Question au Gouvernement n° 2195 :
accidents

12e Législature

Question de : M. Louis-Joseph Manscour
Martinique (1re circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 6 octobre 2005

CATASTROPHE AERIENNE DU 16 AOÛT 2005

M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour, pour le groupe socialiste.
M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le président, ma question, à laquelle s'associe mon collègue Philippe Edmond-Mariette, s'adresse à M. le Premier ministre.
Le 16 août dernier, au petit matin, la Martinique tout entière s'est réveillée dans la douleur et la tristesse, meurtrie dans sa chair : elle venait de perdre 152 de ses enfants dans un tragique accident d'avion au Venezuela.
Les Martiniquais ont été extrêmement touchés par l'émouvante solidarité tant nationale qu'internationale qui s'est manifestée à l'égard des familles des victimes et de leurs proches. Ils s'en souviendront longtemps.
Je tiens ici à remercier de leur soutien tous ceux qui, dans cette épreuve, nous ont témoigné leur compassion : le chef de l'État, le ministre de l'outre-mer et le Président de notre assemblée, qui s'est exprimé au nom des députés de tous bords, tant de l'outre-mer que de l'hexagone, ainsi que toutes les personnalités ou les anonymes qui ont pris part à nos souffrances.
Mais cinquante jours après le drame, les familles n'ont toujours pas pu entamer leur travail de deuil, ô combien nécessaire dans de telles circonstances. Seuls trois corps en effet ont été remis aux familles et de nombreuses questions demeurent toujours sans réponse.
Que s'est-il passé le 16 août dernier ? Sont-ce les forces de la nature ou des défaillances humaines qui ont causé ce terrible accident ? Est-ce une panne de carburant, comme la rumeur le laisse entendre ? Qu'ont révélé les boîtes noires ? Autant d'interrogations douloureuses qui ne cessent de nous agiter et que les annonces faites par le ministre de la justice lors de sa visite en Martinique n'ont pu lever.
Monsieur le Premier ministre, l'exigence des Martiniquais à l'égard du Gouvernement est aujourd'hui double : elle tient dans la vérité et la transparence que nous devons aux trente orphelins et aux dizaines de veuves et de veufs qui attendent des réponses à leurs questions. Pouvez-vous nous indiquer et leur indiquer les éléments d'information dont vous disposez ? Pouvez-vous également annoncer les dispositions, tant juridiques qu'administratives, que vous comptez prendre pour atténuer les craintes et les souffrances de ces familles ? (Applaudissements sur tous les bancs.)
M. le président. Monsieur Manscour, ce n'est pas seulement la Martinique qui a été endeuillée, mais la France tout entière. (Applaudissements sur tous les bancs.)
La parole est à M. le ministre de l'outre-mer.
M. François Baroin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le député, vous avez eu la grande délicatesse de souligner la place tenue par l'État aux côtés de la Martinique dans cette lourde épreuve. Je souhaite ici rendre à mon tour un hommage très sincère aux familles des victimes, qui ont fait preuve d'un courage, d'une solidarité et d'une générosité exemplaires, vertus parmi les plus singulières de la Martinique et de l'outre-mer. J'associerai non sans émotion à cet hommage l'ensemble des élus locaux, le président du conseil régional Alfred Marie-Jeanne, le président du conseil général Claude Lise, le maire de Fort-de-France Serge Letchimy et l'ensemble des parlementaires et des maires qui, dans ces heures douloureuses, se sont efforcés, en tous lieux et en toutes circonstances, de demeurer aux côtés des familles des victimes afin d'apaiser leur peine.
Vos interrogations sont légitimes. Pourquoi cet avion s'est-il écrasé ? Quand les corps seront-ils rapatriés ? Comment faire pour qu'un jour nous puissions affirmer en conscience et en responsabilité : " Plus jamais ça ! " ?
S'agissant de la tragédie elle-même, trois procédures sont en cours : une procédure judiciaire, une procédure relative à l'identification des corps et une procédure d'examen technique visant à identifier les causes qui sont à l'origine de cet accident.
En ce qui concerne la procédure judiciaire, je tiens à saluer la pleine et entière coopération des autorités vénézuéliennes, coopération que les contacts pris entre le Président Chirac et le Président Chavez ont grandement facilitée. Deux magistrats instructeurs ont été dépêchés sur le lieu du crash quelques heures seulement après son annonce. La procédure judiciaire est maintenant en cours et il leur appartiendra naturellement de dire le moment venu, dans le cadre du développement de l'instruction, ce qu'ils ont constaté, en vue d'aider à la manifestation de la vérité et à la définition des responsabilités, y compris pénales.
L'identification des corps est la procédure qui demeure la plus douloureuse à ce jour. Chacun sait en effet qu'en Martinique - je parle sous le contrôle des élus locaux et nationaux -, la période de deuil ne peut véritablement commencer qu'en présence du corps. Or, à ce jour, et alors qu'en raison de la violence de l'impact consécutif à la chute de l'avion, il a fallu recourir à la méthode par ADN, les travaux d'identification sont avancés aux trois-quarts. On peut raisonnablement penser que dans un mois environ, peut-être pour la Toussaint, tous les corps auront été rendus aux familles.
Enfin, une remarquable coopération entre les différentes autorités préside également aux enquêtes techniques. Les spécialistes chargés d'examiner l'enregistrement des voix des pilotes et de comparer les caractéristiques techniques de l'appareil opèrent sous l'entière responsabilité des autorités vénézuéliennes, mais nos experts sont pleinement associés à leur travail.
Telles sont les données objectives que je peux vous fournir cinquante jours après ce drame qui, je le répète, nous a tous profondément bouleversés.
En outre, des mesures ont été prises sous l'autorité du Premier ministre, relatives à la publication des listes des compagnies aériennes autorisées ou interdites, à des compléments d'information sur la validité des compagnies, à la plus grande fréquence des contrôles inopinés sur les aéronefs, ainsi qu'à l'obligation qui est faite aux tours opérateurs d'informer en amont leurs passagers sur les conditions dans lesquelles s'effectuera leur vol. Toutes ces mesures seront bientôt confirmées.
Nous ne pouvons évidemment pas agir seuls. À l'échelle européenne - je parle sous le contrôle de ma collègue déléguée aux affaires européennes -, un mémorandum sera présenté à la Commission afin que, saisie de la question, elle puisse concourir à l'établissement de normes européennes qui, je le répète, permettront peut-être un jour de dire, en conscience et en responsabilité, " plus jamais ça ". (Applaudissements sur tous les bancs.)

Données clés

Auteur : M. Louis-Joseph Manscour

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Transports aériens

Ministère interrogé : outre-mer

Ministère répondant : outre-mer

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 octobre 2005

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