciarisation excessive de la gestion des restructurations dans notre pays. (Vives protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et de nombreux bancs du groupe socialiste.)
M. Jacques Desallangre. C'est scandaleux !
M. le ministre délégué aux relations du travail. Voici des salariés qui ont été confrontés, il y a de cela cinq ans, avec l'angoisse que l'on peut imaginer, à la fermeture de leur entreprise. Après des années de contentieux, ils se voient maintenant reconnaître a posteriori le droit de réintégrer un établissement aujourd'hui disparu.
M. Maxime Gremetz. Non : l'usine, pas l'établissement !
M. le ministre délégué aux relations du travail. C'est là une perspective pour le moins évanescente.
Heureusement, la très grande majorité d'entre eux ont depuis longtemps retrouvé un emploi.
M. Jacques Desallangre. Ce n'est pas vrai !
M. le ministre délégué aux relations du travail. Sur les 450 personnes concernées en 1999, dix-huit à ce jour, malheureusement, n'ont pas trouvé de solution de reclassement. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Je suis convaincu que la décision de réintégration, des années plus tard, dans une usine fantôme, ne peut être une réponse appropriée aux mutations économiques. (Protestations sur les mêmes bancs.)
M. Jacques Desallangre. C'est le MEDEF qui parle !
M. le ministre délégué aux relations du travail. Aux procédures et aux conflits, ne faut-il pas préférer l'action en amont, c'est-à-dire l'anticipation par la négociation ? Ne faut-il pas préférer l'accord au procès ? C'est l'article 37 du plan de cohésion sociale dont nous aurons l'occasion de discuter. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Auteur : M. Jacques Desallangre
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : relations du travail
Ministère répondant : relations du travail
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 11 novembre 2004