CSA
Question de :
M. Pierre Lellouche
Paris (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 1er décembre 2004
AL-MANAR
M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.M. Pierre Lellouche. Ma question, à laquelle s'associent de nombreux députés, notamment Alain Marsaud, Michel Diefenbacher, Claude Goasguen et Hervé Mariton, s'adresse à M. le Premier ministre parce qu'elle concerne plusieurs membres du Gouvernement, au moins les ministres de la culture et de la justice, et parce qu'elle soulève, à travers le conventionnement de la chaîne Al-Manar par le CSA, des dysfonctionnements extrêmement graves de nos institutions.
La chaîne Al-Manar appartient au groupe terroriste du Hezbollah, qui est à l'origine des attentats de la rue de Rennes et des Galeries Lafayette à Paris en 1985 et 1986, et a kidnappé plusieurs citoyens français, notamment Jean-Paul Kaufmann et Marcel Fontaine. Cette chaîne diffuse quotidiennement des appels au meurtre des juifs d'Israël et, accessoirement, des chrétiens. Il y a un an, elle avait diffusé en France un feuilleton intitulé Al-Shatat, Diaspora en français, qui, reprenant la propagande nazie du " Protocole des sages de Sion ", montrait le complot juif mondial en l'illustrant notamment par l'égorgement d'un jeune enfant chrétien, dont le sang servait à fabriquer des galettes azymes pour la Pâque juive. Ce feuilleton avait conduit le président du CSA, M. Baudis, a saisir la justice et le procureur de la République au mois de janvier dernier. Depuis lors, aucune nouvelle de cette plainte.
Au printemps dernier, le Gouvernement, dans le cadre de la loi sur l'audiovisuel, a proposé un amendement visant à lutter contre ce genre de dérive et donnant la possibilité au CSA de se tourner vers le Conseil d'État pour obtenir l'interdiction de diffusion d'une telle chaîne. La loi a été votée et promulguée le 9 juillet dernier. Aussitôt, le CSA s'est tourné vers le Conseil d'État pour demander l'interdiction de la chaîne. À la surprise générale, celui-ci, oubliant la diffusion des émissions dont je viens de parler, a ouvert la possibilité de conventionnement de cette chaîne. Le CSA a considéré que le Conseil d'État lui enjoignait de conventionner la chaîne, ce qu'il a fait par une décision du 20 octobre.
M. le président. Posez votre question.
M. Pierre Lellouche. Pardonnez-moi, monsieur le président, mais c'est important.
M. le président. Toutes les questions sont importantes, monsieur Lellouche, et chacun dispose du même temps de parole. Posez donc votre question.
M. Pierre Lellouche. Monsieur le Premier ministre, pourquoi la justice pénale de notre pays n'a-t-elle pas instruit la plainte du CSA ? Pourquoi, alors qu'il était question d'interdire cette chaîne, que des otages français sont retenus par des fondamentalistes islamiques, que nous sommes tous mobilisés contre le racisme et l'antisémitisme, sommes-nous arrivés aujourd'hui à conventionner une chaîne terroriste ?
M. le président. Merci, monsieur Lellouche.
M. Pierre Lellouche. Pourquoi le CSA s'est-il réfugié derrière le Conseil d'État ?
M. le président. Merci !
M. Pierre Lellouche. Merci, monsieur le président, de m'autoriser à poser ma question dans son intégralité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Chacun a le même temps de parole ! Vous avez de la chance : si vous aviez posé la dernière question, vous ne seriez pas passé à la télévision.
M. Pierre Lellouche. Chaque fois que je pose une question, c'est la même chose !
M. le président. Vous ne jouissez pas d'un régime spécial, monsieur Lellouche ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Lellouche, je vais vous répondre avec une extrême gravité et beaucoup de détermination. La semaine dernière, je vous ai indiqué que, grâce à la décision de l'Assemblée nationale et du Sénat, le Conseil supérieur de l'audiovisuel avait des pouvoirs renforcés pour mettre un terme à ce qui est inacceptable dans le pays des droits de l'homme que nous sommes.
M. François Loncle. Ce n'est pas vrai !
M. le ministre de la culture et de la communication. Dans la France d'aujourd'hui, confrontée à la violence internationale actuelle, des propos racistes, xénophobes et antisémites n'ont pas droit de cité. (" La preuve ! " sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis aussi sévère avec la gauche qu'avec la droite : taisez-vous ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le ministre de la culture et de la communication. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a la responsabilité politique, morale et juridique de contrôler heure par heure les déclarations scandaleuses. (" C'est faux ! " sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Marie Le Guen. Mensonges : il n'en a pas les moyens !
M. le ministre de la culture et de la communication. Je voudrais, pour que chacun en mesure la gravité, vous citer les phrases que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a relevées :...
M. Pierre Lellouche. Prenez vos responsabilités !
M. le ministre de la culture et de la communication. ..." On a assisté ces dernières années à des tentatives sionistes pour transmettre des maladies dangereuses à travers les exportations aux pays arabes, comme le sida. Cet ennemi n'aura aucun scrupule à commettre des actes qui pourraient porter atteinte à la santé des citoyens arabes et musulmans ". Ces phrases sont honteuses,...
M. Jean-Marie Le Guen. Prenez vos responsabilités, alors !
M. le ministre de la culture et de la communication. ...comme l'étaient celles qui ont amené le garde des sceaux à déclencher une procédure judiciaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour que soit condamnés pénalement les auteurs des infractions. (Mêmes mouvements.)
M. Pierre Lellouche. Un an que ça dure !
M. le ministre de la culture et de la communication. Aujourd'hui même, le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel a saisi le Conseil d'État pour qu'il soit mis un terme à la diffusion sur le territoire national d'une telle chaîne.
M. Pierre Lellouche. Il était temps !
M. le ministre de la culture et de la communication. Le Premier ministre...
M. Jean-Marie Le Guen. Agissez !
M. le président. Taisez-vous, monsieur Le Guen !
M. le ministre de la culture et de la communication. ...a demandé de vérifier s'il fallait des moyens juridiques supplémentaires. (" Agissez ! " sur les bancs du groupe socialiste.) La justice est saisie : la justice pénale par le garde des sceaux, le Conseil d'État par le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
M. Pierre Lellouche. Agissez ! Cela fait un an !
M. le ministre de la culture et de la communication. S'il faut des moyens juridiques supplémentaires, le Premier ministre et le Gouvernement vous les proposeront. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Julien Dray. N'importe quoi !
M. le ministre de la culture et de la communication. Mesdames, messieurs les députés, je ne comprends pas que vous ne fassiez pas confiance à la justice pour stopper cette barbarie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Agissez !
Auteur : M. Pierre Lellouche
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Audiovisuel et communication
Ministère interrogé : culture et communication
Ministère répondant : culture et communication
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er décembre 2004