EDF
Question de :
M. Alain Bocquet
Nord (20e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Question posée en séance, et publiée le 26 octobre 2005
OUVERTURE DU CAPITAL D'EDF
M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, en 1945, le général de Gaulle... (Exclamations et applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Richard Mallié. Les communistes avec de Gaulle, on aura vraiment tout vu !
M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Bocquet s'exprimer ! Ce qu'il dit est intéressant !
M. Alain Bocquet. ...expliquait la raison d'être de la création d'EDF par la nécessité où était l'État " d'assurer lui-même la mise en valeur des grandes sources de l'énergie ", garantissant ainsi " à chaque Français la liberté, la sécurité, la dignité sociale ".
M. Richard Mallié. C'était au siècle dernier !
M. Alain Bocquet. Aujourd'hui, vous abandonnez ces justes ambitions pour livrer à marche forcée un pan d'Électricité de France aux intérêts spéculatifs de la haute finance.
M. Maxime Gremetz. Absolument !
M. Alain Bocquet. Vous chaussez les lunettes à courte vue des courtiers et faites entrer le loup dans la bergerie.
M. Maxime Gremetz. Un gros loup !
M. Alain Bocquet. Rien ne justifie ce bradage d'un outil industriel stratégique qui a fait la preuve de son efficacité. L'arrivée d'actionnaires qui ne sont intéressés que par le rendement du titre n'apportera rien, ni à l'entreprise ni aux usagers. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Au contraire, ils auront droit à une augmentation des tarifs, comme ils le constatent avec Gaz de France, qui, depuis l'ouverture de son capital, fait flamber les prix pour répondre à l'appétit des marchés boursiers. Ainsi, ce sont les familles qui paieront la facture de votre frénésie libérale. La direction d'EDF a promis de verser aux futurs actionnaires 5 milliards d'euros de dividendes sur trois ans. C'est un pillage scandaleux qui se prépare.
M. Hervé Novelli. Et la CGT ?
M. Richard Mallié. Et la responsabilité de la CGT ?
M. Alain Bocquet. EDF, premier électricien d'Europe, a réalisé 2,5 milliards d'euros de bénéfices nets pour le seul premier semestre. Il peut donc, à l'évidence, soutenu par l'État, asseoir son développement sur ses capacités propres.
M. le président. Monsieur Bocquet, veuillez poser votre question.
M. Alain Bocquet. J'ai été interrompu, monsieur le président !
M. le président. Peut-être, mais, si vous tardez trop, je vais mettre définitivement fin à votre intervention. Posez votre question !
M. Alain Bocquet. L'énergie étant devenue rare et chère, il faut garantir en permanence à tous et sur tout le territoire un approvisionnement en électricité à un prix abordable, et ce dans des conditions de sécurité totale dans la mesure où EDF exploite cinquante-huit tranches nucléaires. (Exclamations continues sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Monsieur Bocquet !
M. Alain Bocquet. Seul un opérateur public indépendant des pressions du capital privé pourra relever de tels défis. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire ; claquements de pupitres.)
M. le président. Monsieur Bocquet, posez votre question !
M. Alain Bocquet. Allez-vous enfin comprendre, monsieur le Premier ministre, que la majorité du pays est opposée à cette opération contraire à l'intérêt national ? Allez-vous renoncer à la mise en vente d'EDF pour ouvrir un grand débat sur l'avenir du service public de l'énergie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, 1945-2005 : le combat continue ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. François Hollande. Pour la libération du pays !
M. le Premier ministre. Le combat continue pour l'entreprise EDF, pour le service public, pour la défense supérieure de la nation.
M. Bruno Le Roux. Bradeur !
Mme Martine David. Comment osez-vous parler du service public ?
M. François Brottes. On ne croit plus au Père Noël !
M. le Premier ministre. J'ai décidé hier d'augmenter le capital d'EDF. Je vous rappelle que le Parlement s'est prononcé pour le changement de statut d'EDF en août 2004, à l'initiative de Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cette décision est bonne pour l'entreprise. (" Non ! " sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) L'État ne se désengage pas d'EDF : la loi nous obligeait à rester à hauteur de 70 % et l'État restera engagé à hauteur de 85 %. Je le redis solennellement devant vous : EDF restera une entreprise publique.
M. Christian Bataille. C'est du pipeau !
M. le Premier ministre. Je suis convaincu que, compte tenu de sa dimension stratégique, il n'y a pas de raison de changer.
M. Bruno Le Roux. Villepin, bradeur !
M. le Premier ministre. C'est aussi une bonne décision pour le service public. J'ai signé avec EDF - c'est la condition que j'ai posée à l'augmentation de capital - un contrat de service public, qui marque une avancée considérable par rapport à ce qui existait précédemment. Il comporte un engagement d'égalité et de modération des tarifs, aux termes duquel, pendant au moins cinq ans, tous les Français paieront le même prix pour l'acheminement de leur électricité. D'autre part, il n'y aura pas d'augmentation au-delà de l'inflation : c'est une garantie importante. La sécurité des installations sera renforcée. Un engagement pour la solidarité sera pris, conformément au projet de loi Logement, et l'électricité ne sera pas coupée aux plus démunis pendant l'hiver. Enfin, cet accord comporte un engagement pour l'environnement, grâce au développement des énergies renouvelables.
C'est une bonne décision pour la France tout entière, car nous sommes entrés dans l'ère de l'après-pétrole. Cela veut dire que le pétrole est plus cher, que la consommation d'énergie augmente et que nous avons besoin d'investissements supplémentaires. Or, monsieur Bocquet, comment financer ces investissements ?
M. Maxime Gremetz. En nationalisant !
M. Julien Dray. En ne baissant pas les impôts !
M. le Premier ministre. Nous devons nous doter de 5 000 mégawatts supplémentaires, soit l'équivalent de cinq centrales nucléaires, ce qui équivaut à 40 milliards d'euros d'investissements sur cinq ans, dont plus de 20 milliards sur le territoire national. Pour notre économie, cela représente de nombreux emplois, beaucoup d'investissements et des perspectives de croissance très importantes.
M. François Hollande. Vous bradez EDF !
M. le Premier ministre. Cette décision s'inscrit dans la stratégie de mon Gouvernement qui a fait le choix de l'avenir, des infrastructures, de la recherche et du développement - le choix de l'énergie. C'est l'intérêt de la nation tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Auteur : M. Alain Bocquet
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 26 octobre 2005