délocalisations
Question de :
M. Dominique Strauss-Kahn
Val-d'Oise (8e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 7 avril 2005
LUTTE CONTRE LES DELOCALISATIONS
M. le président. La parole est à M. Dominique Strauss-Kahn, pour le groupe socialiste.M. Dominique Strauss-Kahn. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Dans la période troublée que vit la France aujourd'hui, il est une question qui angoisse beaucoup nos compatriotes : celle des délocalisations. Des hommes et des femmes souffrent de perdre leur emploi, parfois de façon très abrupte, et ne savent pas vers qui se tourner.
M. Lucien Degauchy. Les 35 heures !
M. Dominique Strauss-Kahn. Il y a, dans cela, bien sûr, une composante économique, qui tient à la fois à des secteurs qui s'étiolent, à des territoires qui se vident, à une sorte de " siphonage " de notre tissu économique. (" Aux 35 heures ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En vingt-cinq ans, la France a ainsi perdu un million et demi d'emplois industriels.
Cela n'est certes pas uniquement dû aux délocalisations...
M. Lucien Degauchy. Les 35 heures !
M. Dominique Strauss-Kahn. ...mais celles-ci sont de plus importantes.
M. Jean-Michel Ferrand. Grâce à qui ?
M. Lucien Degauchy. Grâce aux socialistes !
M. Dominique Strauss-Kahn. Or vous savez comme moi, monsieur le ministre, combien un pays comme le nôtre a besoin d'une industrie puissante et ne saurait vivre, longtemps encore, uniquement sur les services.
Au-delà de l'aspect économique, il y a des hommes et des femmes qui souffrent et qui ne comprennent pas l'injustice qui leur est faite. Comment oublier les salariés de Bosch à Vénissieux, contraints de travailler plus pour un salaire horaire diminué ? On est loin de travailler plus pour gagner plus !
M. Richard Mallié. Et avec vous, on rase gratis !
M. Dominique Strauss-Kahn. Les pouvoirs publics ne peuvent pas rester inactifs. Pour ma part, je ne crois pas à une loi générale qui, par miracle, écarterait les délocalisations (" Ah ? " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), mais je ne crois pas non plus que nous puissions baisser les bras.
Monsieur le ministre, je me suis rendu, il y a peu, dans une entreprise exemplaire : Sediver à Saint-Yorre, dans l'Allier. Cette entreprise, qui a été rachetée par un groupe étranger, est aujourd'hui menacée de fermeture, la production devant être délocalisée en Chine et au Brésil.
Pourquoi est-elle exemplaire ? D'abord, parce qu'elle réalise des bénéfices (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), même si ses comptes ont parfois été un peu aménagés - en chargeant les frais de structures de l'entreprise - pour montrer que le produit, dont on voulait arrêter la production, était moins bénéficiaire qu'il ne l'est en réalité.
M. Serge Poignant. La question !
M. Dominique Strauss-Kahn. Elle est exemplaire aussi, parce qu'elle développe une vraie compétence technique dans la production d'isolateurs électriques qui demande beaucoup de savoir faire et dont EDF, notamment, est un grand consommateur, avec un savoir-faire qui date de dizaines d'années, à tel point qu'il est peu probable qu'une éventuelle délocalisation permette de produire ces biens avec la même qualité.
M. Daniel Mach. La question !
M. Dominique Strauss-Kahn. Elle est exemplaire encore parce que, dans une certaine mesure, elle est stratégique. (" La question ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Je vous en prie !
M. Dominique Strauss-Kahn. En effet, si cette entreprise ferme, il n'y aura plus en Europe de producteur de cette nature et EDF devra se fournir à l'étranger.
M. le président. Monsieur Strauss-Kahn, posez votre question !
M. Dominique Strauss-Kahn. Or des repreneurs se sont présentés, même si les salariés n'ont jamais réussi à obtenir des informations à leur sujet. (" La question ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !
Monsieur Strauss-Kahn, posez votre question !
M. Dominique Strauss-Kahn. On assiste à une sorte de conspiration du silence, de résignation à l'inaction.
Monsieur le ministre, je vous demande, avec M. Gérard Charasse, député de l'Allier, de rouvrir ce dossier, de voir quels sont les repreneurs éventuels, de favoriser la négociation et de fournir aux salariés l'information qu'ils demandent.
M. le président. Merci, monsieur Strauss-Kahn.
M. Dominique Strauss-Kahn. Il faut impliquer les pouvoirs publics dans la politique industrielle, même quand il s'agit de petites et moyennes entreprises ; il y va de l'avenir de notre industrie. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, j'irai du général au particulier, pour aller ensuite à la politique du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
Il est exact que le tissu industriel de la France a perdu un million et demi d'emplois en un quart de siècle. Vous êtes bien placé pour le savoir, mais tout le monde le sait, en particulier dans cette assemblée, où il y a consensus pour dire qu'il faut se battre pour notre industrie. Désormais, nous comptons 22 % d'emplois industriels contre 65 % dans les services, dont la moitié dans les services à moyenne et faible valeur ajoutée, et la moitié dans les services à haute valeur ajoutée. Telle est la réalité.
Reste que, je le répète, il y a consensus : nous voulons tous nous battre pour notre industrie,...
M. Henri Emmanuelli. Pas pour les actionnaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...car nous pensons, le Gouvernement en particulier, que le tissu industriel de la France est porteur d'avenir, d'innovation, de recherche et de développement. Cela nous distingue, du reste, de certains autres pays. (" Blablabla ! " sur les bancs du groupe socialiste.)
Passons au particulier, c'est-à-dire à Sediver, entreprise qui, effectivement, a souffert.
Je me suis penché sur ce dossier qui, sans attendre votre visite du 10 mars, avait été ouvert par Nicolas Sarkozy, au mois de juillet de l'année dernière. Des discussions ont eu lieu. Le Gouvernement et les pouvoirs publics - car c'est ensemble que l'on peut gagner - se sont mis autour de la table avec les salariés et ont proposé, le 24 novembre, une solution.
Il est exact que 166 seulement des 288 emplois ont pu être préservés. Pour des raisons que je n'ai pas encore comprises, mais je vais réexaminer les faits, il semblerait que les salariés aient refusé cette proposition ; il est vrai qu'on leur demandait de travailler un peu plus pendant un certain temps. Le préfet s'est saisi du dossier. Une médiation a eu lieu le 3 janvier.
M. Henri Emmanuelli. Venez donc voir avec moi ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En tout état de cause, je prends l'engagement de vous écrire sous dix jours pour vous dire si nous sommes entrés dans une phase judiciaire, auquel cas nous ne pourrions plus intervenir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Henri Emmanuelli. N'importe quoi !
M. le président. Monsieur Emmanuelli, ça suffit !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela dit, au niveau de la région, grâce aux pouvoirs publics et aux collectivités locales qui travaillent main dans la main - car c'est ensemble que l'on trouvera la solution - des sociétés nouvelles s'implantent : Caravelle, par exemple, a créé, autour du site, 200 nouveaux emplois de services en ligne.
Par ailleurs, le Gouvernement a mis en place des pôles de compétitivité et l'Agence pour l'innovation industrielle peut intervenir. Pour la première fois, 2 milliards d'euros ont ainsi été investis dans le tissu industriel français : voilà à quoi croit le Gouvernement, voilà les moyens qu'il met en oeuvre pour lutter contre les délocalisations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Emmanuelli, taisez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Auteur : M. Dominique Strauss-Kahn
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 avril 2005