Question au Gouvernement n° 2074 :
Togo

12e Législature

Question de : M. Serge Janquin
Pas-de-Calais (10e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 4 mai 2005

SITUATION AU TOGO

M. le président. La parole est à M. Serge Janquin, pour le groupe socialiste.
M. Serge Janquin. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Le dimanche 24 avril, les Togolaises et les Togolais ont voté pour élire leur président de la République. Ces élections, loin d'apaiser les esprits après des années de dictature, ont prolongé et dramatiquement aggravé les frustrations démocratiques. Manipulation des listes électorales, urnes volées par les militaires, tirs à balles réelles de la police sur des opposants, réfugiés fuyant par milliers au Bénin, incendie du centre culturel allemand, menaces sur les résidents français... La transition espérée tourne au fiasco.
Les autorités de fait, photographiées et filmées une main dans l'urne et l'autre sur la gâchette du fusil, ont fermé le Togo à la presse indépendante ; les médias privés togolais ont été interdits de reportage ; l'envoyé spécial du Figaro a été refoulé ; les émissions de RFI ont été suspendues. Le chef de l'État autoproclamé, fils du président défunt, court d'une capitale africaine à l'autre en quête de reconnaissance, à défaut de celle de ses compatriotes. Il a obtenu au passage celle de la France. Votre commentaire, monsieur le ministre, qualifiant les élections du 24 avril de " globalement satisfaisantes ", était pour le moins déplacé.
Permettez aux députés socialistes de vous le dire avec gravité : reprenez-vous tant qu'il en est encore temps. Votre fausse non-ingérence égare dangereusement la France de la démocratie et des libertés ; elle compromet la sécurité de nos concitoyens au Togo ; elle risque, après la confirmation constitutionnelle du résultat électoral, attendue dans la journée, d'embraser des foyers de guerre civile alimentés par les exactions militaires. Votre non-ingérence, qui ne trompe personne, perturbe les amis de la France, en Afrique comme en Europe. Hier, la Côte d'Ivoire en a souffert ; aujourd'hui, c'est le Togo. Que nous réserve l'avenir ? Heureusement, la diplomatie de l'Afrique du Sud a pris, en Côte d'Ivoire, le relais d'une France défaillante. Faites en sorte, monsieur le ministre, que la France ne soit pas à nouveau obligée de déléguer à d'autres le soin de défendre les valeurs de la démocratie, du droit, du respect du choix des électeurs.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !
M. Serge Janquin. Reprenez-vous, monsieur le ministre ! Revenez sur votre déclaration, et engagez la France dans une médiation internationale, pour apporter toute la lumière sur le scrutin et faire oublier le faux pas togolais. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie.
M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. Je vous prie d'abord d'excuser, monsieur le député, l'absence de Michel Barnier, retenu au Sénat.
Les élections du 24 avril se sont déroulées, comme vous le savez, grâce à la médiation et sous l'égide de l'organisation régionale africaine, la CEDEAO, et en accord avec l'Union africaine. Je rappelle par ailleurs que l'expression, que vous avez évoquée, de " conditions globalement satisfaisantes " a été utilisée par ces institutions, donc par les Africains eux-mêmes, et qu'en l'occurrence la France ne faisait que prendre acte de leurs déclarations. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
J'ajoute que les résultats, pour l'instant provisoires, ont été transmis à la Cour constitutionnelle qui va les proclamer dans les prochaines heures, une fois examiné le recours introduit par M. Akitani-Bob.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ils sont déjà proclamés ! Sauvez les Togolais, monsieur le ministre !
M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. De fait, l'annonce des résultats provisoires, au début de la semaine dernière, a provoqué des violences, qui ont non seulement visé des Français, mais aussi des Libanais et des Chinois. Elles ont surtout provoqué le décès, dans des conditions épouvantables, de huit Maliens et d'un Nigérien.
Que se passe-t-il aujourd'hui sur le terrain ? En liaison avec la CEDEAO et l'Union africaine, tout le monde appelle bien évidemment au respect des résultats officiels tels qu'ils seront proclamés, au dialogue politique et à la constitution d'un gouvernement d'union nationale - dont le principe, je le signale, est désormais accepté par l'opposition modérée. La France reste donc attentive. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
En ce qui concerne les interdictions opposées à certains ressortissants ou les difficultés qui ont pu leur être faites, elles étaient de nature à protéger leur vie, monsieur le député. J'estime donc, en l'occurrence, que la France a bien fait de les approuver.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Même s'agissant des militants des droits de l'homme ?
M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. M. Barnier l'a affirmé à juste titre : nous ne nous ingérons pas dans la vie politique togolaise. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il appartient aux responsables politiques togolais, en liaison avec les institutions africaines, très investies dans ce dossier, et grâce à leur médiation, de prendre les décisions politiques qui engagent leur avenir. Nous soutenons donc les positions prises par les organisations africaines : elles permettront de ramener le calme et de reprendre le chemin du dialogue politique, seul à même de permettre la réconciliation nationale. J'estime que les propos de nature à jeter de l'huile sur le feu sont ici déplacés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Serge Janquin

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : coopération

Ministère répondant : coopération

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mai 2005

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