magistrats
Question de :
M. Jacques Remiller
Isère (8e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 29 juin 2005
RESPONSABILITE DES JUGES
M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller, pour le groupe UMP.M. Jacques Remiller. Monsieur le garde des sceaux, quatre années d'enquête sur le milieu du banditisme grenoblois, soit plus de 25 000 pages de procédure réparties en vingt tomes, ont purement et simplement été annulées à la suite d'un vice de forme soulevé par la défense et confirmé vendredi dernier par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon.
Ainsi la quasi-intégralité de la procédure s'est écroulée : plus aucune charge ne pèse sur les vingt-deux personnes mises en examen dans ce dossier et les trois suspects encore placés en détention provisoire ont été libérés d'office.
La complexité de la procédure de saisine d'un juge d'instruction est indéniable. Toutefois, aucune institution ne saurait être au-dessus de tout contrôle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Les juges, eux aussi, doivent rendre des comptes, et ce d'autant plus qu'ils jouent un rôle de plus en plus important dans notre société. N'oublions pas qu'ils sont juges au nom du peuple français.
Comprenez, monsieur le ministre, l'émotion des Français : pour eux, ce problème strictement juridique est le signe d'une grave défaillance du système judiciaire français. Nos concitoyens sont indignés par cette relaxe pour vice de procédure, qui nie le travail accompli par les 250 policiers, gendarmes et douaniers et par la justice elle-même. Parce que la sécurité et la liberté de nos concitoyens sont en jeu, un juge n'a pas le droit de méconnaître les limites de sa saisine. Il ne s'agit pas d'une erreur mais d'une faute.
Quand un comptable ou un médecin commet une faute, il doit rendre des comptes. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour rassurer les Français sur la responsabilité des magistrats ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Toute la France comprend votre émotion, monsieur le député. Cela étant, vous avez présenté les événements comme nous les avons tous lus dans la presse. Vous me permettrez - c'est mon rôle - de répondre avec sérénité et de rappeler très exactement les faits.
Sur les quinze " caïds ", ce sont seulement trois qui ont été remis en liberté, (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)...
M. Thierry Mariani. Cela fait trois de trop !
M. le garde des sceaux. ...à partir d'un problème de procédure qui, aujourd'hui, n'est pas tranché puisque, si la chambre d'instruction a annulé la procédure qui a été celle de deux juges d'instruction, le procureur général de Lyon a cru de son devoir, puisqu'il y a dispute juridique, de former un pourvoi devant la cour de cassation.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. le garde des sceaux. Vous ne pourrez donc, monsieur le député, dire qu'il y a faute que quand la cour de cassation se sera prononcée, et pas avant !
M. François Rochebloine. Très bien !
M. le garde des sceaux. Quant au problème difficile de la responsabilité des juges, il est ouvert dans toute démocratie - et donc dans la nôtre.
Dans l'état actuel des choses, la responsabilité des juges peut être pénale, comme pour tout citoyen. Elle peut être disciplinaire : c'est le conseil supérieur de la magistrature qui est alors compétent. (Protestations sur certains bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Enfin, elle peut être professionnelle, et je n'apprendrai rien à personne en disant que les juges sont notés et que de ces notations dépend le déroulement de leur carrière. (Exclamations.)
Pour autant, la question est posée. Elle l'a été sous la gauche, qui a fait des propositions.
M. François Lamy. Et qui les a refusées ?
M. le garde des sceaux. Aujourd'hui, il m'apparaît qu'il ne serait pas de mauvaise politique de se mettre à réfléchir, sereinement, avec les magistrats et avec le conseil supérieur de la magistrature, sur la responsabilité des magistrats.
M. Jean Glavany. Ca ne mange pas de pain !
Auteur : M. Jacques Remiller
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 juin 2005