DOM : Guadeloupe
Question de :
M. Joël Beaugendre
Guadeloupe (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 6 octobre 2005
REGULATION DES FLUX MIGRATOIRES
EN GUADELOUPE
M. Joël Beaugendre. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'outre-mer.
Depuis plusieurs mois, la population guadeloupéenne réclame la mise en oeuvre urgente d'une politique claire et efficace de régulation des flux migratoires des ressortissants de la Caraïbe.
Ces flux, qui sont demeurés réguliers durant de nombreuses années, connaissent aujourd'hui une augmentation si importante que l'ampleur du phénomène provoque chez mes compatriotes de sérieuses inquiétudes sur l'efficacité des dispositifs de contrôle de l'immigration dans leur archipel. Ainsi, en avril 2005, le congrès des élus guadeloupéens a été pour ces derniers l'occasion de réaffirmer la nécessité qu'il y a, à leurs yeux, de trouver des solutions qui sachent allier l'urgence avec la sérénité.
Parce qu'elle n'est pas programmée et paraît échapper à tout contrôle, l'immigration est perçue en Guadeloupe comme une agression. Elle suscite les difficultés qui sont liées à tous les flux migratoires mal contrôlés, notamment l'explosion du travail clandestin et le débordement des services publics et sociaux. L'immigration clandestine, qui est un obstacle à l'insertion sereine des étrangers en situation régulière, conduit à l'exploitation, dans le cadre de filières criminelles, d'hommes et de femmes qui, en quête du bien-être qui leur fait défaut dans leurs pays d'origine, se trouvent ainsi maintenus dans une précarité inacceptable. Elle déstabilise également notre économie et révèle enfin les limites de notre capacité d'accueil et d'intégration des ressortissants étrangers.
Monsieur le ministre, la Guadeloupe, terre d'accueil de par sa configuration économique et géographique, n'est paradoxalement pas suffisamment préparée à supporter les conséquences de flux migratoires denses et complexes. Sa situation économique et sociale ne lui permet pas d'assumer son devoir de solidarité envers tous les peuples de la Caraïbe.
Il ne s'agit pas pour moi aujourd'hui de remettre en cause les principes d'acquisition de la nationalité française ou de sombrer dans le trop sécuritaire, mais de trouver des réponses pragmatiques et exceptionnelles à une situation hors normes, qui est devenue la première préoccupation de mes compatriotes. La proposition de loi dont je suis l'auteur se veut une réponse parmi d'autres. Les récentes propositions du Comité interministériel de contrôle de l'immigration pour l'outre-mer ont confirmé l'urgence de relever le défi d'une immigration choisie. Aujourd'hui, les déclarations d'intention ne suffisent plus. Mes compatriotes attendent des actes.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer à mes compatriotes d'outre-mer, aux Guadeloupéens, les mesures que vous comptez prendre pour résoudre une situation de plus en plus inquiétante et dont la problématique tient au lieu ? Pouvez-vous également nous préciser quand les moyens ainsi mis en oeuvre deviendront effectifs ? Qu'en est-il, de plus, du renforcement des moyens de surveillance, notamment des côtes de l'archipel guadeloupéen ? Ne pensez-vous pas que la régulation des flux migratoires passe aussi par un renforcement de la coopération et des démarches de co-développement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'outre-mer.
M. François Baroin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le député, laissez-moi tout d'abord évoquer les faits, qui, seuls, permettent d'éclairer un débat aussi crucial.
Une reconduite à la frontière sur deux concerne l'outre-mer : chaque année en effet, ce sont 15 000 reconduites qui sont effectuées en métropole et 15 000 outre-mer, dont plus de 8 000 pour la seule île de Mayotte. En Guadeloupe, entre le mois de janvier et le mois d'août derniers, une augmentation de 33 % de ces procédures d'éloignement a été décidée. À Mayotte, qui est grande comme l'île d'Oléron, plus de 30 % de la population est d'origine clandestine !
M. Noël Mamère. Ce n'est pas une raison pour remettre en cause le droit du sol !
M. le ministre de l'outre-mer. Des hommes, des femmes et des enfants ont perdu leur vie en cherchant à passer dans notre pays : on leur avait dépeint la France comme un eldorado ; ils y ont trouvé leur tombeau.
Les politiques publiques s'adaptent avec difficulté à une situation de plus en plus tendue. C'est pourquoi il nous appartient de réfléchir, dans la sérénité, à la meilleure façon de traiter, en premier lieu sur le plan humain, cet important dossier.
M. Noël Mamère. En remettant en cause le droit du sol !
M. le ministre de l'outre-mer. Sur le plan du droit, je souhaite, mesdames et messieurs les députés, appeler votre attention sur les articles 73 et 74 de la Constitution, qui permettent, dans un grand nombre de domaines, d'adapter aux spécificités de chacun de nos territoires les politiques publiques. En 2000, le gouvernement de Lionel Jospin a ainsi pris une ordonnance qui a suspendu pour cinq ans le regroupement familial à Mayotte, et il a eu raison. L'ordonnance a d'ailleurs été reconduite. Auparavant, en 1998, Mme Guigou avait pris une ordonnance traitant de la nationalité dans cette même île de Mayotte sans que cette décision ait aucunement affecté le pacte républicain.
Il nous reste à débattre en toute responsabilité de nos objectifs. Certains ont répondu un peu vigoureusement et peut-être un peu rapidement. Je respecte leur choix. D'autres, avec courage, ont préféré une démarche de lucidité. Je tiens à remercier l'UMP et l'UDF,...
M. Jean-Luc Préel. Très bien !
M. le ministre de l'outre-mer. ...- ce n'est pas assez fréquent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) -, ainsi qu'un grand nombre de responsables socialistes, de nous avoir accompagnés dans cette démarche efficace.
Sur ce dossier comme sur tous les autres, le Premier ministre a fixé le cap. Maintenant, il nous faut agir. Je me tourne vers vous, monsieur le Président Debré, pour solliciter l'envoi d'une mission parlementaire à Mayotte, dont les conclusions permettront de nourrir le débat en enrichissant les propositions de Mme Gabrielle Louis-Carabin et de M. Joël Beaugendre. Nous pourrons ainsi décliner les décisions prises en comité interministériel.
Au cours d'un autre débat, tout aussi important, qui a animé la société française, celui sur la laïcité, j'avais le premier, dans un rapport remis à Jean-Pierre Raffarin, proposé l'instauration d'une loi sur les signes religieux à l'école. Je l'avais fait au nom d'une certaine idée que je me fais du pacte républicain, en vue d'améliorer encore notre façon de vivre ensemble. C'est au nom de cette même idée et sans être coupable d'aucune drague électorale,...
M. Jean-Louis Idiart. Vous n'êtes jamais coupable de drague électorale !
M. le ministre de l'outre-mer. ...que j'ai pris mes responsabilités. La représentation nationale, d'ici quelques semaines, aura l'occasion de prendre les siennes : je puis vous l'assurer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. Joël Beaugendre
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : outre-mer
Ministère répondant : outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 octobre 2005