Question au Gouvernement n° 1825 :
liberté de la presse

12e Législature

Question de : M. Patrice Martin-Lalande
Loir-et-Cher (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

Question posée en séance, et publiée le 26 janvier 2005

PROTECTION DES SOURCES JOURNALISTIQUES

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Patrice Martin-Lalande. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. Elle exprime une inquiétude que je sais partagée sur tous les bancs de notre assemblée, notamment par les membres du groupe d'études sur la presse.
Dans le cadre d'une information judiciaire, une perquisition massive a été effectuée très récemment à la rédaction de l'hebdomadaire Le Point et du quotidien L'Équipe. Elle fait suite à une plainte de la société Cofidis, sponsor d'une équipe du Tour de France dont les membres sont soupçonnés de dopage et de trafic de produits dopants.
Suite à la vive émotion provoquée par ces perquisitions, les journalistes sont les premiers à reconnaître que la presse n'est pas au-dessus des lois et qu'elle a des comptes à rendre. Mais comme la Cour européenne des droits de l'homme l'a confirmé solennellement dans de très récentes décisions, la protection des sources journalistiques est l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse.
Au nom des garanties de la liberté de l'information, la loi française protège partiellement les journalistes et leurs sources d'information. Le code de procédure pénale dispose que les perquisitions dans les locaux d'une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle ne peuvent être effectuées que par un magistrat et ne doivent pas porter atteinte au libre exercice de la profession de journaliste.
Le même code dispose également que tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l'origine. Cette protection est donc limitée, puisqu'elle agit seulement pour le journaliste entendu comme témoin, et elle ne concerne que l'origine et les sources d'information.
Il est indispensable d'éviter toute confusion par la police et la justice entre, d'une part, la recherche parfaitement justifiée du contenu de l'information et, d'autre part, la recherche de l'identité des sources d'information de la presse.
L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme affirme que la protection des sources journalistiques est le principe fondamental de la liberté de la presse, auquel il ne peut être dérogé. Monsieur le garde des sceaux, comment la loi et la jurisprudence françaises peuvent-elles mieux assurer le respect de ce principe fondamental ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, comme beaucoup d'entre vous, j'ai entendu l'émotion manifestée par les journalistes à la suite de ces deux perquisitions. Cette émotion, je la comprends.
Cette affaire illustre la contradiction qui existe entre deux principes fondamentaux : la liberté de la presse, indissociable de la protection des sources des journalistes, et le secret de l'instruction, nécessaire pour protéger l'innocence présumée. Ces deux principes sont parfois difficiles à concilier.
S'agissant d'une procédure en cours, vous comprendrez que je m'en tienne à la règle que je me suis toujours imposée depuis deux ans et demi en ne faisant aucun commentaire ni sur l'affaire elle-même, ni sur les modalités d'application de la loi par le juge. Par contre, en tant que ministre de la justice, il m'appartient de réfléchir à la manière dont la loi peut évoluer ou est susceptible d'être mise en oeuvre grâce à la définition d'un certain nombre de règles matérielles.
Je souhaite poursuivre cette réflexion, en concertation avec les professionnels. Avant même que ces perquisitions n'interviennent, j'avais rencontré la Fédération nationale de la presse française, qui doit me faire des propositions à ce sujet. Bien entendu, je mènerai cette concertation dans le strict respect de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : M. Patrice Martin-Lalande

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Presse et livres

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 janvier 2005

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