durée du travail
Question de :
M. Jacques Desallangre
Aisne (4e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Question posée en séance, et publiée le 11 mai 2005
DIRECTIVE SUR LE TEMPS DE TRAVAIL
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.M. Jacques Desallangre. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre délégué aux relations du travail.
Dans la plus grande discrétion, le Parlement adoptera demain, sous le regard satisfait du patronat européen, une grande réforme du temps de travail. Le MEDEF jubile, car il va obtenir de l'Europe ce qu'il compte obtenir demain de vous. En effet, les travailleurs européens vont voir leur temps de travail annualisé et porté à 48 heures maximum par semaine.
M. Francis Delattre. Quatre-vingts heures !
M. Jacques Desallangre. Après les 40 heures du Front populaire, les 39 heures puis les 35 heures de la gauche, voici les 48 heures de l'Europe à la sauce libérale. Nous voici revenus en 1919. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Glavany. En 1848 ! Qui dit mieux ? En 1788 !
M. Jacques Desallangre. Si cela ne suffit pas encore aux employeurs, ils pourront utiliser l'" opt-out ", qui permet de passer à 65 heures par semaine. (Exclamations continues sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Enfin, pour toutes les professions qui en assurent, le temps des gardes ne serait plus comptabilisé comme du temps de travail. Demain, un Gouvernement aussi peu scrupuleux que le vôtre sur le sort des salariés pourra exciper de cette directive pour les faire trimer 48 heures, voire 65 heures. Est-ce là l'Europe sociale qu'on nous propose ?
Oui, c'est cela, c'est le dumping social, fiscal, juridique, illustré par la directive Bolkestein, qui, personne n'en doute, s'appliquera demain. Le MEDEF et ses alliés européens applaudissent à tout rompre cette directive, comme la " concurrence libre et non faussée ", comme la fin programmée des services publics, comme le travail de nuit des femmes décidé par le Gouvernement sous la pression de la Commission européenne, comme le projet de Constitution européenne. Et ne nous dites pas que cette directive ne changera pas le sort des salariés français aujourd'hui ou demain ! Oui, demain sûrement ! Pourquoi, sinon, le Parlement ne le voterait-il pas demain ? Par ce texte, l'Europe libérale montre la voie, celle de l'injustice sociale et de l'exploitation des plus faibles.
Monsieur le ministre, me répondrez-vous que vous allez mobiliser la minorité de blocage que vous vous vantiez d'avoir obtenue en décembre dernier pour faire rejeter - et non pas simplement modifier à la marge - cette directive ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Jean Lassalle. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion.
Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Parlement européen examine aujourd'hui la proposition de directive sur le temps de travail. On ne peut, sans mentir, établir un lien entre cette proposition de directive qui se fonde sur les traités actuels, et la future Constitution européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
On ne peut laisser entendre non plus, comme le font complaisamment les détracteurs du traité constitutionnel, que cette proposition de directive obligera les Français à travailler plus. Notre législation est déjà plus protectrice que le droit européen et elle le restera, car, en matière de réglementation sociale, l'Union européenne ne prévoit que des prescriptions minimales que les États membres sont libres de renforcer.
M. Daniel Paul. Soixante-cinq heures !
Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. La directive de 1993 sur l'aménagement du temps de travail en est la preuve, qui n'a jamais empêché l'instauration des 35 heures.
En ce qui concerne le projet de directive, notre objectif est clair. Nous voulons qu'elle garantisse dans les autres États membres de l'Union européenne une meilleure protection des salariés et évite les risques de dumping social. C'est la position que nous défendons à Bruxelles, et Gérard Larcher l'a réaffirmée à l'occasion de la réunion des ministres de l'emploi et à Strasbourg. Je me félicite que les efforts de la France soient relayés par le Parlement européen au travers de son rapporteur. Le projet de la Commission marque un progrès (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), car il permet de mieux encadrer les possibilités de dérogation à la durée maximale du temps de travail - 48 heures par semaine - prévues par la directive de 1993. Aujourd'hui, on peut y déroger par simple accord individuel du salarié. C'est, comme vous l'avez dit, la clause de l'" opt-out ". La Commission a proposé de limiter cette possibilité de dérogation individuelle, notamment en plafonnant les heures supplémentaires et en les encadrant dans la mesure du possible par accord collectif.
M. le président. Merci, madame la ministre.
M. Albert Facon. Elle a encore deux pages à lire !
M. le président. Monsieur Facon !
Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Nous voulons aller plus loin avec la suppression de cette possibilité de dérogation. Nous avons ainsi déjà réussi à faire échec à un nouveau projet d'assouplissement porté, en décembre dernier, par certains États membres sous le leadership du Royaume-Uni (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
M. le président. Merci, madame la ministre.
Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. ...en réunissant une minorité de blocage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Auteur : M. Jacques Desallangre
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : intégration, égalité des chances et lutte contre l'exclusion
Ministère répondant : intégration, égalité des chances et lutte contre l'exclusion
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 mai 2005