directives
Question de :
M. Jean-Louis Bianco
Alpes-de-Haute-Provence (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 6 octobre 2005
DIRECTIVE BOLKESTEIN
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bianco, pour le groupe socialiste.M. Jean-Louis Bianco. Monsieur le Premier ministre, le Président Jacques Chirac s'en est pris hier à l'indifférence de la Commission européenne quant aux questions sociales. Mais, dans le même temps, au Parlement européen, la droite française a une attitude pour le moins ambiguë.
De quoi s'agit-il ? De la fameuse directive relative aux services, plus connue sous le nom de " directive Bolkestein " (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qui, certes, a changé de nom, avec la nouvelle Commission, mais pas de fond. Elle était dangereuse hier, elle reste dangereuse aujourd'hui.
Elle est dangereuse car elle risque de favoriser le dumping social, c'est-à-dire la mise en concurrence des travailleurs par les bas salaires.
Elle est dangereuse parce qu'elle risque, en l'absence de toute directive visant à protéger les services publics, de mettre en cause ces mêmes services publics.
Elle est dangereuse mais aussi absurde, car, en vertu du principe dit du " pays d'origine ", un prestataire de services opérant en France sera soumis aux seules règles et aux seuls contrôles de son pays d'origine, ce qui revient à faire coexister dans un même espace vingt-cinq réglementations nationales différentes.
M. Michel Bouvard. Vous n'avez rien fait contre cela !
M. Jean-Louis Bianco. La droite tient donc un double langage : à Paris, Jacques Chirac déclare qu'il faut remettre à plat le projet de directive ; au Parlement européen, les députés de l'UMP refusent d'éliminer le principe du pays d'origine et d'exclure clairement les services publics du texte, ce que réclament pourtant l'ensemble des socialistes européens.
Monsieur le Premier ministre, je vous pose trois questions.
Premièrement, oui ou non, le Gouvernement va-t-il s'opposer résolument à ce projet de directive ?
Deuxièmement, oui ou non, les députés de la droite française s'opposeront-ils résolument à ce projet de directive ?
Troisièmement, que ferez-vous si, par malheur, ce texte était adopté sans modification substantielle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, nous connaissons tous les inquiétudes que le projet de directive a suscitées chez nos compatriotes. Le projet initial présenté par la Commission européenne était déséquilibré et ne correspondait pas aux exigences sociales qui sont celles de l'Union européenne. C'est pourquoi le Conseil européen de mars dernier, à la demande de la France, avait demandé à l'unanimité la remise à plat de ce texte. Il y aura donc bien une remise à plat.
Le Parlement européen est aujourd'hui saisi de ce projet. Après qu'il se sera prononcé, la Commission devra élaborer une nouvelle proposition. Celle-ci devra prendre en compte nos préoccupations, qui sont partagées par de nombreux autres pays et par de nombreux parlementaires européens.
M. Jacques Desallangre. Mais encore !
Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Le Gouvernement fait preuve d'une vigilance particulière dans cette négociation. Nous avons mis ce sujet à l'ordre du jour du premier comité interministériel sur l'Europe, qui s'est réuni au mois de juillet dernier sous la présidence du Premier ministre. Nous en parlons régulièrement à la Commission européenne et je rencontre fréquemment les parlementaires européens les plus impliqués.
M. Jacques Desallangre. Tout va bien alors !
Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Cela dit, monsieur le député, je veux aussi rappeler que les services sont essentiels à la croissance et à l'emploi. Ils représentent aujourd'hui plus de 70 % de notre produit intérieur brut, soit une part essentielle de notre richesse nationale. Nous avons donc intérêt à les développer et nous y réussissons très bien puisque la France, vous le savez, est le quatrième exportateur mondial de services.
Mais le projet de directive européenne ne saurait, en effet, conduire à une remise en cause des droits des salariés ou des intérêts des consommateurs. Le Gouvernement refusera tout alignement vers le bas et tout dumping social.
Le Parlement européen ne se prononcera sans doute pas avant la fin de cette année, ou même le début de l'année prochaine. La remise à plat du texte devra comporter l'exclusion des secteurs les plus sensibles, en respectant notamment les services publics, ainsi que l'affirmation de la primauté du droit du travail du pays de destination - c'est le droit du travail français qui s'applique en France -, et la remise en cause du principe du pays d'origine.
Après le vote du Parlement européen, il reviendra à la Commission de proposer un texte qui devra être différent du premier. Il appartiendra ensuite aux États membres de prendre leurs responsabilités lorsqu'ils l'examineront. Le Gouvernement, pour sa part, prendra toutes ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. Jean-Louis Bianco
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Union européenne
Ministère interrogé : affaires européennes
Ministère répondant : affaires européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 octobre 2005