Iraq
Question de :
M. Jean-Paul Bacquet
Puy-de-Dôme (4e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 8 décembre 2004
DETTE DE L'IRAK
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour le groupe socialiste.M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le ministre des affaires étrangères, l'avenir de l'Irak a fait l'objet, au cours des dernières semaines, de deux réunions internationales majeures.
À Berlin, tout d'abord, les dix-neuf membres du Club de Paris sont parvenus à un accord sur l'annulation de 80 % de la dette de l'Irak - soit 33 milliards de dollars. On ne peut que se réjouir de cette décision, car il n'était pas acceptable de laisser au peuple irakien la charge d'un endettement accumulé par Saddam Hussein pour financer une économie de guerre dirigée tant contre les pays voisins que contre son propre peuple.
On ne peut, en revanche, que regretter que la France n'ait pas été à l'initiative de cette annulation massive, en ne préconisant qu'un allègement de 50 %, pour s'aligner finalement sur la position des États-Unis. Le problème de l'Irak pose, d'ailleurs, celui de la moralisation du remboursement des dettes des pays en difficulté et de l'utilisation des crédits du développement pour ces remboursements.
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. Jean-Paul Bacquet. La conférence internationale de Charm el-Cheikh s'est soldée, quant à elle, par un texte a minima, qui ne fait que reprendre les principales dispositions de la résolution 1546 du Conseil de sécurité, sans remettre en cause la présence militaire américaine.
Je tiens à rappeler que la France était opposée à l'intervention en Irak parce que nous savions que la situation s'enliserait, et que nous sommes opposés au maintien des troupes américaines en Irak. Alors que de nombreux pays ont manifesté leurs réserves devant le caractère irréaliste du maintien au 30 janvier des élections irakiennes dans une situation chaotique, les États-Unis ont maintenu leur position.
Berlin, Charm el-Cheikh : à deux reprises, les États-Unis ont imposé leurs souhaits.
Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour que la France prenne une initiative forte pour soutenir le processus de reconstruction politique en Irak et ne laisse pas le peuple irakien seul face à la volonté hégémonique des États-Unis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie.
M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le député Bacquet, je vous prie tout d'abord d'excuser Michel Barnier, retenu à Saragosse par le sommet franco-espagnol.
La première des deux questions que vous posez porte sur la décision prise par le Club de Paris quant à l'allègement de la dette de l'Irak. On ne peut pas dire que la France se soit alignée sur la position des États-Unis, qui voulaient une annulation unilatérale de dettes à hauteur de 95 %, alors que le Club de Paris a adopté une position beaucoup plus prudente en considérant que, bien que l'Irak soit pratiquement le pays le plus endetté du monde - à hauteur de près de six fois sa richesse nationale -, une certaine progressivité s'imposait. La dette de l'Irak est en partie liée, vous le savez, à des retards de paiement causés par l'embargo, l'Irak ayant fait l'objet, pendant quatorze ans, de sanctions de la part des Nations Unies.
En conséquence, il a été décidé de procéder en trois étapes : interviendra d'abord une première annulation des dettes, à hauteur de 30 %, correspondant approximativement à la période des sanctions ; la deuxième phase d'annulation court sur toute l'année 2005 ; enfin, entre 2005 et 2008, lorsque le FMI sera entré à son tour dans une logique d'aide à l'Irak, une dernière phase permettra d'atteindre un total de 80 % d'annulation.
Pour ce qui est de la conférence de Charm el-Cheikh, on ne peut pas dire non plus que les États-Unis aient imposé leur point de vue, puisque nous avons rappelé la nécessité que les élections se tiennent avant le 31 janvier et la vigilance qui s'impose durant cette période. Nous avons également rappelé que toutes les troupes étrangères - et donc aussi les troupes américaines - devaient avoir quitté le sol de l'Irak au 31 décembre prochain.
Par ailleurs, monsieur le député, contrairement à ce que vous dites, la France, ne s'est aucunement désengagée puisqu'elle engage au contraire 3,5 milliards d'euros pour la reconstruction de ce pays.
M. Michel Sainte-Marie. N'importe quoi !
M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. Non, ce n'est pas n'importe quoi : c'est une décision prise pour la reconstruction de l'Irak !
Ni dans un cas, ni dans l'autre on ne peut donc parler d'alignement sur les États-Unis : il s'agit, au contraire, d'une volonté du gouvernement français d'avoir une action originale à l'égard de l'Irak, avec une ferme détermination de servir le peuple irakien sans s'aligner strictement sur la position des États-Unis. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Auteur : M. Jean-Paul Bacquet
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : coopération
Ministère répondant : coopération
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 8 décembre 2004