Front national
Question de :
M. Daniel Boisserie
Haute-Vienne (2e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 19 janvier 2005
PROPOS DE M. LE PEN SUR L'OCCUPATION
M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie, pour le groupe de l'UMP.M. Daniel Boisserie. Je souhaitais m'adresser à M. le Premier ministre.
Les récents propos de M. Le Pen contestant la dureté de l'oppression nazie ont soulevé l'indignation des Français. Pour lui, la vérité diverge de l'histoire. Il a en effet osé prétendre qu'en France l'occupation allemande n'avait " pas été particulièrement inhumaine ". Une telle affirmation est une offense à toutes celles et ceux qui sont tombés sous les coups du IIIe Reich et de ses affidés français, comme ce fut le cas à Tulle ou au pont Lavera. Les stèles élevées partout sur le territoire de notre République à la mémoire de milliers de résistants témoignent de la barbarie nazie.
Lorsqu'il déclare qu'il y aurait beaucoup à dire sur le massacre d'Oradour-sur-Glane, élément fondateur de notre conscience collective, il ne fait que nier la responsabilité de l'occupant dans un de ses crimes les plus odieux, alors même que le Centre de la Mémoire, que M. le Premier ministre a visité, est chargé de transmettre l'histoire et de susciter la réflexion afin d'éviter que le temps et la disparition des ruines du village martyre ne plongent le massacre des 642 habitants dans l'oubli ou l'indifférence.
Je m'adresse solennellement à vous, monsieur le Premier ministre. Mes collègues Marie-Françoise Pérol-Dumont, présidente du conseil général, Alain Rodet, président de l'Association des maires de la Haute-Vienne, le groupe socialiste et, je n'en doute pas, toute la représentation nationale s'associent à ma déclaration.
J'ai souhaité vous faire part de la douleur de mes concitoyens face à des propos révisionnistes insultants et insupportables. C'est une blessure pour les parlementaires républicains que nous sommes tous ici, pour la République et pour tous les Français.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est vrai !
M. Daniel Boisserie. La réaction du Gouvernement de la République doit être à la mesure de la gravité de ces propos. (Applaudissements sur tous les bancs.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je vous remercie de vos propos.
Mercredi dernier, lorsque, comme beaucoup d'entre vous, j'ai pris connaissance de ces déclarations, j'ai été proprement bouleversé. J'ai pensé aux femmes et aux hommes que je connais et qui ont survécu à cette période. J'ai aussi pensé à ceux dont j'avais entendu parler et qui n'ont pas survécu. J'ai trouvé ces propos insupportables et abjects. Je considère, en effet, que l'on ne peut pas parler de " bavures inévitables ". Je me suis trouvé quelques heures plus tard à Montluc avec un certain nombre d'associations ; les rescapés de Montluc ne parlent pas de " bavures inévitables ".
Vous avez évoqué Oradour-sur-Glane ; ce n'est pas une " bavure inévitable ". C'est la raison pour laquelle je veux dire ici devant la représentation nationale que l'on ne peut pas prétendre construire l'avenir d'un pays, on ne peut pas esquisser des réponses politiques sur l'avenir d'un pays lorsque l'on nie l'histoire de son pays. (Applaudissements sur tous les bancs.) C'est de cela qu'il s'agit.
En tant que ministre de la justice, j'ai immédiatement demandé au procureur de la République de faire diligenter une enquête sur des faits susceptibles d'être qualifiés d'apologie de crime de guerre ou de contestation de crime contre l'humanité.
Je considère, mesdames, messieurs les députés, qu'il n'est pas envisageable que M. Le Pen ne soit pas mis dans l'obligation de rendre des comptes et de s'expliquer sur de tels propos devant la justice. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Mesdames, messieurs les députés, j'ai considéré que la saisine de la justice allait de soi. À ce stade de l'enquête, il ne m'appartient pas d'en dire davantage, d'autant que, vous le savez, dans ce domaine, la jurisprudence évolue.
Monsieur Boisserie, mesdames, messieurs les députés, nous avons le devoir de dire qu'il ne faut rien oublier. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Auteur : M. Daniel Boisserie
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Partis et mouvements politiques
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 19 janvier 2005