Question au Gouvernement n° 2353 :
sida

12e Législature

Question de : M. Alain Marty
Moselle (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

Question posée en séance, et publiée le 1er décembre 2005

LUTTE CONTRE LE SIDA

M. le président. La parole est à M. Alain Marty, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Alain Marty. Monsieur le Premier ministre, le sida continue à se développer dans le monde, comme vient de le rappeler le président de l'Assemblée nationale. Quarante millions de personnes sont infectées. Cette année, trois millions de personnes vont décéder du sida. Chaque jour, 14 000 personnes sont contaminées.
Ces chiffres montrent l'importance de la maladie et suscitent bien des interrogations. Comment lutter contre la pauvreté quand on sait que le quart de l'humanité, soit un milliard et demi de personnes, est exclu de tout développement ? Comment lutter contre ces infections que sont le sida, le paludisme et la tuberculose ?
Nous ne pouvons pas rester indifférents à ces questions. Le groupe de l'Union pour un mouvement populaire apporte donc un soutien entier au Président de la République, qui mène une action déterminée contre la pauvreté et les grandes pandémies. Des résultats semblent apparaître, en particulier grâce à l'action du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Mais il reste des insuffisances difficilement supportables : les femmes éprouvent des difficultés à accéder aux traitements ; aucun programme n'est destiné aux femmes enceintes ; près de la moitié des enfants infectés décèdent avant l'âge de deux ans.
Il est par conséquent nécessaire de faire plus. À cet égard, je rends hommage au Gouvernement qui s'engage dans la lutte contre le sida. Nous soutenons la proposition du Président de la République de mettre en oeuvre une contribution de solidarité sur les billets d'avion. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous indiquer quelle est l'importance du financement attendu pour des actions additionnelles, quelles sont les actions prévues et si d'autres pays envisagent de suivre la France dans son initiative ? Enfin, puisque la maladie ne se développe pas seulement sur le plan international mais également dans notre pays, quelles actions le Gouvernement envisage-t-il pour renforcer la recherche médicale et la prévention, absolument nécessaire auprès des jeunes ?
Je profite de l'occasion pour rendre hommage aux associations qui mènent un travail remarquable auprès des personnes infectées et des malades. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (réponse commune à quatre questions)
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, je remercie tout d'abord l'Assemblée nationale et son président d'avoir bien voulu mettre l'accent sur cette importante journée nationale. En effet, la lutte contre le sida a été déclarée grande cause nationale de l'année 2005, et je tiens à saluer ici l'engagement du collectif national.
Grâce au travail remarquable accompli par les associations, les professionnels de santé et les chercheurs, nous avons obtenu un certain nombre de succès dans le domaine de la prévention, qu'il s'agisse de la propagation du virus chez les usagers de drogue, de sa transmission de la mère à l'enfant ou lors de transfusions sanguines.
Mais ces succès ne doivent pas nous faire oublier la réalité de la situation. Le sida tue encore aujourd'hui dans notre pays et nous assistons à une augmentation des comportements à risque. Il s'agit d'une épidémie active. Dans presque un tiers des cas, le diagnostic révèle une infection de moins de six mois. Chaque année, 6 000 à 7 000 personnes découvrent leur séropositivité. Il y a actuellement en France 100 000 personnes séropositives.
L'arrivée de nouveaux traitements et la baisse du nombre de décès ont pu donner le sentiment d'une atténuation de la dimension tragique de cette épidémie. Pour beaucoup - beaucoup trop - de nos concitoyens, en particulier pour les jeunes, le sida est devenu une maladie chronique presque comme une autre. Ce manque de vigilance s'accompagne d'une ignorance croissante des modes de transmission. La recrudescence des comportements à risque intervient alors même que l'État consacre des moyens considérables à la prévention, à laquelle 64 millions d'euros sont affectés chaque année.
Alors, que faire ? Il faut d'abord repenser les outils de la politique de prévention. Sous la responsabilité de Xavier Bertrand, le Gouvernement veut agir dans trois directions.
Premièrement, il entend refuser la banalisation et mieux informer de la gravité de cette infection, ce qui suppose des actions et des campagnes beaucoup plus ciblées. À une prévention généraliste, nous devons préférer des messages choisis et ciblés en direction des populations les plus exposées. Je pense au milieu homosexuel, où l'on constate une augmentation des comportements à risque et où l'on recense un quart des nouveaux diagnostics. Je pense aussi aux populations migrantes, en particulier aux femmes originaires d'Afrique subsaharienne, mais également aux populations habitant des zones où les associations sont peu présentes. Enfin, nous devons faire le nécessaire pour prévenir les contaminations en prison.
La deuxième direction consiste à repenser la politique d'éducation sexuelle en général, notamment à l'école. Face au relâchement des comportements de prévention, en particulier chez les jeunes et les personnes séropositives, nous devons poser plus largement la question des rapports entre hommes et femmes, entre partenaires, et du respect qui doit fonder toute relation.
La troisième direction consiste à travailler en étroite collaboration avec les associations.
Depuis vingt ans, elles ont joué un rôle déterminant dans la prise en compte des problèmes liés au sida. Je tiens à saluer l'engagement et le dévouement de tous ceux qui se mobilisent au quotidien pour soutenir les malades et leurs proches et pour sensibiliser l'ensemble des Français. Leur expérience nous est précieuse, et je souhaite qu'elles puissent nous faire part de leurs propositions pour rendre la prévention de proximité plus efficace encore.
Au-delà du développement des outils de prévention, nous devons changer notre regard sur la maladie. Aujourd'hui encore, les discriminations s'ajoutent à la souffrance due à la maladie. Trop de regards se détournent, trop de peurs et d'ignorance provoquent des attitudes de rejet. Pour les malades et pour leurs proches, c'est une douleur supplémentaire et un sentiment d'exclusion. Nous ne pouvons accepter que les séropositifs ne soient pas considérés comme des citoyens à part entière dans notre pays.
La lutte contre les discriminations à l'encontre des personnes séropositives ou malades du sida sera une priorité pour notre action en 2006. Xavier Bertrand est pleinement mobilisé dans ce domaine, en lien avec la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Il a notamment demandé à M. Belorgey, président de la section du rapport et des études du Conseil d'État, de dresser un bilan des dispositifs en faveur de l'accès à l'assurance et à l'emprunt des personnes présentant un risque de santé aggravé et de lui faire part à brève échéance de propositions de nature à améliorer la situation.
Nous devons également renforcer notre action en faveur de la recherche. Nous disposons, avec l'Agence nationale de la recherche sur le sida, d'un outil dont l'efficacité et la qualité scientifique sont internationalement reconnues. Son budget, qui augmentera de 5 % en 2006, s'élève à 44 millions d'euros et permet à la France d'être présente dans tous les champs de la recherche contre le sida : la recherche fondamentale, la recherche clinique, avec le financement et la promotion d'essais thérapeutiques, et la recherche vaccinale. Après une pause de dix mois, l'Agence nationale de la recherche sur le sida a annoncé le 28 novembre qu'elle reprenait son programme de recherche d'un vaccin préventif contre le sida. Elle a mis en place un réseau important et structuré des essais vaccinaux.
Bien évidemment, nous devons lier étroitement nos efforts avec ceux de tous nos partenaires. L'Agence nationale est aussi le chef de file de la coopération européenne dans le domaine de la recherche clinique et soutient de nombreux projets de recherche dans les pays en développement. Près d'un quart de son budget y est consacré. Six pays principaux - le Sénégal, la Côte-d'Ivoire, le Burkina-Faso, le Cambodge, le Vietnam et le Brésil - bénéficient ainsi de financements pérennes en termes d'équipements, d'infrastructures et de personnel.
Nous devons enfin nous mobiliser en faveur des pays en développement. C'est, vous l'avez rappelé, une nécessité et un enjeu important, car le sida représente un risque majeur sur le plan international. Plus de 40 millions de personnes vivent actuellement avec le VIH et 3 millions de personnes en meurent chaque année, dont 500 000 enfants. C'est un drame sanitaire, un drame humain et un drame social qui frappe avec une dureté particulière les pays les plus pauvres ; 90 % des Africains et 70 % des Asiatiques qui auraient besoin d'anti-rétroviraux n'y ont pas encore accès aujourd'hui.
Pour lutter contre ce fléau, la France agit dans trois directions, sous l'impulsion décisive du Président de la République.
La première direction, c'est le financement international de la lutte contre le sida. Le besoin annuel s'élève à 15 milliards d'euros par an en matière de prévention et d'accès aux traitements. La France consent un effort considérable, et elle a choisi de le faire dans le cadre multilatéral du Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Elle doublera en deux ans la contribution à ce fonds, pour la porter à 300 millions d'euros en 2007, devenant ainsi le premier contributeur mondial dans la lutte contre le sida. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La deuxième direction, c'est la propriété intellectuelle. En août 2003, la France a joué un rôle déterminant à l'OMC dans la conclusion de l'accord instituant un système de licences obligatoires extraterritoriales qui permettra aux pays pauvres d'obtenir les médicaments dont ils ont besoin au prix le plus bas possible. Cet accord est en cours de transposition dans les États membres de l'OMC et au plan communautaire.
La troisième direction, c'est la création de moyens de financement innovants. Le Président de la République a proposé aux pays industrialisés une contribution internationale de solidarité sur les billets d'avion. Cette taxe sera mise en oeuvre en France le 1er juillet prochain. Elle permettra de recueillir 200 millions d'euros, qui seront notamment affectés à la lutte contre le sida. La Grande-Bretagne et le Chili se sont d'ores et déjà engagés à appliquer un dispositif analogue. La concertation se poursuit afin que d'autres pays prennent part à ce financement innovant. Une conférence internationale se tiendra à Paris fin février pour décider de l'affectation de ces sommes qui permettront de changer d'échelle dans l'achat de médicaments pour les pays pauvres.
Vous le voyez, un gros travail a été engagé. À cette heure, face à de nouveaux risques, nous devons encore accroître notre effort tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Données clés

Auteur : M. Alain Marty

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 1er décembre 2005

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