perspectives
Question de :
Mme Martine Billard
Paris (1re circonscription) - Députés n'appartenant à aucun groupe
Question posée en séance, et publiée le 17 février 2005
AVENIR DE LA RECHERCHE
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, députée non inscrite.Mme Martine Billard. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la recherche et porte sur le projet de loi d'orientation pour la recherche.
Monsieur le ministre, après les manifestations de chercheurs au début de ce mois, qui faisaient écho à celles de l'an dernier, vous avez retardé la divulgation de vos intentions, de peur d'ajouter au mécontentement alors que les lycéens et les enseignants battent déjà le pavé. Mais votre avant-projet a " fuité " et nous savons désormais qu'il tord le cou aux propositions des États généraux de la recherche. Tout y est dénaturé au nom de l'impératif d'innovation.
Ainsi, l'ensemble des crédits de recherche seraient alloués par une agence ayant statut d'établissement industriel et commercial. Que deviennent donc les institutions de recherche existantes ?
Les pôles de recherche et d'enseignement supérieur proposés par les chercheurs devaient améliorer l'offre de formation sur le territoire et être des interlocuteurs pour les acteurs économiques locaux : ils seraient transformés en " pôles de compétitivité " orientés vers l'utilisation de court terme par le secteur marchand, au risque de provoquer, du fait d'une gestion privée, le démembrement des universités.
Dans ce contexte, que devient notre recherche fondamentale ? Quelles avancées peut-on espérer pour la recherche médicale ou technologique et quelle prise en compte du développement soutenable, si les fonds publics sont absorbés par les impératifs mercantiles de mise sur le marché ?
Pour ce qui est des moyens, nous sommes loin des 3 % du PIB promis par le Président de la République !
Dans ce paysage déjà particulièrement dégradé, la recherche en sciences humaines est totalement laminée. De coupes budgétaires en gels de crédits, le CNRS ne recrute pour ainsi dire plus. Pourtant, de plus en plus de doctorants de très bon niveau sortent de nos universités et il faudrait dès à présent prévoir les remplacements pour les départs en retraite massifs qui auront lieu dans quelques années.
À l'heure où la mondialisation des économies et des cultures s'impose comme une donnée de nos sociétés désarticulées par une marchandisation en manque de sens, qui pourrait nier la nécessité de constituer et de transmettre un savoir d'excellence dans les diverses sciences humaines et sociales ?
M. le président. Avez-vous une question à poser, madame ?
Mme Martine Billard. Voici ma question, monsieur le ministre : confirmez-vous cette réécriture totale de votre avant-projet de loi ? Quel est le calendrier prévu ? Quelles dispositions comptez-vous prendre pour sauver la recherche fondamentale dans notre pays, sans oublier les sciences humaines ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la recherche.
M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Madame la députée, il n'y a pas d'avant-projet de loi, mais un document de travail dont je démens qu'il soit l'amorce d'un projet de loi, et encore moins d'une loi.
Il faut souligner avant tout que nous allons disposer de moyens : la programmation jusqu'à 2010 permettra d'atteindre les 3 % du PIB consacrés à la recherche.
M. Pierre Cohen. Vous n'y arriverez pas !
M. le ministre délégué à la recherche. C'est un objectif européen aussi bien que français.
En 2005, 2006 et 2007, 6 milliards de crédits publics iront à la recherche.
Mme Martine David. Allons donc !
M. le ministre délégué à la recherche. Tous les secteurs seront concernés, et tout particulièrement la recherche fondamentale, qui constitue le socle de toute bonne politique de recherche. La recherche en sciences humaines, qui contribue tant au rayonnement intellectuel de la France, est bien entendue prise en compte.
Nous avons des atouts qu'il faut renforcer, ainsi que des priorités : les sciences de la vie, par exemple, ont des incidences directes dans le domaine de la santé, dans la lutte contre le cancer. Priorité est également accordée aux technologies : la recherche en informatique, notamment, est indispensable.
Mais je récuse, madame Billard, l'approche quelque peu idéologique qui est la vôtre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Il n'y pas de " marchandisation " de la recherche, mais une politique européenne et française qui vise à l'excellence et qui veut s'appuyer sur un système d'évaluation efficace et transparent.
Rappelez-vous : entre 1998 et 2001, plus de 250 millions d'euros de crédits destinés à la recherche ont été annulés ; le plan d'emploi pour la recherche pour 2006 et 2007 prévoyait même des suppressions d'emplois. Tout cela a été signé par M. Jospin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Auteur : Mme Martine Billard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Recherche
Ministère interrogé : recherche
Ministère répondant : recherche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 février 2005